La dernière fois que le royaume de Suède a été en guerre, c'était... en 1814. Depuis, le pays qui accueille le prix Nobel a adopté pendant plus de deux siècles une politique de neutralité et a refusé de prendre parti dans les guerres ou d'adhérer à une quelconque alliance militaire. Grâce à cette politique, la Suède a vécu en paix et est devenue un État-providence et une grande puissance humanitaire. Mais le 7 mars 2024, deux ans après l'invasion russe en Ukraine, la Suède a officiellement adhéré à l'OTAN. En rejoignant cette alliance militaire dirigée par les États-Unis, le pays a mis fin à sa politique de non-alignement. A Gotland, la plus grande île du royaume, les habitants vivent à environ 330 kilomètres de Kaliningrad, où est stationnée une partie de la flotte russe. Sur place, les avis et sentiments sur cette adhésion historique sont mitigés.
J'ai des sentiments compliqués comme tous les Suédois. On a déjà une coopération avec l'OTAN, et ça suffit. On ne doit pas augmenter [l'armement] plus. Je ne crois pas que Poutine ait une envie de venir ici. Pour le moment, je ne suis pas inquiété, mais pour l'avenir, je ne sais pas.
Carl Wachtmeister, 59 ans, à Visby depuis 2000. Il exerce différents métiers, selon la saison, dans la construction, dans l'agriculture et comme un chauffeur de taxi-bicyclette et d'autres. Il a appris le français au lycée et a passé un peu de temps en France, à Paris et à Angoulême. Visby, Gotland, 12 mars 2024 © Sami Karaali
Peu importe que nous soyons neutres ou non. Ce qui est triste, c'est qu'il y a toujours une terrible guerre en Ukraine, en Palestine et dans d'autres pays du monde.
Eva Lilia, née à Gotland, 58 ans, travaille dans l'artisanat du cuir et de la laine de mouton depuis 1988. Elle a quitté l'île en 1997 et y est revenue en 2009. Eva est la propriétaire du boutique Ödins Garveri à Visby. 12 mars 2024, Visby, Gotland © Sami Karaali
Je me sens positif et satisfait que la Suède soit membre de l'OTAN afin de garantir la sécurité du pays. C'est une bonne chose pour nos enfants et la prochaine génération, qui seront eux aussi en sécurité
Nabil, un tailleur de 41 ans, suédois d'origine syrienne, vit à Gotland avec sa famille depuis 6 ans. Auparavant, il avait vécu au Liban pendant environ 23 ans. Maintenant, il travaille à la boutique d'Eva Ödins Garveri. Visby, Gotland 12 mars 2024 © Sami Karaali
Je pense que c'est une idée stupide. Le risque de guerre est tout simplement plus élevé aujourd'hui après l'adhésion à l'OTAN.
Je ne suis pas vraiment inquiète, je ne pense pas que Poutine va prendre Gotland maintenant
Je pense qu'il vaut mieux travailler pour la paix que pour la défense et la guerre
Kerstin Bendelin, 67 ans, la propriétaire de la boutique Jordnäraest, est née à Gotland. Ses créations et sa collection d'échantillons sont fabriquées dans l'île et la plupart de ses collections sont produites en coton biologique suédois. Visby, Gotland, 12 mars 2024 © Sami Karaali
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suède était neutre, mais nous avons été lâches. La Suède [en juin 1940] a signé un accord de transit avec l'Allemagne permettant aux marchandises et aux troupes de transiter par la Suède sur leur chemin de la Norvège à la Finlande et ce n'était pas bon. Maintenant, c'est un monde fou avec Trump et Poutine, la guerre est autour de nous
Marianne Gardiel, 68 ans, assistante sociale à la retraite, et Jalle Gardiel, 68 ans, gestionnaire laitier à la retraite, tous deux nés à Gotland. 10 mars 2024, Visby, Gotland © Sami Karaali
C'est une décision très précipitée basée sur la peur et qui va à l'encontre des valeurs et de la politique que la Suède avait auparavant. Mais je comprends aussi pourquoi les gens ont peur, car la guerre est proche de chez nous, ce qui n'a pas été le cas depuis longtemps. Cela me rend vraiment triste que plus d'argent soit investi dans la guerre et je ne blâme personne
Carl Lochen, 40 ans, pompier suédois, à Visby, Gotland, depuis 2017. 12 mars 2024, © Sami Karaali
Gotland est très belle, mais les salaires ne sont pas très élevés ici, nous sommes pauvres, il n'est donc pas intéressant pour d'autres pays de cibler Gotland. En outre, vu la la situation en Ukraine, je ne pense pas que la Russie dispose de suffisamment d'armes pour s'attaquer à d'autres endroits
Je suis déçue et un peu triste parce que j'aimerais voir plus d'intérêt pour la paix que pour la peur de la guerre dans l'île. Je pense que plus nous nous armons, plus nous devenons une menace. La peur est à l'origine de tout cela
Emelie, 58 ans, conseillère en paix et en communication non violente. Visby, Gotland, 10 mars 2024 © Sami Karaali
Je suis un peu inquiète que l'adhésion à l'OTAN mette Poutine en colère et qu'il essaie d'attaquer ou de perturber la démocratie suédoise
Nous avons peur d'être une cible, nous sommes assez proches
Je me sens en conflit, je n'aime pas l'idée que nous puissions participer à d'autres guerres et contribuer à plus de violence dans le monde, même si c'est pour défendre le pays. J'aimerais simplement qu'il y ait d'autres moyens de le faire
Frida Grahn, 28 ans, travaille dans une école à Gotland en tant qu'assistante pédagogique pour les enfants de 7 ans depuis six ans. Visby, 10 mars 2024 © Sami Karaali