Le terme « impérialisme » désigne un processus politique par lequel un pays exerce un contrôle sur un autre par le biais d'une force militaire, économique ou culturelle. Selon la National Domestic Workers Alliance (NDWA), une alliance nationale pour les travailleuses et travailleurs domestiques, « l'impérialisme permet au capitalisme de fonctionner » et favorise l’accès aux pays capitalistes à « de nouveaux marchés, de nouvelles ressources et de nouveaux travailleurs »[1]
Historiquement, le terme «impérialisme » a fait l'objet de débats animés tant au sein des organisations de femmes canadiennes que dans l'ensemble du mouvement mondial pour la libération des femmes. Cette exposition explore les débats qui ont pris place au sein des mouvements féministes canadiens sur les questions entourant l'impérialisme. Elle met aussi en lumière les femmes qui ont soutenu des causes anti-impérialistes et qui se sont démarquées au sein de ces mouvements.
Cette exposition illustre les divisions internes qui existaient au sein des mouvements féministes sur ces questions. Coexistaient à la fois des groupes souhaitant ne considérer que les problématiques touchant les femmes en Amérique du Nord, et des groupes souhaitant élargir la lutte des femmes contre la violence militaire au delà du monde occidental. Une division interne est également perceptible au sein des groupes antimilitaristes, entre ceux qui condamnent toutes formes de violence et ceux qui estiment que la violence révolutionnaire est justifiée.
1. Le personnel est politique... mais pas QUE politique
En juin et juillet 1975, l'impérialisme est devenu un sujet de controverse lors de la première conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, la toute première conférence internationale consacrée exclusivement aux questions féminines, qui s’est tenue à Mexico. Le thème de l’Année internationale de la femme était « Égalité, développement et paix ». La conférence a réuni plus de 5 000 délégués de 133 pays, dont une majorité de femmes. Les objectifs énoncés de la conférence étaient simples : éliminer les discriminations sexistes et garantir les droits humains des femmes au niveau international. Cependant, des désaccords ont été exprimés par les délégués sur la manière d'atteindre ces objectifs[2].
De l'autre côté de la ville, les ONG ont organisé une conférence parallèle, la Tribune internationale des femmes, qui a permis aux femmes des organisations non gouvernementales et militantes de se rencontrer et de discuter des résolutions prises lors de la conférence officielle. Qu'elles soient officielles ou non officielles, les différentes rencontres ont été marquées par des débats sur la violence impérialiste perpétrée par les pays dits « développés », notamment le colonialisme, l'occupation étrangère, les déplacements forcés, l'extraction des ressources, l'ingérence économique, le sionisme et l'apartheid. Ces rencontres ont marqué le début de la Décennie internationale de la femme (1975-1985). Les années qui suivirent cette inauguration, démontrèrent sans l'ombre d'un doute que les femmes ne partageaient pas d'objectifs politiques communs sur la seule base de leur sexe biologique[3][4].
Ces confrontations ont marqué plusieurs déléguées canadiennes, dont Maria Erikson, du Comité d'action sur le statut de la femme. Elle déclare alors qu’ « un sentiment anti-occidental, ou peut-être plus exactement un sentiment d’opposition aux pays développés » s'était installé au Tribunal des ONG. Elle ajoute que « la plupart des Canadiennes (et peut-être des Canadiens) n’[étaient] pas habituées à ce genre de confrontation. » Lors des deux conférences, les déléguées canadiennes ont critiqué les femmes anti-impérialistes des pays « en voie de développement » pour avoir mis l'accent sur des « questions politiques et idéologiques » plutôt que sur des « questions exclusivement relatives aux femmes »[6].
Lors de la conférence officielle de l'ONU, ces « questions politiques » s'articulaient autour d'un document intitulé Déclaration de Mexico sur l'égalité des femmes et leur contribution au développement et à la paix, rédigé et approuvé par un groupe de 77 pays « en développement ». Un des engagements énoncés dans cette déclaration stipulait que «les femmes et les hommes devraient ensemble éliminer le colonialisme, le néocolonialisme, l'impérialisme, la domination et l'occupation étrangères, le sionisme, l'apartheid, la discrimination raciale, l’occupation de terres par la force et la reconnaissance d'une telle occupation, car ces pratiques infligent des souffrances incommensurables aux hommes, aux femmes et aux enfants » [7]. « Cependant, les délégués des pays occidentaux tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne de l'Ouest n'étaient pas d'accord avec l'affirmation du Groupe des 77 selon laquelle le «sionisme » et l’ « apartheid » devaient être éliminés pour assurer la libération des femmes dans le monde entier[8].
Le sionisme et l’apartheid sont deux régimes politiques contestés établis en 1948. La politique sioniste d'Israël a procédé à un nettoyage ethnique, à des massacres et à des déplacements forcés du peuple palestinien afin d'établir un État-nation juif [12]. L'apartheid sud-africain constitue en un projet social initié par le Parti national, entièrement blanc, qui a établi une ségrégation physique entre les citoyens noirs et les citoyens blancs. Ces deux régimes ont empêché les populations autochtones de participer à la vie politique nationale et ont cherché à légitimer le droit des colons à posséder les terres occupées [9]. Lucille Mair, ambassadrice de la Jamaïque et membre du « groupe des 77 », a déclaré à l'issue de la conférence de Mexico que les controverses de 1975 autour du sionisme et de l'apartheid n'étaient pas nouvelles au sein du mouvement des femmes, pas plus que les discussions portant sur ce que devait englober les politiques concernant « les questions relatives aux femmes » :
"Nous avions identifié certains éléments que nous, les 77, considérions comme des questions de principe et non comme des questions de négociation. Je ne pense pas que cela ait provoqué un nouveau clivage. Je pense qu’un clivage entre la position des femmes issues de pays en développement et celles issues de pays développés existait, existe toujours et existera jusqu'à ce nous nous déciderons de nous attaquer au vrai problème... Le débat habituel sur les questions entourant le sionisme n'était pas nouveau. Je ne pense pas que ce dernier ait aggravé les tensions entre les femmes. Cependant, il est apparu que pour une grande majorité des représentantes, les questions de politiques nationales étaient des déclencheurs potientiels de conflits internationaux majeurs. C'est ce que nous exprimions de diverses manières lors des réunions et des conférences des Nations Unies depuis des années. Il ne fait aucun doute que nous continuerons de le dire tant que ces domaines d'attention nécessiteront qu’on les prenne en considération. L'apartheid en est un, le sionisme en est autre, etc. Il n'y a rien de nouveau dans ces différents politiques...Une autre source de différents était le droit souverain des pays à nationaliser leurs ressources. On peut se demander ce que cela a à voir avec les femmes, mais comme nous l'avons indiqué, l'avenir d'un nouvel ordre économique international a une incidence vitale sur l'avenir des femmes" [10].
Ces différents politiques n'ont pas seulement généré des conflits internationaux, mais ont également conduit à des dissensions au sein d'organisations féministes locales. Prenons l'exemple du collectif Leila Khaled, issu du Toronto Women's Liberation Group à l'automne 1970. Formé dans le but de pousser le Mouvement de libération des femmes vers une lutte anti-impérialiste, ce collectif de femmes en plein essor s'est donné le nom de Leila Khaled, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Il s'est fait connaître après avoir détourné deux avions civils en août 1969 et en septembre 1970. En 1948, Khaled et sa famille ont été expulsés de Palestine en même temps que 700 000 de leurs compatriotes arabes palestiniens, fuyant les violences massives qui ont suivi la création de l'État d'Israël.[11] La « guerre » de 1948, que les Palestiniens appellent « la Nakba » ou « la Catastrophe », a impliqué le nettoyage ethnique de la Palestine mandataire sous domination britannique, par des massacres, une guerre biologique et la destruction de 400 à 600 villages palestiniens[12].
Dans sa première prise de position, le collectif Leila Khaled a déclaré que « nous voyons en Amérique du Nord un mouvement de femmes qui s'attaque aux symboles (soutien-gorge et concours de beauté) et non à l'oppresseur. Il se préoccupe de la libération individuelle alors que des sœurs noires sont battues et torturées. Il réclame la liberté et l'égalité dans une société en décomposition où les individus ne peuvent être libres et égaux ». Leur document affirme que de nombreux groupes de gauche canadiens acceptent une « position défaitiste », soutenant tacitement la « démocratie bourgeoise » et le « privilège blanc » alors que « les Panthères [noires] et les Vietnamiens prennent l'offensive - un front uni de personnes opprimées luttant pour leur libération »[13]. La seule solution pour empêcher la montée du fascisme, affirment-ils, est un mouvement anti-impérialiste international soutenant les luttes militantes de libération des femmes dans le monde entier :
"Lorsque nous affirmons que nous devons d’abord comprendre l’oppression des femmes avant de comprendre celle qui touche leur entourage, nous faisons une distinction que la plupart des femmes ne peuvent pas faire. Nous échouons à voir que les femmes sont parmi les personnes les plus fortes de cette société, précisément parce qu'elles se battent si durement sous le capitalisme pour leur propre survie, pour la survie de leurs maris, de leurs enfants et de leurs communautés. S'il est vrai que les femmes ont toujours été impliquées dans le soin apporté aux autres au détriment d'elles-mêmes, leur capacité à soutenir les autres et à se battre pour eux est une force, et non une faiblesse. À bien des égards, la libération des femmes semble jusqu'à présent avoir affirmé qu'il s'agissait d'une faiblesse. Cette contradiction peut être résolue que par une lutte révolutionnaire" [14].
Arguant que « les femmes sont capables de lutter pour leur libération au sein des luttes révolutionnaires pour la libération des peuples », le collectif Leila Khaled a rejeté avec véhémence les idéologies féministes dominantes de l'oppression sexiste[15].
Page de couverture arrière de la brochure Litton Industries : Arms Maker, Union Buster (1984). La colombe, symbole commun de la paix et du désarmement, est représentée ici portant un jeu de pinces coupantes, symbolisant l'approbation des auteurs du sabotage anti-guerre. Collection des ACMF, 10-001-S1-F3994.
D’autres ont exprimé un avis contraire. Après avoir assisté au congrès des femmes de l'Année internationale de la femme, qui s'est tenu à Berlin en octobre 1975, Terry Padgham, de la délégation Voice of Women (VOW), s'est plainte que « le congrès a été utilisé comme une plate-forme publique pour la propagande politique [...] les discours étaient principalement une condamnation de l'impérialisme, du fascisme, du colonialisme et du racisme (parfois du sionisme), [mais] jamais du sexisme ». Dans la lutte contre ces maux, le rôle des femmes, s'il était mentionné, était de travailler avec les hommes... C'était une grande déception de ne jamais aller au-delà de la rhétorique »[16].
De nombreuses féministes canadiennes, dont Padgham, considéraient la libération nationale et la libération des femmes comme des questions totalement distinctes. Ces points de vue contradictoires illustrent le débat politique intense qui s'est déroulé parmi les féministes canadiennes à la fin du 20e siècle. De même, Julie Bubnick, du Manitoba Action Committee on the Status of Women, a relaté son expérience lors de la Tribune de l'Année Internationale de la Femme à Mexico: « Les connotations politiques ont probablement été les forces les plus perturbatrices de la conférence, créant plus de factions parmi les déléguées qu'il n'y en avait à l'origine. À ma grande déception, la plupart des déléguées, ou du moins celles qui se sont le plus exprimées, étaient plus préoccupées par la résolution de problèmes politiques et économiques propres à leur pays respectifs que par celle de problèmes spécifiques aux femmes"[17].
2. « Vous écoutez, mes sœurs ? »
Quelques mois plus tôt, lors de la Tribune internationale des femmes à Mexico, des lignes idéologiques similaires avaient été tracées en réponse à une prétendue « Déclaration unifiée » présentée par le Caucus féministe de l'Année Internationale de la Femme, un groupe dominé par les correspondantes du magazine Ms. Cette déclaration présente les amendements des ONG au « Plan d'action mondial » établi par la première Conférence mondiale sur les femmes. Elle condamne toutes les formes de nationalisme et affirme que « tant que les nations se feront la guerre pour leur virilité collective, les femmes ne pourront jamais influencer pacifiquement ce processus masculin répétitif... La culture féministe est la seule réponse bienveillante et pacifique au comportement compétitif et agressif des hommes et du nationalisme »[18].
Bien entendu, cette déclaration a été difficile à accepter pour certaines déléguées latino-américaines qui avaient été persécutées ou privées de leurs droits fondamentaux dans leur pays d'origine dirigés alors par des régimes soutenus par les États-Unis:
- le coup d'État soutenu par la CIA pour renverser le gouvernement chilien démocratiquement élu de Salvador Allende en 1973
- l'aide américaine à la dictature militaire de Hugo Banzer qui a renversé le président Juan José Torres de Bolivie en 1971
- le coup d'État brésilien soutenu par les États-Unis contre le social-démocrate João Goulart en 1964
- le coup d'État militaire de la junte équatorienne soutenu par le gouvernement américain en 1963
- le financement et l'entraînement par le gouvernement américain de groupes paramilitaires fascistes au Salvador tout au long des années 1960
- les tentatives répétées des agents de renseignement américains d'assassiner Fidel Castro après la révolution cubaine de 1959
- et l'occupation par les États-Unis d'Haïti et du Nicaragua au début du 20e siècle.
Dans toute l'Amérique latine, des hommes et des femmes ont pris les armes dans des luttes de libération nationale contre des régimes politiques répressifs cherchant à écraser l'influence communiste et socialiste sur le continent, ouvrant par la même occasion l’accès aux marchés, aux ressources et à la main-d'œuvre du continent aux pays capitalistes [19].
En réponse à la « Déclaration unifiée » du Caucus féministe, des déléguées d'Argentine, de Bolivie, de Cuba, du Chili, de la République dominicaine, de l'Équateur, du Guatemala, du Nicaragua, du Panama, de Porto Rico et de l'Uruguay ont créé leur propre document intitulé « Déclaration des femmes anti-impérialistes », reproduit ici dans son intégralité :
En soutien à ces femmes latino-américaines, le Caucus anti-impérialiste américain a rédigé son propre document déclarant que « en tant que femmes anti-impérialistes américaines, nous soutenons la déclaration alternative des onze pays dont sont issues nos sœurs latino-américaines. Depuis le ventre de la bête, nous soutenons les luttes légitimes de libération des peuples du monde entier contre l'impérialisme américain... nous rejetons la « libération » qui a pour base économique la domination impérialiste américaine en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Nous proclamons notre solidarité avec nos sœurs latino-américaines et nous leur promettons de transmettre la réalité de leur lutte à la classe ouvrière, aux femmes au foyer et aux intellectuelles de notre pays"[20].
Trois déléguées canadiennes rédigent également leur propre déclaration, « Are You Listening, Sisters », qui commence ainsi avec emphase : « En tant que Canadiennes, nous souhaitons nous dissocier de la soi-disant « Déclaration unifiée », amendements au Plan d'action mondial, qui a été transmise à la conférence de l'ONU lors de l'Année internationale de la femme le 25 juin 1975 ». L'article « Are You Listening Sisters » affirme que des femmes de 11 pays d'Amérique latine n’ont pas pu aisément exprimer leur revendication lors de la « Déclaration unifiée » :
" En raison d’une campagne persistante niant la validité de leur propos en tant que femmes parce qu'elles essayaient de parler des conditions politiques dans leurs pays... ». NOUS DÉCRIONS l'utilisation de ces techniques pour diviser les femmes de cette Tribune, en particulier les femmes du Mexique, et pour tenter de boucher les oreilles de beaucoup de nos sœurs américaines, ici, à la souffrance de leurs sœurs d'Amérique latine causée par la « domination étrangère », en l'occurrence la domination ou l'impérialisme américain - tout en appelant à l'unité autour d'un document orienté vers les États-Unis » [21]
Cette déclaration a été signée par Charlotte McEwen de Voice of Women (VOW), Margueritta Kleunsch (affiliation inconnue) et Sœur Helen Ralston, professeur de sociologie à l'Université St. Mary. Cette déclaration marque également le début d'un conflit incroyablement médiatisé entre Charlotte McEwen et les autres membres de VOW, le plus ancien groupe national de femmes dédié à la paix et au désarmement au Canada.
3. La crise du féminisme « non partisan »
La Voix des femmes (VOW) a été créée en 1960 en réponse à « ce qui semblait être une guerre nucléaire imminente ». Dénonçant la politique de la guerre froide et la course aux armements qui s'ensuivit, VOW a décidé de promouvoir le désarmement nucléaire total du pays et une réduction significative des dépenses militaires canadiennes au profit des dépenses de santé et d'éducation. En 1962, la VOW organise la première réunion internationale au Canada, à laquelle participent des femmes de Chine et de l’Union soviétique[22]. En 1965, l'organisation commence à réclamer un cessez-le-feu immédiat et la fin du « massacre insensé » qui était en cours au Viêt Nam, massacre intensifié par l'opération « Rolling Thunder » du président américain Lyndon B. Johnson[23].
Craignant que les atrocités commises par l'armée américaine au Viêt Nam débouchent sur une guerre nucléaire totale, la VOW exhorte le Premier ministre Lester B. Pearson à « condamner publiquement le bombardement de civils et l'utilisation de napalm, de phosphore et de bombes antipersonnel » et à « interdire l'exportation d'armes et de matériel de guerre vers les États-Unis » [24]. « Malgré son statut d'organisation « non partisane » et « apolitique », VOW a parfois été critiquée pour son soutien à une « prise de contrôle communiste au Canada », notamment à la suite de sa décision d'organiser une réunion avec des femmes membres du Front national de libération du Nord-Viêt Nam en 1968[25]. Tout au long de la Guerre Froide, des accusations infondées de communisme ont pesé sur de nombreux groupes de femmes pacifistes aux États-Unis et au Canada et ont parfois empêché leurs membres de participer à des études politiques ou à des activités jugées « subversives »[26].
Ursula Franklin, cofondatrice et coordinatrice de la recherche à VOW, physicienne pionnière et professeur à l'Université de Toronto, a beaucoup aidé l'organisation à asseoir ses positions et à crédibiliser son discours contre le désarmement. De 1962 à 1965, le programme de collecte de dents de lait du VOW a permis à Franklin d'étudier les niveaux de strontium-90 dans les dents de lait. Le strontium-90 est une substance présente dans les retombées des essais d'armes nucléaires. L’étude a permis la fin des essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère en Amérique du Nord [27]. Les commentaires de Franklin dans la presse ont contribué à légitimer la position pacifiste des militants pour le désarmement souvent décriés comme étant des personnes peu éduquées, peu sérieuses et trop idéalistes.
A gauche : Photographie de Merle Hudson (présidente), Marilyn Aarons (Energy Probe), et Ursula Franklin (scientifique) lors d'une réunion éducative organisée par Women Against Nuclear Technology (9 septembre 1979), 10-194-S4-F4-I2.
Au cours de l'hiver 1972, le journal étudiant de l'Université de Toronto, The Varsity, publie une série d'articles d'investigation sur les « recherches portant sur les conflits armés » menées à l'Université. Les étudiants journalistes s'interrogent sur l'acceptation par leurs professeurs du financement de la recherche par des entreprises de défense américaines et canadiennes, sur « le développement de techniques de guerre chimiques et biologiques (CBW) et sur les risques de désastres écologiques qui en découlent ». Dans l'article, le professeur d'ingénierie électrique George Sinclair répond qu'un tel risque est « le prix à payer pour nous défendre. Nous ne pouvons pas aborder les questions de conflits armés de façon idéaliste. Nous devons faire face aux aspects pratiques. Nous ne sommes pas en mesure d'établir les réglementations. Si vous parlez de recherche sur la guerre, vous avez perdu votre objectivité »[28].
Coupure de presse. « Des soldats américains torturent à l'eau un captif viêt-cong. Leurs cantines ont-elles été conçues à l'Université de Toronto ? » Bob Bettson, « La recherche sur la guerre à l'Université de Toronto : Si l'industrie en profite, les gens en profitent ». The Varsity (2 février 1972). Fonds de la Voix des femmes, 10-091-F7.
De même, le Conseil de recherche pour la défense a affirmé que « la recherche canadienne n'a en aucun cas contribué aux défoliants chimiques que les États-Unis ont utilisés au Vietnam » [29]. Le Dr Franklin, en revanche, a utilisé son expérience scientifique pour s'opposer à la recherche sur les armes chimiques de destruction massive en tant que moyen de défense nationale :
Cet argument « défensif » est un mythe cynique et hypocrite. Où est la capacité de défense d'une substance si toxique qu'un gramme suffit à tuer un million de personnes ? Nous effectuons des recherches pour les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'OTAN. Nous ne sommes qu'un laboratoire annexe pour les nations qui préparent des agents à usage militaire. Nous donnons librement nos informations aux États-Unis et à d'autres pays, et nous n'avons aucun contrôle sur l'utilisation de nos recherches à des fins offensives ou défensives. Notre responsabilité dans le développement de ces armes noires n'est pas plus éloignée de celle des scientifiques allemands qui ont mis au point les gaz neurotoxiques. La position de défense n'est qu'une rhétorique utilisée pour dissimuler des recherches qui ne présentent aucun avantage concevable pour l'humanité[30].
Les propos de Mme Franklin ont eu un poids considérable non seulement en raison de son parcours de physicienne accomplie, mais aussi en raison de son histoire personnelle en tant que femme juive ayant immigré au Canada après avoir survécu aux camps de travail forcé de l'Allemagne nazie.
A ses débuts, la VOW n’a pas désigné explicitement l'impérialisme américain ou le colonialisme européen comme des forces significatives de la violence militaire mondiale. Elle a plutôt adopté une approche qui condamne « les deux parties » pour leur incapacité à négocier. À l'instar de la « Déclaration unifiée » présentée lors de la Tribune internationale des femmes en 1975, la VOW définit la guerre comme « la manifestation la plus hideuse du jeu de pouvoir masculin », négligeant souvent d'inclure des analyses de race, de classe ou de nationalité dans sa dénonciation de la violence militaire « masculine »[31].
Néanmoins, la VOW a participé à certaines contestations anti-impérialistes. En septembre 1973, par exemple, la VOW s'est opposée au coup d'État soutenu par les États-Unis au Chili. Elle dénonce les liens du gouvernement avec la compagnie minière canadienne Noranda et sa filiale Chile Canadian Mines, dont les profits ont explosé depuis le coup d'État illégal soutenu par la CIA. Selon VOW, « Noranda exploite ses mines au Chili en raison de meilleures conditions fiscales, d'une main-d'œuvre bon marché et non syndiquée (puisque toute forme de travail organisé est proscrite), et d’une extraction minière plus aisée ». Étant donné que le gouvernement chilien « s'est emparé du pouvoir d'un gouvernement légalement élu au prix de nombreuses effusions de sang », VOW a déclaré que « le Canada devrait être cohérent dans sa soi-disant dénonciation du régime militaire chilien » et « dissuader les entreprises canadiennes de traiter avec la Junte »[32].
La montée de l'opposition aux régimes coloniaux et à la violence impérialiste dans les années 1970 crée des frictions entre certains membres de la VOW et les comités locaux. Après avoir assisté à la Tribune de l'Année internationale de la femme en 1975, Charlotte McEwen, dirigeante de la section d'Ottawa, a non seulement contribué à la rédaction d'une déclaration canadienne de soutien à la Déclaration des femmes anti-impérialistes, mais a également exprimé son soutien à la résolution de l'ONU décrivant le sionisme comme « une forme de racisme et de discrimination raciale ». Ces positions ont placé McEwen en conflit avec le bureau national de VOW et sa coordinatrice Donna Elliott. Selon Elliott, qui s'adresse au Ottawa Journal en décembre 1976, la VOW « a souvent été tenue responsable, au cours des 15 dernières années, des opinions et des actions de Charlotte McEwen qui ne reflétaient pas les opinions de Voice of Women de l'époque »[33].
« Le conflit a atteint son paroxysme lorsque le ministre israélien des Affaires étrangères, Yigal Allon, s'est rendu à Ottawa en septembre. Mme McEwen et la section d'Ottawa ont envoyé un télégramme au premier ministre Trudeau pour lui demander de s'entretenir avec le général au sujet de la journaliste palestinienne Raymonda Tawil, qui était assignée à résidence en Israël »[34]. Mme McEwen a affirmé que la section nationale de VOW avait approuvé ce télégramme, mais que la résolution correspondante avait mystérieusement disparu du procès-verbal de la réunion nationale. Selon McEwen et la section d'Ottawa, elles ont tenté à plusieurs reprises de soulever la question d'Israël et de la Palestine, mais se sont fait dire à maintes reprises qu'elle n'avait pas été débattue ou que la VOW ne disposait pas de suffisamment d'informations pour engager un débat avec ses membres.
Malgré cette opposition interne, McEwen organise tout au long de l'année 1976 de nombreuses discussions sur le Moyen-Orient par l'intermédiaire du Groupe des affaires publiques d'Ottawa qui incluait un groupe d'étude sur le Moyen-Orient et son impact sur la politique canadienne, et la tenue d’une réunion publique sur « Les Valeurs judaïques et l'État d'Israël ». Le chapitre d'Ottawa a également compilé une « fiche d'information sur Israël et la Palestine » qui a été distribuée à l'ensemble des membres[36]. En décembre, cependant, le National VOW a annoncé qu'il avait évincé McEwen de l'organisation. À la suite de cette décision, le Ottawa Journal rapporte que « McEwen assimile le sionisme au racisme. Cette position soutenue par l'Organisation de libération de la Palestine, a été rejetée par les gouvernements du Canada et des États-Unis ». En réponse à ces affirmation, McEwen écrit :
Pour mettre les choses au clair en ce qui concerne ma position sur la résolution des Nations Unies sur le sionisme, citée par votre journal : ma position sur la résolution (qui qualifie le sionisme de « forme de racisme et de discrimination raciale ») n'est pas d'assimiler le sionisme au racisme, pas plus qu’on n'assimilerait le beurre à la nourriture. Je pose plutôt la question suivante : pourquoi tout ce tapage de la part du lobby sioniste alors que l'État d'Israël continue d'appliquer la loi du retour, qui accorde automatiquement la « citoyenneté » à toute personne juive débarquant en Israël mais refuse de permettre aux Palestiniens autochtones de retourner dans leurs foyers [37]?
Le conflit au sein de la VOW reflète le débat plus général qui se tient dans le contexte des conférences de l'ONU et des tribunaux d'ONG organisés pour commémorer la Décennie internationale de la femme. Lorsque l'ONU a organisé sa troisième conférence mondiale sur les femmes à Nairobi, en 1985, pour évaluer les réalisations de la décennie, les délégués d'Israël et des États-Unis ont menacé de quitter la conférence si celle-ci ne supprimait pas les termes assimilant le sionisme au racisme. En conséquence, toutes les références au « sionisme » ont été supprimées de la déclaration finale sur les stratégies prévisionnelles pour la promotion de la femme. Bien que le mot « apartheid » ait également fait l'objet de vifs débats lors de cette conférence, les références au système sud-africain ont été maintenues dans le document final, qui condamne « toutes les formes de racisme et de discrimination raciale »[38].
4. « Le vrai féminisme, c'est d'être révolutionnaire »
Les conférences des Nations Unies sur les femmes de 1975 à 1985 ont été fréquemment critiquées par les participants pour leur désorganisation et leurs discours politiques « propagandistes ». Cependant, elles ont également incité de nombreuses femmes à développer une conscience anti-impérialiste et ont mis en contact des féministes canadiennes avec des militantes du monde entier, comme la médecin et activiste politique égyptienne Nawal El Saadawi. Interviewée en 1980, le Dr El Saadawi a affirmé que:
« Le vrai féminisme, c'est d'être révolutionnaire. Être révolutionnaire signifie que l'on examine les problèmes des femmes sous tous leurs aspects : historique, sociologique, économique et psychologique. Et si l'on procède à cette analyse, on doit s'opposer à l'ordre établi, au système de classe patriarcal. En tant que féministe radicale, je pense que vous devez vous opposer à l'impérialisme, au sionisme, au féodalisme et à l'inégalité entre les nations, les sexes et les classes »[39]
Interprétant l'histoire du sionisme comme une forme de colonisation et de discrimination raciale, le Dr El Saadawi a expliqué que « les femmes palestiniennes sont fortes de caractère. En se battant pour une cause, on se libère mentalement et psychologiquement. Par exemple, si une femme se promène dans la rue tard dans la nuit, munie d'une arme, elle ne pense pas au viol et ni au meurtre. Elle a transcendé ces peurs héritées des femmes. Elle porte désormais une arme pour se battre pour sa terre. La femme palestinienne, par sa lutte, change et se libère. Il en va de même pour les femmes algériennes qui se sont battues dans les années 50 et 60. Dans chaque révolution, les femmes sont libérées"[40].
Cependant, elle a également mis en garde contre la subordination des questions relatives aux femmes à la révolution politique :
« La femme peut être utilisée comme un outil dans la révolution - tout comme elle est un outil dans le mariage, un outil dans les mains des autorités, qu'elles soient révolutionnaires ou non. Comme les femmes n'ont pas de pouvoir collectif, l'autorité masculine leur dira de rentrer chez elles une fois la révolution réussie"[41].
Comme les femmes anti-impérialistes d'Amérique latine en 1975, le Dr El Saadawi a rejeté l'idée, présentée par la « Déclaration unifiée » en 1975, selon laquelle « la culture féministe est la seule réponse bienveillante et pacifique au comportement compétitif et agressif des hommes et du nationalisme »[42]. En fait, elle a refusé d'établir une distinction nette entre les « questions relatives aux femmes » et les « questions politiques ». Non seulement les pays sont colonisés, mais aussi le corps des femmes. Elles ont été colonisées par leurs maris, par l'État et par le système de classe patriarcal. Cette colonisation a créé de nombreux phénomènes, parmi lesquels la prostitution et les avortements illégaux. Ce n'est pas la femme qui décide de garder un enfant, mais le mari, l'État, la nation. Tout cela est une sorte de colonisation » [43]. Cependant, selon elle, les femmes des pays colonisés se concentrent sur des questions plus immédiates de survie quotidienne, telles que le manque de bois de chauffage, d'électricité ou de nourriture pour nourrir leurs enfants.
Depuis l'escalade de la guerre américaine au Viêt Nam en 1965, le féminisme anticolonial est devenu un phénomène nouveau et croissant au sein des groupes de femmes canadiennes. En fait, de nombreuses Canadiennes sont entrées dans le militantisme féministe par le biais de leur opposition à la guerre du Viêt Nam. Par exemple, la célèbre militante féministe Helen Levine a aidé à organiser le Comité d'Ottawa pour mettre fin à la guerre du Viêt Nam. Le comité a aidé les « draft dodgers » américains à immigrer au Canada pour éviter d'être déployés[44].
De même, les groupes de libération des femmes comme le Vancouver Women's Caucus (VWC) ont été fortement influencés par l'organisation contre la guerre du Viêt Nam ; alors que les anciens groupes de femmes comme la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, les Women's Institutes et Voice of Women avaient une orientation plus institutionnelle, les groupes de libération des femmes ont affirmé que, comme tous les autres peuples opprimés, l'oppression des femmes ne pouvait être surmontée « que par un changement radical et fondamental de la structure de notre société ». Bien que se concentrant principalement sur l'accès à l'avortement, les VWC ont été fortement surveillés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en raison du « climat de peur de la subversion qui prévalait pendant la guerre froide ». Selon Christabelle Sethna, professeur d'études sur le genre à l'Université d'Ottawa, « la police montée considérait que tout groupe ayant des liens réels ou présumés avec la gauche faisait partie d'une coalition mondiale néfaste visant à abattre les démocraties »[46].
La paranoïa de la GRC était peut-être due en partie au symbolisme révolutionnaire qui s'était répandu dans certaines factions du mouvement féministe canadien : à partir des années 1960, la « femme révolutionnaire » représentée tenant un bébé et un fusil, est devenue un symbole populaire de solidarité non seulement envers les femmes du Viêt Nam, mais aussi Cuba, le Salvador, l'Angola, l'Érythrée, etc. L'utilisation de la « femme révolutionnaire » comme symbole par les organisations féministes a révélé que certaines jeunes femmes reconnaissaient et soutenaient de plus en plus la résistance armée comme une réponse légitime aux défis auxquels sont confrontées les femmes des pays colonisés[47].
A droite : Petite bannière en tissu, Federacion de Mujeres Cubanas [fédération des femmes cubaines] (vers les années 1980). Fonds Myrna Wood, 10-017-S5-F23.
En 1981, le groupe Women Against Imperialism (WAI), basé à Vancouver, a commencé à organiser des ateliers éducatifs sur « les effets de l'impérialisme sur la vie des femmes dans le monde entier ». Au cours de ces ateliers, le WAI met en lumière certains de ces défis et leurs facteurs déclencheurs :
Nous découvrons la pauvreté, l'exploitation et la brutalité qui constituent la ration quotidienne des femmes dans les pays colonisés. Nous apprenons que des femmes en Inde rejoignent des associations de paysans pour lutter contre le pillage des armées de propriétaires terriens ; que des comités de mères en Amérique latine recherchent leurs filles, fils et parents « disparus », torturés et assassinés par des gouvernements totalitaires ; que des femmes dans les ghettos des Philippines s'organisent pour obtenir un travail décent, de la nourriture et un toit ; que des femmes dans de nombreux pays rejoignent des armées de libération nationale et mènent des guérillas. Des milliers de femmes dans différents pays choisissent de lutter contre l'emprise des entreprises étrangères, des institutions financières et des gouvernements sur leur vie[48].
Selon Women Against Imperialism, si « la forme la plus courante d'impérialisme était l'annexion formelle d'un autre pays pour le bénéfice économique du colonisateur, comme le pratiquait l'Empire britannique », la « nouvelle forme d'impérialisme » impliquait une sorte de « néocolonialisme » opéré par le biais de sociétés commerciales, d'institutions financières et d'États-nations[49].
La WAI a accordé une attention particulière aux conditions d'exploitation créées et maintenues par les sociétés transnationales. Par exemple, dans le cas du Chili, elle a noté que « la CIA était déterminée à saboter le gouvernement [d'Allende] alors qu'il commençait à nationaliser l'industrie et à chasser les investissements étrangers des transnationales basées en Amérique du Nord ». À l'échelle mondiale, les transnationales ont fait valoir leurs droits sur les minerais, les combustibles fossiles et les terres arables des pays impérialisés. Actuellement, le noyau [impérialiste], qui ne représente que 30 % de la population mondiale, consomme 80 % de la production mondiale d'énergie ». En conséquence, « l'État soutient les transnationales dans leurs efforts incessants pour accroître leurs profits et trouver de nouveaux marchés, ainsi que dans leur dépendance croissante à l'égard des ressources naturelles et de la main-d'œuvre du tiers-monde ». Ces entreprises ont également fait appel à des travailleuses, considérées comme « une main-d'œuvre à la fois docile et bon marché » pour les tâches subalternes dans leurs usines[50].
La WAI a également dénoncé ce que l'on appelle le « développement international » et l’ « aide » pour ses tentatives racistes et sexistes de « contrôle de la population » dans les pays dits « en développement ». Elle a expliqué comment des contraceptifs tels que le Dalkon shield (un dispositif intra-utérin) et le Depo Provera (une injection qui prévient la grossesse pendant 3 à 6 mois) ont été expédiés par l'Agence américaine pour le développement international (AID) après avoir été interdits aux États-Unis en raison de leurs effets secondaires (infections, tumeurs malignes pouvant impliquer la mort) [51].
La WAI a souligné que « le Canada lui-même est un pays colonisé ; le génocide de masse des peuples autochtones étant l'impérialisme dans sa forme la plus brutale ». Le Canada, explique-t-elle, « est également une force impérialiste et colonisatrice... Le Canada et les entreprises basées au Canada interviennent directement et profitent de l'exploitation des pays du tiers-monde. Les investissements canadiens dans le tiers-monde augmentent... Le Canada fait plus de commerce et d'investissements dans les Caraïbes que dans n'importe quelle autre partie du monde. Les banques canadiennes contrôlent 60 à 90 % des activités bancaires dans les pays des Caraïbes membres du Commonwealth. À la fin de 1969, les investissements canadiens directs en Afrique du Sud étaient estimés à 70 millions de dollars, avec la participation de sociétés canadiennes telles que SunLife, Massey Ferguson et Bata. Les travailleurs noirs peuvent être employés et payés à des salaires inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui permet d'augmenter considérablement les profits"[52].
Enfin, la WAI affirme que les femmes des pays impérialistes doivent faire des sacrifices pour soutenir les femmes du monde entier : « Depuis la fin de la guerre du Viêt Nam, de plus en plus de luttes de libération nationale et de peuples colonisés revendiquent leur droit à l'autodétermination. À mesure que cela se produit, nous, dans les centres capitalistes, ressentons de plus en plus la crise. Notre niveau de vie élevé dépend tellement de l'exploitation du tiers monde que, lorsque ce dernier refuse cette exploitation, les pays développés perdent les ressources naturelles et la main-d'œuvre bon marché. Nos prix augmentent, mais pas nos salaires. Les médias présentent les peuples du tiers-monde comme des terroristes communistes ». Ainsi, conclut la WAI, les féministes devraient résister à la tentation de considérer les révolutionnaires armés comme des obstacles à une société juste et pacifique, et plutôt développer « une analyse politique qui nous permette de comprendre le monde et ceux que nous combattons »[53].
5. Désarmement, désinvestissement, dissidence
La victoire du Front national de libération (FNL) au Viêt Nam en 1973 a marqué la fin d'une ère caractérisée par une décolonisation généralisée dans toute l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine. Toutefois, comme les déléguées latino-américaines l'ont affirmé dans leur déclaration des femmes anti-impérialistes à l'occasion de la Tribune internationale des femmes, la libération de la domination coloniale occidentale n'a pas nécessairement conduit à une émancipation économique et politique complète des nouveaux États. En outre, la Seconde Guerre mondiale a conduit à la fois à la consolidation du pouvoir blanc en Afrique du Sud et à l'établissement d'Israël en tant qu'ethnocratie juive.
Néanmoins, grâce aux liens favorisés par des événements à portée mondiale tels que la Décennie internationale de la femme, des prises de positions anti-impérialistes ont imprégné de nombreux groupes féministes au Canada au cours des dernières décennies du 20e siècle. Au-delà des appels à la paix et au désarmement nucléaire, les Canadiennes ont commencé à s'organiser plus spécifiquement contre les déplacements forcés, l'occupation, l'apartheid et l'extraction des ressources. Ce qui suit est un aperçu détaillé (mais loin d'être exhaustif) des organisations anti-impérialistes trouvées dans les documents des Archives et Collections spéciales :
Des groupes de défense des droits des travailleurs domestiques se sont constitués à la fin des années 1970 et au début des années 1990 au Canada. Ils ont été directement influencés par l'organisation anti-impérialiste des femmes immigrées. Le 27 octobre 1979, les organisations féminines de Toronto l’Employment Services for Immigrant Women (ESIW) et le Housewives Initiative ont coparrainé un forum intitulé « A View from the Kitchen : Immigrant Women Speak Out on the Value of Housework » à l'Université Ryerson, avec la participation de Joan French, présidente du Syndicat national jamaïcain des enseignants démocrates.
Abordant le problème mondial de l'extraction des ressources par les multinationales, Joan French a établi un lien entre « la lutte des domestiques immigrées » et « la lutte des pays du « tiers monde » pour redresser le déséquilibre économique entre les pays développés et les pays en développement ». Elle fait valoir que « les ressources des pays du « tiers monde » profitent aux pays développés, et nous venons donc dans les pays développés comme le Canada pour récupérer une partie de ces richesses ». Les immigrants, a-t-elle déclaré, « sont ici de droit - le droit de leur travail effectué au service des pays développés à la fois dans le tiers-monde et dans ces pays développés lorsqu'ils s'y rendent en tant qu'immigrants »[54].
A droite : Programme pour « A View from the Kitchen : Immigrant Women Speak Out on the Value of Housework » au Ryerson College, Toronto (27 octobre 1979). Fonds Toronto Wages for Housework Committee, 10-008-S6-F8.
Les immigrants, provenant principalement des pays du tiers monde, ont été utilisés comme source de main-d'œuvre bon marché dans ce pays par des entreprises canadiennes telles que Noranda Mines, Inco, Falcon Bridge, Alcan, et des institutions financières telles que la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque canadienne impériale de commerce, [avec leurs] « investissements impérialistes massifs dans les pays du tiers monde ». Des hommes et des femmes des Caraïbes et d'Amérique latine, par exemple, sont contraints de travailler pour 40 dollars par mois en moyenne dans des usines et des mines appartenant à des sociétés canadiennes. En période d'expansion économique au Canada, ces mêmes hommes et femmes sont encouragés à émigrer et à travailler dans ce pays à des salaires inférieurs aux normes. Les emplois que les travailleurs canadiens sont réticents à accepter, comme le nettoyage des hôtels et des bureaux, le lavage de la vaisselle, les travaux d'usine et de construction, ont toujours été occupés par des immigrés[55].
En outre, selon elle, alors que le Canada « donne une centaine de millions de dollars « d’aide » au gouvernement jamaïcain, il expulse simultanément un grand nombre de mères et d'enfants jamaïcains vers la Jamaïque, créant ainsi un fardeau économique accru pour l'économie jamaïcaine »[56].
À gauche : photographie de Sherona Hall s'exprimant lors d'un rassemblement de la Journée Internationale des Femmes (mars 1978) Convocation Hall, Université de Toronto, Collection des ACMF, 10-001-S3-I226.
Dans les années 1980, le nombre de femmes philippines qui demandent à devenir des travailleuses domestiques temporaires au Canada augmente. Les Philippines sont alors un état dictatorial dirigé par Ferdinand Marcos, soutenu par les États-Unis depuis 1965, où règne une répression politique brutale comprenant des exécutions extrajudiciaires, des tortures, des disparitions, des fraudes électorales, la suppression de la presse, l'incarcération de dissidents politiques et autres violations des droits de l'homme. Pendant ces années, les femmes progressistes de la communauté philippine de Toronto ont continué à s'organiser contre le régime Marcos depuis l'étranger, en rejoignant des organisations anti-impérialistes telles que l'International Association of Filipino Patriots (IAFP) et la Coalition Against the Marcos Dictatorship (CAMD)[57].
Ces groupes ont également commencé à s'organiser contre les conditions répressives créées par les programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada. Ces programmes impliquaient des salaires en dessous du salaire minimum. Ils ne permettaient pas aux travailleurs d'obtenir la résidence permanente, et les laissaient isolés et sans protection contre les violations des droits de l'homme commises par leurs employeurs. Ce dernier point était particulièrement vrai pour les travailleurs domestiques étrangers. Ces derniers devaient vivre avec leur employeur pendant toute la durée de leur séjour au Canada. Les organisateurs anti-impérialistes de l'IAFP et du CAMD ont fini par former le Comité ad hoc des travailleurs domestiques philippins pour l’obtention du statut de résident. Ils ont travaillé en étroite collaboration avec la Coalition internationale pour mettre fin à l'exploitation des travailleurs domestiques (INTERCEDE) pour exiger le statut de résident pour tous les travailleurs domestiques au Canada[58].
La Jewish Feminist Anti-Fascist League (JFAFL), le Jewish Committee to End the Occupation in the West Bank and Gaza (JWCEO) et la Palestinian Women's Association se sont formés à la fin des années 1980 et au début des années 1990, principalement à Toronto. Ces groupes ont contribué à sensibiliser les Canadiens à la lutte des femmes palestiniennes contre le militarisme et l'occupation israélienne. Dissociant l'antisionisme de l'antisémitisme, ils se sont mobilisés pour contrer ce que Charlotte McEwen, ancienne membre de la VOW, a appelé « le lobby sioniste »[59].
Selon Rise Up ! Digital Feminist Archive, le JWCEO « organisait régulièrement des veillées devant le consulat israélien de Bloor Street et dans d'autres lieux de la communauté juive. Elle a parrainé des événements éducatifs et des manifestations, parfois avec d'autres groupes juifs, parfois avec des groupes palestiniens. Le JWCEO a été une des toutes premières organisations au Canada à soutenir la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) à l'encontre d'Israël. Le nombre de ses membres a par la suite augmenté rapidement en réponse à la guerre du Golfe de 1990-1991[60] [61].
En 1992, signe peut-être d'un changement d'orientation de Voice of Women à l'égard du conflit au Moyen-Orient, Madeleine Gilchrist, féministe juive et membre de VOW, rend visite à des femmes israéliennes et palestiniennes dans les territoires occupés. Elle rencontre notamment des membres de la Fédération palestinienne des comités d'action des femmes (PFWAC)[62]. Gilchrist s’est déjà personnellement engagée dans la lutte pour la liberté de la presse et les droits des prisonniers en Israël. Elle aide à faire connaître deux des projets de la PFWAC au Canada : le projet Siha Baby Food, développé en réponse au besoin des communautés palestiniennes de disposer d'un aliment pour bébé peu coûteux et riche en protéines, et le projet Brass and Enamel, qui a formé des femmes à créer des « assiettes en émail de différentes tailles et formes aux motifs folkloriques palestiniens » et des « cadres en laiton coupés et travaillés pour contenir des motifs de broderies palestiniennes » [63][64]. « Ces pièces étaient ensuite vendues pour financer les programmes du PFWAC, notamment les réseaux de soutien aux familles, les jardins d'enfants et les crèches, la défense juridique des prisonnières politiques, les programmes d'alphabétisation et les repas chauds pour les enfants d'âge préscolaire »[65].
L'opposition croissante aux politiques du gouvernement sud-africain de 1980 et 1990 a entraîné la prolifération d'organisations anti-apartheid, notamment à Toronto : la Coalition anti-apartheid de Toronto (AACT) s'est formée en 1985 pour promouvoir les campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) contre le régime d'apartheid. L'apartheid est un système de ségrégation raciale qui a existé en Afrique du Sud de 1948 jusqu'au début des années 1990. Définissant explicitement les Blancs comme supérieurs, l'apartheid impliquait la ségrégation des événements sociaux, des équipements publics, des opportunités d'emploi et des logements déterminés par la classification raciale du Parti national. Dans sa littérature anti-apartheid, l'AACT affirme que « depuis que l'Afrique du Sud a été colonisée, la population indigène a toujours résisté. Lorsque ses organisations ont été interdites, elle en a créé de nouvelles. Lorsque ses dirigeants ont été harcelés, détenus et tués, elle a formé de nouveaux dirigeants qui les ont remplacés. Aujourd'hui plus que jamais, notre soutien doit être à la hauteur de l’intensité de leur lutte. »[66].
Pendant l'apartheid, de nombreux militants sud-africains ont été emprisonnés pour leur opposition à la ségrégation raciale, notamment Theresa Ramashamola, membre des « Six de Sharpeville », première femme d'Afrique du Sud à être condamnée à mort. En réaction, le comité de la Journée des femmes sud-africaines de Toronto a lancé une campagne visant à « empêcher l'exécution de Theresa Ramashamola, à libérer tous les prisonniers politiques et à permettre l'émergence en toute sécurité des militants cachés ». En outre, ils déclarent que « tous les Sud-Africains doivent avoir le droit de s'organiser et de participer à la création d'une société libre, non raciale et démocratique »[67]. Accusée d'avoir participé au meurtre du gouverneur M. Khuzwayo Dimini lors du soulèvement des townships de la région de Vaal en décembre 1984, Theresa Ramashamola est disculpée lors des audiences de la Commission Vérité et Réconciliation qui ont lieu en 1997, au cours desquelles elle évoque ses huit années de torture et de détention à la prison centrale de Pretoria[68].
En juillet 1990, le Comité de Toronto pour la libération de l'Afrique australe et les Lesbiennes et Gays contre l'apartheid ont coparrainé une visite et une conférence du militant noir anti-apartheid, des droits des homosexuels et du SIDA Simon Nkoli, qui avait passé plusieurs années de sa vie en prison sous de fausses accusations de trahison et de terrorisme. À sa libération, Nkoli a organisé la première parade de la fierté en Afrique du Sud et a influencé le Congrès national africain (ANC) pour qu'il inscrive les droits des homosexuels dans la constitution sud-africaine après la chute de l'apartheid[69].
Tout au long des années 1980 et 1990, les organisations féministes canadiennes se sont également opposées aux alliances militaires intergouvernementales telles que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et aux politiques néolibérales telles que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), que beaucoup considéraient comme des vecteurs d'agression militaire et d'exploitation économique. Selon Stacey Stack, écrivant en 1998 :
« La lutte contre les effets négatifs du libre-échange [au Canada] fait partie des programmes des groupes de femmes depuis le début des négociations de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALENA). Le Comité national d'action sur le statut des femmes (CNA) et sa vice-présidente de l'époque, Marjorie Griffin Cohen, ont développé cette opposition. [Cohen] a fait valoir que les femmes ressentiraient très probablement le poids de l'impact du CUSFTA parce qu'elles dominent la main-d'œuvre des industries manufacturières les plus vulnérables, les moins compétitives et les plus ramifiées du Canada. Cette domination est particulièrement évidente dans l'industrie canadienne de l'habillement, où les femmes représentent 90 % de la main-d'œuvre et où 80 000 emplois ont été perdus depuis la mise en œuvre de l'ALENA. Bien que certaines de ces femmes soient en mesure de trouver un nouvel emploi, il s'agit généralement d'emplois moins bien rémunérés et à fort taux de rotation, concentrés dans les secteurs administratifs, de la vente et des services ; la majorité de ces emplois sont à temps partiel et non syndiqués... Ainsi, de nombreuses femmes au Canada perdent leur capacité à participer à des emplois stables, sûrs et bien rémunérés, autrefois illustrés par le secteur manufacturier syndiqué"[70].
Selon Cohen et le CNA, l'ALENA a contribué à consolider la domination économique des multinationales en négligeant ses retombées sur la main d’œuvre industrielle la moins bien payée.
En 1982, le Comité de solidarité avec le peuple du Salvador (COSPES) affirme que « la situation des femmes au Salvador, comme dans d'autres pays du tiers monde, est aggravée par la domination économique des puissances industrialisées. La pénétration capitaliste renforce le plus souvent les privilèges, les traditions réactionnaires et les préjugés anti-femmes des classes dirigeantes locales... malgré les conditions épouvantables dans lesquelles elles vivent, les femmes salvadoriennes se battent... les femmes ont fait partie intégrante de la lutte armée, suivant le chemin de leurs sœurs nicaraguayennes, précédant leurs sœurs guatémaltèques. Face à une dictature d'extrême droite soutenue par les dirigeants américains et leurs complices canadiens, elles ont été contraintes de prendre les armes. Notre lutte et la leur ne font qu'une"[71].
Certaines féministes reprennent à leur compte l'appel à la « lutte armée » contre la complicité canadienne dans la violence militaire américaine. En octobre 1982, trois membres de Direct Action, un groupe de guérilla urbaine basé à Vancouver, ont chargé d’explosifs une camionnette volée qu’ils font exploser à Toronto devant Litton Industries, un fabricant de composants de missiles de croisière américains. La bombe a blessé des employés et des policiers. La production de l'usine a été retardée d'une semaine. Ann Hansen, membre d'Action directe, est condamnée à l'emprisonnement à vie à la prison pour femmes de Kingston. Elle déclare dans son discours de clôture que l'obligation morale de résister aux entreprises d'armement comme Litton Industries « l'emporte de loin sur notre obligation d'obéir aux lois créées par l'homme... J'ai senti qu'il était nécessaire de commencer à développer un mouvement de résistance qui pourrait effectuer des sabotages et des expropriations en dehors des actes surveillés par la police... »[72].
Si de nombreuses féministes ne sont pas d'accord avec le militantisme d'Action Directe, d'autres soulignent l'hypocrisie de l'arrestation de citoyens ayant fait exploser une bombe qualifiant plutôt Litton Industries comme les « vrais terroristes » [73]. « L'action a également permis de rallier des soutiens à la marche Refuse the Cruise qui a eu lieu deux semaines plus tard, coparrainée par le Toronto Disarmament Network (TDN) et la Against Cruise Testing Coalition (ACT) et à laquelle ont participé plusieurs organisations féministes, dont la Women's International League for Peace and Freedom (WILPF) et Women's Action for Peace[74]. En 1983, Women's Action for Peace a de nouveau organisé un rassemblement devant l'usine Litton de Toronto. 29 femmes ont été condamnées pour violation de propriété privée et tentative d'arrestation citoyenne du président de Litton, Ronald Keating. Prêchant la désobéissance civile non violente, plusieurs de ces femmes sont revenues quatre jours plus tard pour poursuivre leur protestation[75].
Dans les années 1980, les féministes ont agi en solidarité avec la campagne des Innus contre la militarisation de Ntesian. Elles ont protesté contre l'expansion d'un centre d'entraînement aux armes de chasse tactique de l'OTAN sur les terres innues à Goose Bay, au Labrador. Peter Penashue, membre de la campagne, a écrit à des organisations féministes pour leur dire que « nous tentons à organiser une campagne concertée contre l'abus croissant de notre territoire et de notre peuple par les forces aériennes de l'Allemagne de l'Ouest, de la Grande-Bretagne, du Canada et des États-Unis, alors que l'entraînement à basse altitude et à grande vitesse des chasseurs bombardiers se poursuit et s'intensifie »[76]. Ces vols d'entraînement vrombissent juste au-dessus de la cime des arbres, perturbant les terrains de chasse traditionnels du peuple innu et menaçant la population locale de caribous. De nombreux militants innus sont arrêtés lorsqu'ils occupent l'une des pistes militaires pour bloquer ces vols. Des féministes se sont ralliées à leur cause dans le cadre du comité Survival of the Planet du CNA et de la NATO Out of Nitissan Coalition[77] . Il est significatif que cette question soit de nouveau d’actualité aujourd'hui pour le peuple innu, alors que le ministère canadien de la Défense prévoit de reprendre l'entraînement des vols à basse altitude au-dessus de la région[78].
Guerre froide, guerres d’indépendances, mondialisation de l’industrie, luttes autochtones pour la souveraineté, consolidation du pouvoir militaire par le biais d’alliances internationales comme l’OTAN, face aux grandes crises et conflits de la seconde moitié du 20e siècle, les mouvements féministes ont été amenés à se positionner et à définir, voir à délimiter différentes réalités que sous-tendent les revendications féministes. Certaines féministes canadiennes ont soutenu que les revendications devraient se limiter aux problèmes qui les touchent directement, comme la justice reproductive, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, la pornographie et la violence à l'égard des femmes. D'autres, comme le collectif Leila Khaled, ont affirmé avec force que « lorsque nous affirmons qu’il importe de considérer l’oppression des femmes avant l’oppression subie par leur entourage, cette considération est pour la plupart des femmes inconcevable »[79].
L’exposition Les femmes contre l'impérialisme : explorer la résistance féministe à la guerre, à l'occupation et à l'apartheid vous invite à réfléchir aux questions suivantes : Comment les courants anti-impérialistes ont-ils évolué au sein des mouvements féministes canadiens de la seconde moitié du 20e siècle ? Quelle légitimité ou reconnaissance ont-ils eu ou ont-ils recherché au sein de ces mouvements ? Comment les féministes canadiennes ont-elles concilié leur position de citoyennes du « noyau impérialiste » et leur désir de soutenir les femmes du « tiers monde » ? Comment le mouvement pacifiste des femmes a-t-il débattu et appréhendé la « lutte armée » en tant que tactique anti-impérialiste ? Enfin, que signifie l'organisation d'une exposition sur le féminisme anti-impérialiste à l'Université d'Ottawa, où l'été dernier encore, des étudiants protestaient activement contre des investissements qui, selon eux, rendent l'université économiquement complice de la violence permanente contre le peuple palestinien ?
Les documents présentés offrent un support pour une réflexion sur l’activisme anti-impérialiste au féminin. Ils sont conservés au sein de la collection des Archives des Femmes que nous vous invitons à découvrir en visitant sur place les Archives et collections spéciales de la bibliothèque Morisset, salle 039.
Recherche et rédaction : Meghan Tibbits-Lamirande, écrivaine en résidence, Archives et collections spéciales.
Traduction : Marie Noël, Archiviste, Archives et collections spéciales.
Works Cited
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- Pour en savoir plus sur la formation d'Israël, voir Edward Said, The Question of Palestine (1992) ; Ilan Pappe, The Ethnic Cleansing of Palestine (2007) ; et Rashid Khalidi , The Hundred Years' War on Palestine (2021). Pour en savoir plus sur la mise en place de l'apartheid sud-africain, voir Okechukwu Ibeanu, « Apartheid, Destabilization and Displacement: The Dynamics of the Refugee Crisis in Southern Africa » (1990) ; Adrian Guelke, Rethinking the Rise and Fall of Apartheid (2004) ; et Daniel Magaziner (ed.), The Oxford Handbook of South African History (2020). Pour en savoir plus sur la relation entre le sionisme et l'apartheid, voir Ilan Pappe (éd.), Israel and South Africa : The Many Faces of Apartheid (2015).
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- Ibid.
- Germaine Greer, « Phoney' Manifesto comes Under Fire », Xilonen (20 juin 1975) Ottawa Women's Place fonds, 10-020-S7-F92.
- Entretien avec Nawal El Saadawi, « Real Feminism Means Being Revolutionary », Newsfront International (octobre 1980) Fonds CWMA, 10-001-S2-SS131-F4
- « Vietnam war defector and protest records » (1963-1971) Helen Levine fonds, 10-006-S4-F26, 10-006-S4-F27, and 10-006-S4-F28
- Christabelle Sethna et Steve Hewitt, « Clandestine Operations : The Vancouver Women's Caucus, the Abortion Caravan, and the RCMP », Canadian Historical Review 90.3 (septembre 2009) p. 469.
- Christabelle Sethna et Steve Hewitt, « Clandestine Operations : The Vancouver Women's Caucus, the Abortion Caravan, and the RCMP », Canadian Historical Review 90.3 (Septembre 2009) p. 476.
- Pour en savoir plus sur la « femme révolutionnaire » en tant que symbole, voir Judy Tzu-Chun Wu, Radicals on the Road Internationalism, Orientalism, and Feminism during the Vietnam Era (2013) ; et Thy Phu, Warring Visions : Photography and Vietnam (2022)
- Femmes contre l'impérialisme, « Workshop #1 : Women and Imperialism » (juin 1981) CWMA Collection, 10-001-S1-F3790, p.1.
- Ibid.
- Femmes contre l'impérialisme, « Workshop #1 : Women and Imperialism » (juin 1981) CWMA Collection, 10-001-S1-F3790, p.2
- Ibid.
- Femmes contre l'impérialisme, « Introduction to “Women in Canada” Workshop » (juin 1981) CWMA Collection, 10-001-S1-F3790, p. 1-2
- Women Against Imperialism, « Introduction to “Women in Canada” Workshop » (juin 1981) Collection CWMA, 10-001-S1-F3790, p. 3-4.
- Joan French, « Housework and the Third World ». Présentation préparée pour le forum « A View from the Kitchen : Immigrant Women Speak Out on the Value of Housework » au Ryerson College, Toronto (27 octobre 1979) Toronto Wages for Housework fonds, 10-008-S6-F8
- Sherona Hall, « CADIW Position Paper » (c. 1977), Committee Against the Deportation of Immigrant Women (CADIW) CMWA Collection, 10-001-S1-F629
- Ibid.
- Judith Ramirez, interviewer. « Expelled 'radical' domestics fight the Filipino right », The Toronto Clarion (12 mars 1982) Fonds Frances Gregory, 10-094-S2-SS2-F17.
- Ibid.
- Treyf Podcast, « From the Archives : The Jewish Feminist Anti-Fascist League (Jewish Digest, 1993), » https://www.boomplay.com/episode/611801
- Fonds Lilith Finkler, 10-194-S2 et 10-194-S4
- « The Jewish Women's Committee to End the Occupation in the West Bank and Gaza », RiseUp Digital Feminist Archive, https://riseupfeministarchive.ca/activism/organizations/jewish-womens-committee-to-end-the-occupation-of-the-west-bank-and-gaza-jwceo/
- Madeleine Gilchrist, « Impressions of my journey back to Israel », Voices 3.4 (1992) Madeleine Gilchrist fonds, 10-148-S6-F2, p.8
- Fédération palestinienne des comités d'action des femmes, Women's Action Diary 1996, fonds Madeleine Gilchrist, 10-148-S6-F1.
- The Palestinian Federation of Women's Action Committees, The Program and Internal Platform of the Palestinian Federation of Women's Action Committees in the Occupied Territories (1998), fonds Madeleine Gilchrist, 10-148-S6-F5
- Brochure, « The Palestinian Federation of Women's Action Committees in the Occupied Palestinian State » (1991), fonds Madeleine Gilchrist, 10-148-S6-F1
- Anti-Apartheid Coalition of Toronto, « Our History » (mars 1986), fonds CWMA, 10-001-S1-F110
- Comité de la Journée des femmes d'Afrique du Sud, « Stop the Execution of Theresa Ramashamola ! » (8 août 1987) CWMA, 10-001-S1-F110 (8 août 1987) Collection CWMA, 10-001-S1-F3138
- Commission sud-africaine de la vérité et de la réconciliation, Human Rights Violations, Theresa Ramashamola, Johannesburg Prisons Hearing Day 2 (22 juillet 1997) https://www.justice.gov.za/trc/special/prison/ramasham.htm
- Lesbiennes et gays contre l'apartheid, prospectus d'événement (juillet 1990) Collection CWMA, 10-001-S1-F1538.
- Stacey Stack, « Women and NAFTA : Challenging Economic Instability », http://depts.washington.edu/canada/nafta/98chapters/15stacknafta98.htm
- Comité de solidarité avec le peuple du Salvador, « El Salvador : Women in Revolution » (1982) Collection CWMA, 10-001-S2-SS86-F2
- Cour d'appel de la Colombie-Britannique (19 mars 1986) http://www.uniset.ca/other/cs5/27CCC3d142.html
- « The Real Terrorists: Litton-Red Hot-B.C. Hydro » (4 juin 1984) Affiche. Collection CWMA, 10-001-S5-I255
- Action des femmes pour la paix - Litton Systems Canada Limited (1984) Collection CWMA, 10-001-S1-F3994 et 10-001-S1-F3995.
- Ibid.
- Peter Penashue, Innu Campaign against the militarization of Ntesian, lettre circulaire (11 septembre 1984) Fonds du Comité national d'action sur le statut de la femme, 10-024-S4-SS5-F20.
- Comité de survie de la planète - Base de l'OTAN au Labrador, Fonds du Comité national d'action sur le statut de la femme, 10-024-S4-SS5-F20
- Rob Antle et Patrick Butler, « Return of low-level flight training over Labrador on German air force's radar », CBC News (28 février 2024) https://www.cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/nl-5-wing-goose-bay-german-low-level-training-proposal-1.7126646
- « A Paper from the Leila Khaled Collective » (1970), Collection CWMA, 10-001-S1-F1426, p. 4.
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