L'ascension de la Pointe d'Archeboc Belvédère sur la haute tarentaise

Réalisée le 20-21 août 2023

La Haute Tarentaise est souvent synonyme de sports d'hiver. Véritable royaume du ski, l'or blanc y fait fonctionner les plus grands domaines skiables du monde. Mais l'été, et malgré les efforts des stations pour diversifier leurs offres de loisirs, les domaines restent majoritairement endormis et défigurent d'immenses espaces montagnards. Au premier abord, il serait déconseiller de se rendre en Tarentaise pour profiter de coins sauvages et escarpés le temps d'une randonnée. Et pourtant, si l'on regarde de plus près, les domaines skiables, aussi vastes soient-ils, se cantonnent au versant Nord du Massif de la Vanoise, épargnant le Massif du Beaufortain situé au Nord de la Vallée de la Tarentaise, tout comme les Alpes Grées, bouchant le fond de vallée.

Et quoi de mieux qu'une randonnée non balisée pour accentuer ce sentiment de solitude au-dessus de la Haute Tarentaise ? C'est l'objectif que nous nous sommes fixés en nous rendant sur les premières pentes du Massif des Alpes Grées, en amont de la petite station familiale de Sainte-Foy Tarentaise. Depuis cette dernière, nous filerons plein Est pour rejoindre la frontière italienne et les quelques 3000 qui la bordent.

Dans cette zone, très peu de sentiers s'élèvent au-delà des alpages. Pourtant certains sommet majeurs sont accessibles sans pour autant nécessiter un équipement d'alpinisme. C'est le cas de la Pointe d'Archeboc 3272m qui constituera notre objectif de ces deux jours en Haute Tarentaise.

Ła toponymie de ce sommet est assez originale. ''Archeboc'' peut se découper en deux : ''Arche'' significant ''sommet'' en vieux français, et ''Boc'' signifiant ''Bouc'' en patois. Le bouc étant la dénomination pour le chamois tout comme le bouquetin mâle. Ainsi, la Pointe d'Archeboc signifierait tout simplement ''le Sommet des Bouquetins''.

Pour démarrer cette randonnée, il faut se rendre au petit village de Bonconseil, en amont de Sainte-Foy Tarentaise, aux alentours de 1600m d'altitude. Ainsi cette randonnée nous fera traverser des paysages variés : de la forêt de conifères aux vastes pierriers en passant par les alpages et l'environnement glaciaire. De plus, sa position centrale en Haute Tarentaise ouvrira un panorama de part et d'autre de la frontière franco-italienne, et même au-delà.

Jour 1 : La traversée de l'Arête des Mines.

D'une pierre deux coups, on ne se contentera pas d'une ascension directe vers la Pointe d'Archeboc. Pour le premier jour de randonnée, nous tenterons l'ascension de l'Arête des Mines, un sommet secondaire de la région qui permet de s'approcher d'un magnifique panorama glaciaire. Tout comme la Pointe d'Archeboc, aucun sentier officiel ne conduit sur ces hauteurs. C'est à vue que nous nous rendrons sur l'Arête des Mines. Une bonne visibilité est donc indispensable pour son ascension.

Dans un premier temps, nous nous faufilons dans la forêt juste après s'être garé à l'ultime parking de Bonconseil. De là, nous relierons deux petits hameaux typiquement savoyards : l'Echaillon et le Monal. Ce dernier étant classé monument historique.

Quand la forêt s'éclaircit, on bénéficie d'une magnifique vue sur le second plus haut sommet du Massif de la Vanoise : le Mont Pourri 3779m. A droite de celui-ci on observe l'Aiguille Rouge 3227m et à gauche le Dôme de la Sache 3473m.

En une petite heure de marche, on atteint le hameau du Monal 1874m niché au coeur d'une clairière entourée par le mélézin. Ces habitations ont gardé leur architecture datant du XVIIIème et XIXème siècle. Entièrement faits de bois et de pierres, notamment les lauzes au niveau du toit, les chalets du Monal revêtent tous les aspects authentiques des villages de Haute Tarentaise. Le tout dans un cadre montagnard exceptionnel.

Après avoir flâné dans les ruelles du Monal, on reprend le fil de notre ascension. On repasse dans le mélézin quelques dizaines de minutes avant de déboucher sur les alpages du Clou. De là, on peut mieux apprécier ce qu'il nous attend durant ces deux jours dans les Alpes Grées.

De gauche à droite : la Pointe de l'Argentière, la Pointe d'Archeboc, la Pointe d'Ormelune, la Pointe de Serru, le Col du Lac Noir, la Pointe du Rocher Blanc, le Col du Rocher Blanc, l'Arête des Mines, le Col des Mines et la Pointe des Mines.

Du hameau du Clou, on aperçoit une bonne partie de l'itinéraire que nous allons entreprendre. Notre premier objectif est d'atteindre le Col des Mines pour ensuite grimper sur le point haut de l'arête éponyme. Ensuite, nous sommes censés descendre sur le Col du Rocher Blanc. Depuis ce dernier, on passera côté italien pour contourner la Pointe du Rocher Blanc et rejoindre ainsi le Col du Lac Noir. Sous ce col, côté français, on y trouve le Lac Noir, lieu où nous devrions établir notre bivouac.

Jusqu'au Hameau du Clou, les sentiers sont bien indiqués. Mais juste après celui-ci, pour rejoindre le Col des Mines, on se contentera de notre sens de l'orientation pour divaguer dans l'alpage puis les pierriers. On quitte ainsi l'alpage du Clou pour bifurquer dans le Vallon des Balmes où un splendide paysage glaciaire nous fait face.

Face à face avec les deux langues glaciaires du Glacier supérieur des Balmes.
A l'endroit le plus propice, on traverse tant bien que mal le torrent d'eau de fonte du glacier pour rejoindre les gradins herbeux qui composent la première partie de la montée en direction du Col des Mines.

Une fois le torrent franchi, on remonte le petit ruisseau des Balmes (voir carte IGN) puis on met pied sur une fausse arête sous l'imposante Arête des Mines. La pente s'accentue sensiblement mais le paysage du cirque glaciaire apaise nos efforts durant cette rude montée.

En grimpant légèrement, on aperçoit les restes glaciaires sur la partie inférieure du Glacier des Balmes. D'immenses blocs de glaces se cachent sous le chaos de pierres, le tout à même pas 2400m d'altitude.
Après avoir suivi la moraine, on pique directement dans les pentes herbeuses. On effectue notre propre trace en zigzags. Il n'y a strictement aucun sentier ni cairn.
Lors d'un bref replat, et avant que l'Arête des Mines ne bouche le panorama vers l'Est, on distingue l'objectif du lendemain : la Pointe d'Archeboc chapeautée d'un petit cumulus.
Le Massif du Beaufortain et sa célèbre Pierra Menta font une apparition dans le paysage.
Petit à petit, le minéral prend de plus en plus de place dans le paysage. On aperçoit le Col des Mines à gauche.

En atteignant le pierrier en aval du Col des Mines, on devine quelques sentes et quelques cairns désorganisés. Le terrain est instable et on évolue péniblement vers le col. Un temps ensoleillé est indispensable pour monter jusqu'au col en toute sécurité.

Au bout de 5h d'ascension, on atteint le Col des Mines 3043m et la frontière italienne. Il ne nous reste plus qu'à suivre le fil de la crête pour rejoindre le point haut de l'Arête des Mines. On entre dans la haute montagne.

Vue du côté Italien depuis le Col des Mines, on se situe en amont du Valgrisenche. En face, la Grande Rousse Nord 3607m et la Grande Rousse Sud 3516m.
En dépassant le col, la Pointe des Mines 3420m dévoile un face Nord-Est quasi exclusivement faite de glace.
Le cheminement de l'arête entre le col et le sommet ne présente pas de difficulté majeure, on alterne entre le versant italien et le versant français de la montagne.

Une fois sur le point haut de l'Arête des Mines 3141m, on profite quelques instants du panorama qui se dévoile face à nous : Mont Blanc, Archeboc, Ruitor, Grands Combins, Vanoise, Beaufortain, Alpes Grées et Grivola. Mais avec l'heure qui file et la bise qui souffle, on s'attelle assez rapidement à plonger vers le Col du Rocher Blanc. D'autant plus qu'un passage assez compliqué nous attend.

On poursuit sur quelques dizaines de mètres l'arête effilée avant de faire face à un raide couloir. Pas le choix, c'est bien l'itinéraire de descente pour relier le Col du Rocher Blanc. Pas à pas, on descend calmement ce vaste pierrier. Notre équilibre est mis à rude épreuve, mais la chute n'est pas permise.

Ça passe tranquille !

Doucement, mais surement, on atteint une arête un peu moins abrupte au-dessus du Col du Rocher Blanc. Nous sommes récompensés par des dizaines de bouquetins arpentant les pentes de l'Arête des Mines : avec style et élégance contrairement à nous.

Ils tapent la pose sur l'arête.

On reprend nos esprits quelques minutes au Col du Rocher Blanc 2835m puis on s'apprête à quitter la France pour passer dans le Valgrisenche italien. Nous n'y resterons pas très longtemps. Le temps de contourner la Pointe du Rocher Blanc et de relier le Col du Lac Noir. On repasse par la même occasion dans des terrains un peu plus accueillants. Les alpages italiens sont truffés de bouquetins et de marmottes qui descendent des pierriers ombragés. Ils recherchent encore un peu de chaleur face à un soleil qui baisse de plus en plus sensiblement vers l'Ouest.

Alors que les Marmottes déguerpissent dès qu'elles nous aperçoivent, les Bouquetins, eux, n'ont que faire de notre passage et daignent à peine nous regarder.
Au fin fond du Valgrisenche, le Glacier du Vaudet tapisse les pentes de la Pointe de la Traversière 3338m sur le centre gauche. Au centre, il s'agit de la cime de la Tsanteleina 3602m qui émerge au-delà de la crête.

Au Col du Lac Noir 2869m, on retrouve la France. Il ne nous reste plus qu'à dévaler 200m de dénivelés négatifs pour rejoindre le Lac Noir et notre lieu de bivouac. Il est grand temps car le soleil amorce sa chute vers l'horizon. Encore une fois, les sentiers se font discrets. Quelques cairns aident tout de même à progresser dans les éboulis.

Les alpages bordant le Lac Noir sont déjà dans la pénombre à notre arrivée. On monte rapidement notre bivouac, puis on profite des dernières lueurs éclairant le ciel un peu plus à l'Ouest, vers le Mont Pourri.

Jour 2 : Ascension de la Pointe d'Archeboc et retour par le sentier des lacs.

Au réveil, le temps est de nouveau calme. Le soleil se lève progressivement et illumine les cimes de la Vanoise. On déjeune et on remballe la tente avant d'entamer l'étape du jour. Si un sentier semble être visible en direction de la Pointe d'Archeboc, il va vite disparaitre pour laisser place à quelques timides cairns.

Premiers rayons sur le Dôme de la Sache et le Mont Pourri.

L'ascension de la Pointe d'Archeboc peut se faire via deux pierriers situés sur la face Ouest de la montagne. Il s'agit des itinéraires de ski de rando indiqués sur les cartes IGN. Ainsi pour l'ascension nous tenterons le pierrier le plus méridional et nous descendrons par le septentrional. Ouvrez les yeux et les oreilles, de nombreux bouquetins se cachent dans ces pentes.

Le premier pierrier est radicalement raide et se termine par une traversée à l'horizontale pour passer entre deux barres rocheuses. Dès les premières centaines de mètres, nos mollets chauffent sévèrement. Heureusement on se situe sur le versant ombragé de la montagne.

On quitte le Lac Noir et ses reflets.
La Pointe des Mines, la Pointe de Nant Cruet, la Pointe Plate des Chamois et leurs glaciers baignent déjà sous le soleil.
Au milieu du premier pierrier.

Après la petite traversée en balcons, la pente s'adoucit. On reste dans un environnement totalement minéral et on débouche sur un petit plateau sommital encadré par la Pointe d'Ormelune au Sud et la Pointe d'Archeboc au Nord. Au centre de celui-ci, quelques restes du Glacier d'Archeboc jonchent le plateau. Il faut maintenant rejoindre l'arête séparant les deux pointes. Si l'envie y est, un crochet par la Pointe d'Ormelune 3256m est possible mais la vue reste globalement similaire à celle visible depuis la Pointe d'Archeboc. On se contentera donc de l'ascension de cette dernière.

L'ancien Glacier d'Archeboc. A gauche, la Grande Motte et la Grande Casse émergent.
Dès l'arête reliant la Pointe d'Ormelune et la Pointe d'Archeboc, le panorama est exceptionnel : du Massif du Mont Blanc au Mont Rose en passant par le Ruitor, les Grands Combins et le Cervin.
La Grivola 3969m et le Mont Blanc 4807m.
En direction du Massif du Grand Paradis. Le Grand Paradis lui-même est pour le moment invisible mais sur la gauche, le Monte Emilius et la Grivola se font les ambassadeurs du massif italien.
Plus qu'à gravir l'ultime pierrier séparant l'arête du sommet.

Sur les coups des 10h, on atteint la Pointe d'Archeboc 3272m. Le panorama est splendide de toute part : sur la Haute Tarentaise et la Savoie, sur le Valgrisenche et la Vallée d'Aoste ainsi que sur les Alpes italo-suisses.

Petit tour d'horizon :

Le versant italien du Massif du Mont Blanc au complet : de l'Aiguille des Glaciers au Mont Dolent.
Des Alpes Grées à la Vanoise : Pointe d'Ormelune, Grande Traversière, Tsanteleina, Pointe des Mines, Pointe de Nant Cruet, Aiguille de la Grande Sassière, Pointe Plate des Chamois, Grand Roc Noir, Grande Motte, Grande Casse, Dôme de la Sache, Mont Pourri.
Zoom sur le Massif des Alpes Pennines: Grands Combins, Mont Velan, Mont Gelé, Dent Blanche, Dent d'Hérens, Cervin, Breithorn, Castor, Pollux, et Mont Rose.
Belvédère sur la Haute Tarentaise : de la Vanoise au Beaufortain en passant par les Massifs de la Lauzière et de Belledonne. En contrebas de l'image, le Lac Blanc (le plus bleu) et les vestiges lacustres de l'ancien Glacier de l'Argentière.
Zoom sur la Tête du Ruitor 3486m et le Lago di San Grato

Pour rejoindre les lacs en contrebas de la Pointe d'Archeboc, on emprunte donc le second pierrier qui se situe juste en dessous du sommet, sur son versant Ouest. Des cairns sont bien visibles et le sentier est bien moins exposé que celui de la montée.

Le Lac Brulet.

Une fois à la base de la Pointe d'Archeboc, on entame un sentier qui reliera plusieurs lacs : tout d'abord le Lac Blanc, puis nous passerons dans les environs des Lacs Verdets pour finir par le Lac du Clou, dernier intermédiaire avant de rejoindre les hameaux du Clou et du Monal.

Depuis le Lac Blanc, le Mont Blanc et la Pointe d'Archeboc sont encore bien visibles.
Après le Lac Blanc, on passe à proximité des Lacs Verdets. Cette traversée en balcons permet de garder constamment une vue sensationnelle sur les sommets et glaciers des environs.
L'Aigle Royal flirte avec la Grande Casse et le Dôme de la Sache.
On fait face à l'itinéraire de la veille avec le Vallon des Balmes, son torrent, son glacier et l'Arête des Mines tout à gauche.
Dernier lac de la traversée : le Lac du Clou. On retrouve les alpages et les fortes chaleurs.

Une fois le Lac du Clou dépassé, on descend rejoindre les différents hameaux qui sont traversés par l'itinéraire reliant les alpages à Bonconseil et Sainte-Foy Tarentaise. La vision des Glaciers du Mont Pourri dégringolant des cimes contrastera avec les températures étouffantes des fonds de vallée.

Au-dessus du Clou.
Au-dessus du Monal.

Et oui, il n'y a pas que l'Aiguille de la Grande Sassière dans les Alpes Grées françaises. Certes on ne va pas si haut et l'ascension est un peu plus ardue mais on profite d'un cadre sauvage extraordinaire et sans les foules. On évite aussi les (trop) strictes réglementations du Parc National de la Vanoise en ce qui concerne le bivouac. Bref, tranquillité et belles vues résument bien cette ascension de la Pointe d'Archeboc.

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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :