Réemploi, réutilisation, récupération… De quoi parle-t-on ?
Dans une société où l’on produit et consomme toujours plus, le réemploi et la réutilisation s’inscrivent dans une logique d’économie circulaire. Ils visent à prolonger la durée de vie des produits, en évitant qu’ils ne deviennent des déchets.
Dans ce contexte, le réemploi concerne un objet ou un matériau qui peut être transmis ou revendu pour la même utilisation que ce pourquoi il a été conçu. La réutilisation, elle, intervient après que l’objet a été jeté : il est alors réparé, nettoyé, remis en état, avant de retrouver une seconde vie, dans un usage qui peut être différent ou détourné de ce pour quoi il a été conçu.
Ces deux pratiques ont évidemment un impact direct sur la réduction des déchets et la préservation des ressources... mais aussi sur l’économie et l’emploi locaux !
Pourquoi privilégier ces pratiques ?
Un impact environnemental fort
Réemployer plutôt que jeter permet de réduire le volume des déchets incinérés ou enfouis, de limiter la consommation de matières premières, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication de produits neufs, et d’éviter, aussi, la consommation de ressources inévitable dans le processus de recyclage.
Un exemple ? 10 000 litres d’eau sont nécessaires pour recycler 1 tonne de matière papier carton. Or, en France, 75 % des cartons sont envoyés au recyclage après une seule utilisation. Pourtant, leur réemploi est souvent possible sans transformation, comme le prouve Elle Cartonne (voir page suivante).
Des retombées économiques locales
Réparer, récupérer ou acheter d’occasion permet en premier lieu de réduire les dépenses individuelles et collectives liées à l’achat de produits et au traitement des déchets – la gestion des déchets en France coûte plus de 20 milliards d'euros par an.
Ces piliers de l’économie circulaire favorisent aussi la création d’activités économiques de proximité : le réemploi et la réparation sont effectivement des leviers d’insertion professionnelle et sociale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un rapport de l’ONG internationale GAIA, engagée dans la protection de l’environnement, montre que la réparation crée 200 fois plus d’emplois que l’incinération. En France, en 2021, plus de 550 000 emplois ont été créés dans les secteurs du réemploi et de l’allongement de la durée d’usage des produits*.
*Chiffres d’un rapport du gouvernement actualisés en 2024
Vers un changement durable
Pour aller plus loin et encourager ces comportements, il s’agit désormais de soutenir les structures locales, d’encourager l’éco-conception tout en évitant les produits à obsolescence programmée… et de consolider les modèles économiques, encore fragiles, qui découlent des trois “R” : réemploi, réutilisation, réparation.
Des objectifs de réemploi ont été fixés par le Code de l’environnement. En 2027, on devrait par exemple trouver 10 % d’emballages réemployés ou réutilisés sur le marché français, une part évaluée à 2,2 % en 2023. Et donc un potentiel encore largement sous-exploité.
À Villeurbanne, plusieurs associations ont choisi de sortir de l’automatisme "j’achète – je jette", pour adopter le réflexe "je répare – je réutilise – je transmets ». Pourquoi pas vous ?
Réemploi : Minéka donne une seconde vie aux chantiers
Créée en 2016 par deux architectes, l’association Minéka collecte des matériaux de construction invendus ou non utilisés. Bois, fenêtres, luminaires, moquettes : au “Minéstock”, tout est pesé, mesuré, référencé, revendu à moitié prix ! "Notre objectif, c’est de favoriser le réemploi dans la construction et les petits travaux, c’est vertueux pour l’environnement, mais aussi pour les relations humaines, c’est créateur de valeurs et d’emplois", souligne Lou Girodet, en charge du stock et de la collecte.
Plus de 800 tonnes de matériaux ont été collectées et redistribuées par l’association depuis sa création, dont 150 tonnes en 2024. Installée rue de la Poudrette, sur une occupation temporaire partagée avec l’Atelier Emmaüs, Minéka s’adresse aux particuliers comme aux professionnels : 800 nouvelles adhésions ont été enregistrées en 2024.
> Minéka - 182, rue de la Poudrette - Minéstock ouvert les mercredis, vendredis et samedis
Atelier Soudé : réparer, c’est résister
Depuis 2010, l’Atelier Soudé apprend à redonner vie aux objets du quotidien. "On pense souvent qu’on n’est pas capable de réparer tel ou tel appareil. C’est faux. À l’atelier, on prend le temps de faire avec les gens, pour qu’ils se rendent compte qu’ils en sont capables", explique Camille Bouchinet, salariée de l’association.
Créé à Villeurbanne où il intervient régulièrement, l’Atelier Soudé dispose d’un local au Croiseur à Lyon 7. Moyennant une cotisation de 20 euros par an, on peut s’inscrire aux permanences des mardis et jeudis pour venir réparer ses appareils fatigués. Les outils sont accessibles en libre-service, les composants, le plus souvent eux-mêmes issus du réemploi, sont à prix libre…
Avec trois salarié·es et une quarantaine de bénévoles, l’Atelier Soudé se limite au petit électroménager (“pas plus gros qu’un four”), mais prône surtout un changement de paradigme. “Le plus important pour nous c’est la transmission de compétences, la convivialité, le partage”. Et la magie du “faire ensemble” opère : les permanences attirent de plus en plus de monde, “surtout à Villeurbanne”, sourit Camille Bouchinet.
> Atelier Soudé - 4, rue Croix-Barret et à Villeurbanne avec les déchetteries mobiles
Elle cartonne : le carton, c’est du solide
Elle Cartonne, c’est une rencontre entre Amandine Louis, forte de 15 ans d’expérience dans la logistique, et Alexandra Champion, autrice d’un mémoire sur les stéréotypes de genre dans l’insertion professionnelle. L'association, créée il y a un an et installée rue de la Poudrette, allie logique environnementale et réinsertion professionnelle des femmes dans les métiers de la logistique. En un an, 8 000 cartons ont été réemployés, triés, vendus à bas prix. Les plus abîmés ? Transformés en calage pour colis ! Simple, efficace, et 30 % moins cher qu’un carton neuf.
“Les entreprises gaspillent énormément de cartons”, explique Amandine Louis. “Dès qu’ils sont déballés, ils partent à la benne. Et même si c’est pour être recyclé, cela demande beaucoup d’eau et d’énergie. Le réemploi est plus vertueux parce qu’on réemploi directement le carton pour ce pour quoi il a été créé”. Faisant d’une pierre deux coups, Elle Cartonne poursuit aussi une vocation sociale. “On constate que les inégalités femmes/hommes se poursuivent malheureusement dans la réinsertion professionnelle. Et les femmes sont très peu orientées vers les métiers de la logistique qui pourtant recrutent”, souligne Alexandra Champion. De la collecte de carton auprès des professionnels à la revente aux particuliers et aux entreprises, en passant par la valorisation, les deux fondatrices de Elle Cartonne ont pour objectif de créer de véritables parcours d’insertion professionnelle destinées aux femmes éloignées de l’emploi. Elles ont d’ailleurs noué un partenariat avec l’entreprise à but d’emploi Bross’Up : deux salariées travaillent à la valorisation et au tri des cartons de l’association, et 40 personnes sont déjà passées en immersion à Elle Cartonne.
> Elle Cartonne - 130, rue de la Poudrette
Pour aller plus loin
Vous aussi, participez à l’économie circulaire locale :
👉 Déposez vos objets fonctionnels dans les ressourceries ou recycleries locales. Par exemple à la donnerie métropolitaine de la rue Paul-Kruger.
👉 Réparez plutôt que jeter : rendez-vous sur https://reparons.org/ pour trouver un atelier près de chez vous.
👉 Pensez aux matériaux de réemploi pour vos travaux ou vos projets.
👉 Encouragez les circuits courts en achetant d’occasion ou en valorisant le don.
Crédits :
Ville de Villeurbanne