Budget 2024-2025 : Québec rate la cible!

11 G$ DE DÉFICIT: LA FAUTE AUX TRAVAILLEUSES DU RÉSEAU?

Le 12 mars dernier, la Coalition Avenir Québec (CAQ) a présenté son 6e budget. Une surprise de taille s’y trouvait : un déficit non pas de 4 mais de 11G$! Le Premier ministre Legault avait pour ainsi dire préparé le terrain, quelques semaines plus tôt, en indiquant que les «conséquences financières» découlant des dernières négociations étaient à blâmer. Qu’en est-il exactement?

UNE GROSSIÈRE EXAGÉRATION

Le gouvernement tablait sur une négociation à rabais avec les employé·e·s de l’État, mais ses plans ont été déjoués. Le budget de l’an dernier laissait en effet entrevoir une enveloppe d’environ un milliard de dollars pour couvrir les coûts des gains inclus dans la prochaine convention collective. Un an plus tard, à la suite d’une mobilisation historique, l’impact budgétaire est de trois milliards supplémentaires (soit 4 G$ au total).

La somme est importante, et son impact sur le déficit du gouvernement indéniable, mais elle est loin d’expliquer à elle seule l’état actuel des finances publiques. Les syndiqué·e·s n’ont donc pas à porter sur leurs épaules l’odieux du déficit, surtout qu’il·elle·s tiennent le réseau à bout de bras! Qui plus est, une convention collective sans impact budgétaire conséquent serait totalement inconciliable avec une amélioration des conditions de travail, un non-sens absolu pour nous.

LA CAQ, RESPONSABLE DE SES PROPRES MALHEURS

Pour bien comprendre le passage d’un déficit de 4 à 11 G$, il faut mettre d’autres facteurs dans la balance :

  • le gouvernement a fait le choix de verser 2,2 G$ dans le Fonds des générations bien que la dette du Québec soit sous contrôle, selon tous les indicateurs reconnus;
  • le ministre des Finances a choisi de déposer 1,5 G$ dans sa provision pour éventualité, gonflant d’autant le déficit;
  • depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a décidé d’offrir 2,7 G$ en cadeaux fiscaux, favorisant davantage les plus riches.

Si on veut expliquer adéquatement la dégradation des finances publiques, il faut aussi regarder de ce côté!

CE QUI SE TROUVE DANS LE BUDGET...

Fidèle à lui-même, le gouvernement préfère éparpiller quelques sommes plutôt que de réinvestir massivement dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Voici quelques exemples :

  • 360 M$ pour l’accès aux soins et pour améliorer la «fluidité hospitalière», soit pour : accélérer le virage numérique au moyen de l’intelligence artificielle, développer des alternatives aux hospitalisations (ex. : convalescence à la maison) et miser sur le guichet d’accès à la première ligne pour détourner les usager·ère·s des urgences;
  • 222 M$ pour les soins et les services aux aîné·e·s, soit pour : bonifier les services à domicile, ouvrir des maisons des aîné·e·s et conventionner davantage de CHLSD;
  • 146 M$ répartis entre la protection de la jeunesse, les services en santé mentale, les services sociaux généraux, l’aide aux personnes vivant avec une déficience, les organismes communautaires, le programme Agir tôt et la lutte contre les dépendances.

…ET CE QUI NE S’Y TROUVE PAS

Pour une troisième année, l’APTS est revenue à la charge auprès du gouvernement avec l’idée d’instaurer un bouclier de protection budgétaire pour le RSSS. Ce dernier viserait à garantir un niveau minimum de financement afin d’éviter tout retour à l’austérité dans le secteur de la santé et des services sociaux. Encore une fois, la CAQ n’y a pas donné suite, révèle la comparaison des pourcentages :

  • 4,2 % : augmentation du budget consentie au RSSS par le gouvernement pour 2024-2025;
  • 5,2 % : évolution annuelle minimale, selon une étude du Conference Board, pour que les provinces canadiennes puissent maintenir des niveaux de services adéquats d’ici 2040;
  • 6,5 % : augmentation qui devrait apparaître au budget en utilisant un bouclier budgétaire!
  • Le ministre des Finances affirme que la santé était la grande priorité de son budget, il a de toute évidence raté la cible!

DÉPRIVATISER OU RETOURNER À L’AUSTÉRITÉ?

En amont du budget, l’APTS avait proposé au ministre un ambitieux plan quinquennal de «déprivatisation» du RSSS, soit de ramener à 18 % la part des dépenses allouée au secteur privé, c’est-à-dire telle qu’elle était en 1979, à son niveau historiquement le plus bas. Pour y arriver, le gouvernement aurait dû s’engager à ce que le RSSS reprenne la place occupée par les entreprises privées en augmentant son budget de 1,6 G$ par année pendant 5 ans.

À l’inverse de cette orientation audacieuse, la CAQ a plutôt choisi de tout miser sur la future agence Santé Québec, s’entêtant notamment à poursuivre son projet d’ouvrir des mini-hôpitaux privés.

DES NUAGES À L’HORIZON

Finalement, le ministre Girard a annoncé qu’il déposera en mars 2025 un plan de retour à l’équilibre budgétaire. Il s’est déjà engagé à ne pas augmenter les impôts ou la TVQ pour y arriver. Et il semble clair que la seule stimulation de la croissance économique ne suffira pas! Que propose-t-il alors?

Recycler la stratégie mise de l’avant par Philippe Couillard et Carlos Leitão en 2014, qui a marqué le début ‒ et les esprits ‒ de l’austérité budgétaire à Québec. Du déjà vu, annonce le ministre :

  • passer au crible la fiscalité à la manière de la Commission Godbout, qui préconisait d’importantes baisses d’impôts;
  • soumettre à l’examen la totalité des dépenses des ministères et des organismes gouvernementaux (pensez « compressions »), en reprenant le flambeau de la Commission Robillard.

Le retour à l’équilibre budgétaire sera donc teinté des travaux annoncés dans le dernier budget, ce qui n’augure rien de bon pour le financement des missions de l’État et le maintien d’un régime fiscal capable de les financer.

La vigilance et la mobilisation seront de mise!