Un contexte d'urgence climatique
Suite aux rapports successifs du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC), l’avenir climatique de la France est pour l’essentiel déjà écrit avec le franchissement du seuil de +1,5°C (par rapport à l’ère préindustrielle) d’ici 2030 et +2°C d’ici 2040.
Parmi les manifestations du réchauffement climatique qui sont déjà visibles dans le présent et qui vont continuer à s’amplifier, le 6ème rapport du GIEC évoque l’élévation du niveau de la mer, les épisodes de chaleur extrême, la sécheresse, les inondations, la multiplication des incendies... Par ailleurs, l'évolution des régimes de précipitation se traduira par de graves conséquences sur les activités agricoles ou touristiques ainsi que la biodiversité et les milieux aquatiques.
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Depuis la loi Énergie et Climat parue en novembre 2019, le législateur a inscrit la notion d’urgence climatique dans la loi, faisant référence à l’impérieuse nécessité d’adapter "activement" la France au choc climatique inévitable induit par l’augmentation de la température moyenne nationale.
L’urgence climatique est identifiée comme l’une des plus grandes menaces sur l’humanité. Pour y faire face, l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050 exige une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre.
Face à ces enjeux, l’Agence a développé deux axes majeurs de travail sous forme d’études produites ou d’observations, ayant trait à la neutralité carbone et la résilience territoriale.
La neutralité carbone
Face aux conséquences du changement climatique, l’Accord de Paris, approuvé lors de la COP21 (2015) et ratifié par 189 parties à ce jour, fixe un objectif clair à l’échelle mondiale : ne pas dépasser une augmentation de la température mondiale de 1,5°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Or, tous les scénarios qui permettraient de limiter l’augmentation de la température à 1,5°C nécessitent d’atteindre la neutralité carbone en 2050-2060 (rapport spécial du GIEC, 2018). La neutralité carbone est donc une condition nécessaire pour limiter le réchauffement climatique.
La neutralité carbone est définie comme un état d’équilibre entre les gaz à effet de serre (GES) émis par les activités humaines et les gaz à effet de serre qui pourront être absorbés grâce à la séquestration du carbone.
En France, l’objectif de neutralité est inscrit dans la loi depuis le 8 novembre 2019 (Article L100-4 du Code de l’énergie). La mise en œuvre de cet objectif s’opère par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), qui constitue la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique et qui donne les grandes orientations et les moyens pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Dans le cadre de son accompagnement de la Métropole Européenne de Lille (MEL) pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone inscrite dans le Plan Climat Air Énergie Territorial, l’Agence a mené une étude spécifique visant à évaluer la séquestration naturelle du carbone et a réalisé un benchmark des outils de compensation carbone, ainsi qu’un premier repérage des espaces à vocation de compensation carbone (espaces agricoles, espaces naturels à renforcer et espaces à renaturer).
La séquestration du carbone
La séquestration (ou stockage) du carbone correspond au processus par lequel des écosystèmes (forêts, zones humides, sols…) captent et stockent le dioxyde de carbone (CO₂) présent dans l’atmosphère. Pendant la photosynthèse, les végétaux captent du CO₂ atmosphérique qu’ils stockent ensuite sous forme de carbone organique.
Aujourd’hui, à cause des activités humaines (agriculture, artificialisation des sols…), les capacités de stockage du carbone s’amoindrissent.
Dans le bilan global des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale (GES), le GIEC estime que le secteur UTCATF (utilisation des terres et changement d’affectation des terres) est un secteur responsable de 20 à 25% des émissions globales de GES par déstockage du carbone contenu dans le sol.
Sur le territoire de la MEL, le changement d’affectation des terres (le fait d’urbaniser des espaces auparavant naturels) entraîne une diminution de la capacité du territoire à séquestrer du carbone, se traduisant par un équivalent d'émission compris entre +15 et +25 kilotonnes équivalent carbone par an.
En 2015, la séquestration directe de la MEL à partir du couvert arboré correspondait à -19,4 kilotonnes équivalent carbone/hectare/an, soit la séquestration forestière nette moyenne par hectare de forêt de -0,0048 kilotonnes équivalent carbone/hectare/an appliquée aux 4050 hectares de forêt identifiés (source Occsol 2D, 2015).
Comparativement à l’année 2005, avec un couvert arboré de 4200 hectares, la séquestration directe de la MEL est en baisse, correspondant à une perte moyenne de 15 hectares de forêt par an. Cette évolution négative s’explique par un défrichage essentiellement causé par des besoins d’urbanisation (habitat, activités économiques, équipements et infrastructures) et dans une très faible proportion par la conversion de zones forestières en coupes rases, zones naturelles ou agricoles.
Si l’on souhaitait séquestrer toutes les émissions résiduelles de la MEL en 2050 soit 705 kilotonnes équivalent carbone, il faudrait un territoire de forêt de 146 875 hectares, soit près de 2,2 fois la surface actuelle de la MEL.
La compensation carbone
La compensation carbone consiste à financer des projets de réduction ou de séquestration de gaz à effet de serre en dehors ou au sein du territoire. Les projets financés doivent contribuer à réduire le même volume d’émissions de CO₂ que celui que l’on cherche à compenser.
3 types d'acteurs interviennent dans le processus de compensation carbone : les porteurs de projet, les contributeurs financiers et les dispositifs de compensation carbone.
En 2021, l’Agence a réalisé un benchmark des dispositifs de compensation dans les différentes formes sous lesquelles ils peuvent exister aujourd’hui, pour comprendre leur fonctionnement.
Les espaces de compensation dans le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changement d'Affectation des Terres, Forêts)
Le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changement d'Affectation des Terres et Foresterie) permet de rapporter les flux de CO₂ entre différents réservoirs terrestres (biomasse, sols, etc.) qui ont lieu sur les surfaces gérées d'un territoire, et l'atmosphère (définition Insee).
L'Agence a identifié trois types d’espaces principaux relevant du secteur UTCATF, permettant d'augmenter la capacité territoriale de séquestration carbone :
- les espaces agricoles, dont le potentiel de séquestration peut être renforcé ;
- les espaces imperméabilisés, dont une partie peut être renaturée ;
- les espaces perméables, dont le potentiel de séquestration peut être conservé voire renforcé.
La résilience territoriale
La résilience territoriale est définie par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD 2017) comme la capacité d’un territoire en mouvement :
- d’anticiper des perturbations, brutales ou lentes ;
- d’en atténuer les effets ;
- de se relever et de rebondir grâce à l’apprentissage, l’adaptation et l’innovation ;
- d’évoluer vers un nouvel état en “équilibre dynamique” préservant ses fonctionnalités.
En mai 2020, en période de confinement, l’Agence a consacré sa newsletter à la résilience territoriale.
En analysant la vulnérabilité territoriale du SCOT de Lille Métropole au réchauffement climatique à travers différents phénomènes (trame brune, îlots de chaleur urbains, renaturation des espaces imperméabilisés…), l’Agence contribue à la réflexion de la résilience territoriale ayant trait à l’occupation du sol.
La trame brune
La trame brune est calquée sur le modèle de la trame verte (pour le végétal), bleue (pour l’eau) et noire (points non lumineux) :
- elle se caractérise par la continuité des sols perméables ;
- les fonctions des sols sont riches et variées : biodiversité, cycle de l’eau, cycle des nutriments, absorption et stockage du CO₂, lutte contre les pollutions, état sanitaire des végétaux.
La trame brune traduit ainsi un enjeu essentiel : la connectivité pour les espèces présentes dans le sol et le lien avec la matière organique.
L’intégrité physique, chimique et biologique des sols doit être préservée.
Les îlots de chaleur urbains (ICU)
Les villes, de par leur minéralité et leur manque d’espaces verts, ont tendance à demeurer plus chaudes que la campagne. Ce phénomène, davantage connu sous l’appellation d’îlots de chaleur urbains, a tendance à s’amplifier avec le temps en raison du changement climatique.
En 2017, l’Agence a mené une étude générale afin de mettre en évidence l’effet "îlot de chaleur urbain métropolitain" qui se forme à partir d’éléments liés à la forme urbaine (tissus urbains, orientation), à l’occupation du sol (couverture végétale, revêtements) et aux activités humaines.
En 2022, l’Agence a réalisé, par modélisation de données issues des données thermographiques, un atlas des aléas et risques des ICU disponibles à l’échelle des communes.
L’ensemble des cartes ICU est disponible à l’échelle communale dans les Portraits de communes (thématique « climat »). Les Portraits de communes mettent à disposition un ensemble d’indicateurs et de cartographies couvrant un spectre large de thématiques (démographie, logements, emploi…).
Les espaces imperméabilisés à renaturer
Dans une optique d’amélioration de résilience territoriale, l’Agence a mené une réflexion prospective sur la ville bas carbone de 2050.
La ville bas carbone renvoie à une vision prospective du territoire qui, de par son organisation territoriale et son occupation du sol, contribue et facilite l’objectif de neutralité carbone.
La ville bas carbone permet également de rendre plus vivable le territoire en répondant aux exigences de renouvellement urbain (zéro artificialisation nette), de densité, de transports décarbonés (mobilité douce), de ville nourricière, multifonctionnelle (ville du quart d’heure) et perméable (respect du grand cycle de l’eau) et adaptée au changement climatique (lutte contre les îlots de chaleur urbains).
Dans cette logique, l’Agence a identifié trois types d’espaces particulièrement artificialisés et devant faire l’objet d’une requalification, soit parce qu’ils ne seront plus adaptés au climat et aux usages en 2050 (comme les cours d’écoles), soit parce qu’ils sont des espaces de renouvellement urbain (comme les friches économiques), soit parce qu’ils sont dédiés à l’usage de l’automobile (comme les parkings).
Ces espaces imperméabilisés non construits sont majoritairement constitués de parkings et infrastructures de zones commerciales (442 hectares soit 56% du total) ou de parkings et cours d’écoles des structures d’enseignement (303 hectares soit 39% du total) et se situent majoritairement dans la zone urbaine dense de la métropole.
Cette carte interactive fait apparaître les parts respectives de l’occupation du sol à la parcelle la surface construite, la surface perméable et la surface imperméable
Dans le cadre de son programme de travail 2023-2024, l’Agence poursuit ses travaux en lien avec la neutralité carbone. Le contenu de la storymap « Cap vers la neutralité carbone » est donc évolutif et l’ensemble des documents et études produites sera actualisé en fonction de la disponibilité des données.
CONTACTS
Guy CHAUTARD : gchautard@adu-lille-metropole.org - Chargé d'études principal - Pôle Observation et Prospective - Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole