Les peintures monumentales du château de Malves-en-Minervois dans l'Aude

Vue extérieure du château.

Dans le département de l'Aude, situé au nord et proche de Carcassonne, le château de Malves-en-Minervois, se dresse au centre du village. De plan rectangulaire et cantonné de 4 tours il a longtemps appartenu à une puissante famille de Carcassonne : les Bellissen. De la fin du XVe siècle, jusqu'au début du XVIIIe siècle, les embellissements sont nombreux. Les plafonds peints et la peinture murale en sont des témoignages toujours visibles aujourd'hui.

1 : Escalier et palier du 1er étage; 2 : Plan des 1er et 2e étage avec situation des décors.

Dès l’entrée, un grand escalier de pierre, à l’italienne conduit au palier du 1er étage avec un plafond peint au décor fleuri très usé puis à une salle d’apparat décorée d’un plafond peint exceptionnel et d’une magnifique cheminée en bois sculpté. Celle-ci elle est datée du début du XVIIe siècle et inscrite au titre des Monuments Historique depuis 1989 avec l’ensemble du château. Elle semble remployée contre ce mur pour seulement servir de décor.

Le manteau de la cheminée est cantonné de deux caryatides sculptées en haut relief. Sur le panneau central plusieurs musiciens sont représentés habillés à la mode du XVIIe siècle, au centre une dame joue de l’épinette (sorte de clavecin) entourée d’une joueuse de flûte traversière et d’un joueur de luth. Le linteau est orné de 3 scènes de pêche, chasse au faucon et galante, situées dans des paysages. Elles sont cantonnées de deux personnages féminins assis et nus qui sont deux évocations différentes de la déesse Artémis. Du côté gauche, elle est représentée telle qu’elle est décrite dans l’Odyssée organisant le voyage de Télémaque en mer. L’évocation de droite est plus traditionnelle ; la déesse grecque est représentée avec tous ses attributs : le carquois et son arc et un croissant de lune sur la tête.

En 2013, le plafond en plâtre du XVIIIe siècle est déposé pour laisser apparaitre cet exceptionnel plafond peint de la Renaissance.

Dans cette salle d'apparat, le décor possède plusieurs niveaux de lecture selon que l'on regarde les faces des poutres, les planches ou les solives.
Le schéma géométrique proposé est composé de cercles s'opposant aux carrés. On a ainsi une représentation d'entrelacs rehaussés de pierres précieuses et d’ornements. Ce trompe l’œil (marbres et pierres précieuses) fait penser à certains plafonds italiens.

Les poutres maîtresses sont illustrées de scènes narratives et émaillées de médaillons en grisailles ou polychromes dans une composition répétitive : des paysages avec des architectures souvent liées à l’eau : moulins, fontaines, ponts. Les médaillons sont encadrés de motifs végétaux et floraux, de personnages inspirés de la commedia dell’arte, de scènes de chasse, de monstres hybrides issus du vocabulaire mythologique, de rinceaux…

Des rinceaux d’acanthes sortent des personnages masqués, l’un aux grandes oreilles, l’autre avec des cornes, le dernier porte un masque au visage vert avec moustache et barbichette démesurées.
1 : Chasseur de dragon ; 2 : Motif antiquisant ; 3 : Paysage avec moulin à vent ; 4 : Scène chez le barbier.

Les planches offrent une déclinaison de fleurs réalistes dont certaines sont plus significatives : la tulipe qui devient au XVIe siècle une des fleurs les plus évoquées symbolise le luxe, la richesse et la puissance. L’œillet et la rose sont les symboles du mariage et de l’amour.

1 : Oeillets ; 2 : Tulipes
Au niveau du palier, les décors du plafond aux motifs floraux et ornementaux sont comparables à ceux de la grande salle.

La seconde salle dite « du Graph », toujours au 1er étage, présente un décor peint à l’huile avec des motifs de fleurs très variées sur fond clair, des faux marbres peints dans des médaillons (comme sur le plafond de la grande salle), des cornes d’abondance, etc.

Plafond de la salle "du Graph".

La salle suivante dite « de l’arche » possède une arche d'entrée sous laquelle est peint un soleil, seul vestige conservé d’un décor plus important. Le plafond peint ici est différent des autres, il serait datable de la fin du XVIIIe siècle. Moins coloré, il semble repeint avec des rehauts aux traits noir. On retrouve des cartouches rythmant le décor des poutres ornés de paysage avec des architectures en ruine.

1 : Le soleil de la salle "de l'arche" ; 2 : Plafond peint de la salle "de l'arche".

Au 2e étage du château, un plafond peint est visible dans la tour du sud-ouest. Il s'agit visiblement d'un remploi ; assemblage de divers autres plafonds ou lambris peints dont l’origine est inconnue. Le remontage est aléatoire, les grisailles peintes côtoient des peintures d’une grande qualité.

Plafond composite de la tour.

La visite se termine par une petite pièce située dans les combles du 3ème niveau : un studiolo (élément d’habitation des palais italiens à la Renaissance, isolé par rapport à l’ensemble des appartements, sorte de boudoir) dont les peintures monumentales sont classées au titre des Monuments historiques et dateraient de la fin XVIe siècle.

Des travaux de mise en sauvegarde des peintures murales ont été réalisés en mai 1997 et le plafond a fait l’objet d’une restauration en mai 2002. Une nouvelle phase de travaux de restauration des peintures murales a été réalisée en octobre 2010 et en janvier février 2011.

Sur les murs sont peintes trois scènes inspirées des Métamorphoses d’Ovide :

A gauche : le banquet des noces de la nymphe Thétis et du héros grec Pelée (parents d'Achille) se passe sur le mont Pélion en présence de tous les dieux sauf Éris, la Discorde. Celle-ci se venge en lançant au milieu des convives, la pomme d'or portant l'inscription "A la plus belle". Le jugement de Pâris, qui choisira Aphrodite, sera le prologue à la guerre de Troie.
Sur le mur à droite : Ulysse et Ajax se disputent la propriété des armes d’Achille posées aux pieds d’Agamemnon, scène suivie de la mort d'Ajax.

Au plafond, les motifs constitués de vases de fleurs associés à des oiseaux et des papillons sont déclinés avec une grande variété. Le décor est complété par les armoiries de la famille Bellissen peintes au centre de la poutre principale : d’azur à trois bourdons d’argent, au chef cousu de gueules, chargé de trois coquilles d’argent.

Armoiries de la famille Bellissen peintes au centre de la poutre principale.

Cet édifice permet d’observer l’évolution iconographique et stylistique des décors au sein d’une famille à travers plusieurs générations. La famille Bellissen qui a fait construire et décorer le château de Malves avait déjà commandité des plafonds peints dans les années 1470 pour leur demeure de Carcassonne.

CRÉDITS :

Photographies : David Maugendre (c) Inventaire général Région Occitanie

Texte : Sylvie Decottignies, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie

Conception : Christelle Parville, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie