"Chante-Coucou" est un documentaire de 52 minutes réalisé en 2022 par la Direction du patrimoine culturel de Rodez agglomération à la suite d’une étude d’inventaire du patrimoine et d’un recueil de mémoire. Il retrace l’évolution du quartier des Quatre Saisons, construit à Onet-le-Château, près de Rodez.
Une urbanisation rapide
Le quartier des Quatre Saisons est né en 1960 de la volonté du maire Roland Boscary-Monsservin, du Comité interprofessionnel du logement et de l’Office HLM de Rodez en réponse à la crise du logement qui sévit après la Seconde Guerre mondiale. Soixante ans après, le quartier est devenu le centre urbain de la commune d’Onet-le-Château, la troisième du département en nombre d’habitants.
La création d’une cité d’habitations au lieu-dit les « Quatre Saisons » est décidée par le conseil municipal d’Onet-le-Château le 5 avril 1959. Un premier lotissement (ou « zone ») est donc approuvé ; afin de répondre à la demande croissante de logements, il est suivi de deux autres lotissements d’initiative publique approuvés en 1962 et 1964. Avec la zone d’aménagement concerté réalisée dans les années 1970, l’ensemble forme aujourd’hui le quartier des Quatre Saisons.
Il comprend diverses formes de logements (immeubles, HLM, maisons en bande, pavillons individuels) et inclut de nombreux équipements publics, dont des écoles, l’église Saint-Joseph l’Artisan, l’hôtel de ville, un centre social, une piscine-médiathèque, etc.
Une conception moderne : « le petit-train »
Le dessin du lotissement est confié en 1959 à l’architecte-urbaniste parisien Gérard Sacquin (1924-1982) et la construction des maisons en bande, surnommées « le petit-train » par ses habitants, est assurée par le Comité interprofessionnel du logement (CIL).
La composition d’ensemble comme l’architecture relèvent d’une conception moderne pour l’époque. Gérard Sacquin a tenu compte du relief dans le tracé des rues en introduisant l’idée de cheminement pittoresque et s’est appuyé sur les courbes de niveaux pour faire varier l’implantation et le mode de groupement des maisons, unifiées par une même ligne de faîtage. L’architecture est aussi particulièrement soignée : l’alternance des pleins et des vides et les encadrements de béton moulé rythment et animent les façades de toutes les maisons. La présence de loggias, pour la plupart positionnées en façade sud, souligne l’importance de l’orientation des bâtiments et du soleil dans l’urbanisme moderne. À l’origine, l’emploi de la couleur jaune, orange, rouge ou bleue contribue à les mettre en valeur comme à différencier chaque unité d’un même groupe.
L’église Saint-Joseph l’Artisan
Prévue dès la création du quartier, l’église Saint-Joseph l’Artisan est construite entre 1962 et 1964 d’après les plans de Gérard Sacquin et témoigne du renouveau de l’architecture sacrée après la Seconde Guerre mondiale.
Installée sur la colline de « Chante-Coucou » dominant le quartier, construite en moellons de calcaire et couverte d’une toiture en carène de bâteau inversée, l’église s’inscrit parfaitement dans son environnement. La charpente est particulièrement remarquable : conçue par l’entreprise des frères Charles, de Bouillac près de Decazeville, elle présente une structure en nid d’abeille, supportée par de grands arcs en bois lamellé-collé offrant une large portée.
Photographie ci-contre : Vue intérieure de l'église Saint-Joseph l'Artisan (c) Marc Kérignard, Inventaire général Région Occitanie.
« Chante-Coucou », un documentaire issu d’une enquête d’inventaire et d’un recueil de mémoire
En 2017, le quartier des Quatre Saisons est classé prioritaire au titre de la politique de la ville, préalable à une vaste opération de renouvellement urbain. Diverses actions sont alors financées afin de permettre aux habitants de se réapproprier leur quartier. C’est l’occasion pour la Direction du patrimoine de Rodez agglomération, avec le concours de Rodez agglo Habitat, de recueillir la mémoire des premiers habitants, ceux des HLM et du « petit-train », et ainsi de nourrir l’étude d’inventaire en cours.
L’intention de départ est de fabriquer des archives audiovisuelles, disponibles pour le public et d’éventuelles recherches ultérieures. Mais le projet de réaliser un documentaire naît rapidement car le matériau est abondant : une dizaine d’heures d’archives filmées, auxquelles s’ajoutent de nombreuses photographies anciennes collectées au cours de l’étude.
En 2021 débute ainsi la fabrication d’un film destiné à un large public, sans renoncer toutefois à l’exigence scientifique de l’étude de départ. L’objectif n’est pas de réaliser un documentaire fondé sur l’association classique témoignages-archives-illustrations, mais d’embarquer le spectateur, de lui raconter une histoire à partir des images d’archives et des souvenirs des habitants.
Après avoir retracé les principales étapes du développement du quartier jusqu’à son inauguration en juin 1963 par le ministre des Finances Valéry Giscard-d’Estaing, le film aborde la construction des équipements publics, l’installation des premiers commerces, les notions de « confort moderne » et de « voisinage », enfin l’évolution récente du quartier avec l’opération de renouvellement urbain.
Ainsi, le film dépeint une histoire vivante, celle d’hommes et de femmes, acteurs de leur propre quartier. En suscitant l’empathie du spectateur, leur témoignage facilite certainement la réappropriation du lieu par tous ses habitants, et par là sa patrimonialisation.
Le film a bénéficié du soutien du ministère chargé de la ville et du logement et de la Ville d’Onet-le-Château.
Crédits :
Textes : Yann Launay, Direction du patrimoine culturel, Rodez Agglomération
Photographies : Marc Kérignard, Service de l'Inventaire et de la Connaissance des Patrimoines, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie et Tristan Francia.
Conception : Christelle Parville, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie.
Pour aller plus loin :
Yann Launay, « Chante-Coucou. La fabrique d'un documentaire entre histoire et mémoire », dans Muriel Cohen et Marie Ferey (dir.), Habiter les faubourgs et les banlieues : Nouvelles approches croisées, Éditions 303, 2024, p. 356-373.