Réalisée le 14-15 août 2023
La canicule sévit une nouvelle fois sur la France. De quoi nous inciter à fuir vers les hautes cimes dès le début du week end. Dans ce contexte de fortes chaleurs, la Haute Maurienne offre un terrain de jeu exceptionnel pour les randonneurs aguerris : des vallées encaissées, des 3000 facilement accessibles et quelques lacs et glaciers en guise de coins de fraicheur pendant l'ascension.
Trois massifs bordent la Haute Maurienne : au Nord on trouve la Vanoise et son parc national, à l'Est ce sont les Alpes Grées qui bouchent la vallée alors qu'au Sud, le Massif du Mont-Cenis marque la frontière entre la Savoie et le Piémont italien. C'est dans ce dernier que l'on décide de partir à l'assaut d'un des points culminants du massif : le Mont d'Ambin 3378m.
Le Massif du Mont-Cenis est encore peu connu par rapport à ces voisins que sont la Vanoise ou les Cerces. Non protégé par l'établissement d'un parc, il peut se révéler particulièrement sauvage et escarpé. Ainsi, à l'exception de la zone entourant le Col du Mont-Cenis, son barrage et sa route transfrontalière, ce massif est un havre de paix pour les randonneurs souhaitant découvrir ses secrets.
Bien que réalisable en une seule journée, on se décide à gravir le Mont d'Ambin en un week end. Encouragés par la présence, sur la frontière interétatique, de plusieurs petites cabanes italiennes en libre accès et notamment une - le Bivacco Walter Blais - qui nous servira d'abri pour la nuit. D'autant que des orages sont prévus en fin de journée.
Pour accéder au départ de la randonnée, on s'échappe de la Haute Maurienne en pénétrant dans le Vallon d'Ambin depuis la petite bourgade de Bramans. De là, on poursuit la route sinueuse jusqu'au lieu-dit du Plan de la Vie, à quelques centaines de mètres du terminus de la route. La suite consistera à remonter le Vallon d'Ambin par la force de nos jambes jusqu'à son point haut : le Col d'Ambin, situé sur la frontière franco-italienne.
Jour 1 : Traversée du Vallon d'Ambin et ascension de la Pointe Ferrand.
Quelques centaines de mètres après le Refuge d'Ambin, la pente s'accentue. On se dirige maintenant vers le second intermédiaire de la journée : le Lac d'Ambin. Bien qu'indiqué par la signalétique sur place, une fois le sentier en direction du Lac Noir déviant vers l'Ouest, les cartes topographiques n'indiquent aucun sentier de randonnée permettant l'accès au lac ou encore aux divers cols et sommets des environs. Il faut se contenter des itinéraires de ski de rando présents sur les cartes IGN ou encore des quelques topo guides que l'on peut se procurer sur certains sites internet tels que Visorando ou Altituderando. A l'inverse, les cartes italiennes se trouvent bien plus précises sur ce point.
La nébulosité gonfle de l'autre côté de la frontière et tente un incursion en France. Les sommets frontaliers font face à des vagues de plus en plus importantes au fil des heures. Ceux-ci ont tout de même l'avantage de rafraichir l'atmosphère pendant l'ascension.
Peu avant le lac, on peut s'engager directement dans l'ascension du Col de l'Agnel, point de départ du sentier suivant l'arête jusqu'au Mont d'Ambin. Dans un premier temps, nous comptions redescendre à ce niveau le lendemain pour gravir le sommet, mais d'autres sentiers partant du Col d'Ambin semblent tracés que ce soit sur les cartes italiennes ou OSM. Reste à voir si ces derniers sont praticables.
Une fois au lac, les indications pour le Col d'Ambin s'amenuisent une nouvelle fois. Il faut se contenter de quelques points jaunes sur les blocs de roche. Pour accéder au Col d'Ambin, il suffit grimper un abrupt pierrier sur 200m de haut pour ensuite filer vers le col par un sentier en balcons surplombant le cirque lacustre.
En début d'après midi, nous mettons pied sur la frontière franco-italienne et ouvrons la porte du petit Bivacco Walter Blais. Le temps d'inspecter les lieux, les vagues de nuages successives remontant du côté italien se font de moins en moins tenaces. On décide donc de se délaisser de quelques affaires et de tenter l'ascension de la Pointe Ferrand située juste en amont de l'abri.
Dès les premiers mètres de l'ascension, un temps radieux nous accompagne sur le cheminement de l'arête reliant le Col d'Ambin et la base de la Pointe Ferrand. Pourtant, côté italien, l'instabilité semble s'organiser pour la fin de la journée tant les nuages bourgeonnent de toute part.
Il y a quelques années, l'ascension de la Pointe Ferrand 3365m était réservée aux alpinistes. Le Glacier Ferrand bouchant l'accès à l'arête sommitale. Face au recul glaciaire de plus en plus important, les glaces ont laissé place à la roche sur la partie occidentale de la montagne. Les simples randonneurs que nous sommes peuvent donc se diriger à vue vers la cime de la Pointe Ferrand.
Malgré une vue bouchée par la nébulosité côté italien, on comblera l'absence du Mont Viso et de Rochemelon par les cimes du Mont-Cenis, de la Vanoise et même par moment du Queyras.
Le Bivacco Walter Blais est situé à 2930m d'altitude sur le Col d'Ambin. Son intérieur, bien que rudimentaire, offre tout le confort nécessaire à une nuit en altitude : une table et des bancs, un placard avec divers ustensiles, une trousse et une radio de secours ainsi que 7 couchages avec matelas et couvertures.
Ce soir-là nous sommes seuls. On s'installe tranquillement dans le petit abri frontalier en attendant que la nuit n'envahisse le ciel alpin. Dehors, la température ne dépasse pas les 6°C. On est loin des chaleurs caniculaires qui étouffent les vallées alpines depuis plusieurs jours maintenant.
Avant de sombrer, une chaleureuse lumière perce la petite fenêtre du Bivacco. C'est en ouvrant la porte que l'on découvre le spectacle céleste face à nous.
Après quelques instants au frais, on retourne se faufiler dans le Bivacco. On s'endort sous les bruits fracassant de l'orage se déchaînant à quelques kilomètres de nous. Demain, nous verrons si le soleil aura repris l'avantage.
Jour 2 : Ascension du Mont d'Ambin.
On se réveiller sur les coups des 5h30. On engloutit rapidement notre maigre petit déjeuner avant d'entamer la randonnée du jour en direction de notre objectif : le Mont d'Ambin.
La veille nous avions demandé à des Italiens de passage au Bivacco si le sentier longeant l'aval du Glacier Ferrand et les crêtes de l'Agnel était praticable et sans danger. Ils nous ont convaincu d'un bref mais rassurant ''it is rocky but easy''. On évite ainsi une descente de 300m de dénivelés pour retrouver l'embranchement sous le Lac d'Ambin permettant l'accès au Col de l'Agnel.
Dehors, le brouillard est encore tenace au Col d'Ambin, mais on espère tout même l'amélioration au fur et à mesure de la levée du jour.
Une fois à la base de la Pointe Ferrand, au lieu de remonter vers son arête Ouest, on suit le chaos de pierres sur front glaciaire en direction de l'arête Nord de la Pointe Niblé. Quelques cairns nous aident à zigzaguer entre les blocs de roches polis par le glacier. Fort heureusement, la visibilité est bonne.
En franchissant l'arête, légèrement au-dessus du Col Supérieur de l'Agnel. On bénéficie d'une vue exceptionnelle sur Rochemelon, le Val de Suse et le soleil perçant les nuages. On patiente quelques instants bouche bée face à ce paysage avant découvrir le fameux sentier d'arêtes qui relie le Col Supérieur de l'Agnel au Col de l'Agnel.
Les rayons du soleil frappent enfin les arêtes où nous nous trouvons. Dans un premiers temps, le cheminement est plutôt aisé, on suit grosso modo le fil de l'arête et il n'y a pas de passage abrupt ou escarpé.
Mais une fois sur la Pointe de l'Agnel, on doit franchir un raide couloir d'une centaine de mètres pour rejoindre le col éponyme et poursuivre l'ascension du Mont d'Ambin. Ce dernier est indiqué par un cairn quelque peu excentré du sommet de la Pointe de l'Agnel. Sur la première partie du couloir, il faut descendre droit dans la pente, puis, au bout d'une cinquantaine de mètres, il faut tirer vers la droite en balcons pour reprendre le fil de l'arête et chuter sur le col.
Doucement mais surement, on s'extirpe de ce pierrier. On sera récompensé par la présence de nombreux plans de génépi légèrement en amont du Col de l'Agnel. On s'autorise quelques minutes de pause ''cueillette'' avant de continuer l'ascension.
Depuis le Col de l'Agnel 3091m, il reste à peine 300m de dénivelés pour atteindre la cime du Mont d'Ambin. Pour cette dernière grimpette, on alterne entre les passages sur le fil de l'arête et des pierriers, notamment sur le versant français de la montagne. En effet, plusieurs ressauts rocheux bloquent la crête par moment.
Si certains topo guides indiquent la nécessité de descendre légèrement côté français au niveau du Col de l'Agnel pour remonter un raide pierrier et ainsi rejoindre l'arête, il existe un sentier cairné partant directement du col.
A 10h, nous atteignons la cime du Mont d'Ambin 3378m. Sous un temps radieux, on découvre le panorama à 360° qui s'étale sous nos yeux, entre France et Italie. On complétera par la même occasion notre réserve de génépi car malgré l'altitude, quelques brins téméraires ont trouvé refuge sur le mont.
Pour ce qui est de la descente, on reprendra à l'identique le sentier reliant le sommet et le Col de l'Agnel. Ensuite, on quittera véritablement la France en basculant côté italien en direction du Col de Savine. Ainsi, sur quelques kilomètres, on arpentera le versant italien du Massif du Mont Cenis avant de rejoindre à nouveau la France via le Vallon de Savine. Ce qui nous permettra d'effectuer un tour complet du Mont d'Ambin.
En basculant côté italien, on doit rejoindre le Rifugio Vaccarone par l'ancienne moraine du Ghiacciaio dell'Agnello. Par la même occasion, la nébulosité italienne reprend de la vigueur en cette mi-journée.
Juste avant de franchir la frontière et de retourner en France au niveau du Col de Savine, on croise un autre abri italien : le Bivacco Hannibal. Beaucoup plus confortable que son confrère du Col d'Ambin, il a été inauguré en 2014 et est composé de 8 couchages, de tables, de chaises, de prises USB (via énergie solaire) et d'une grande baie vitrée donnant sur le côté français. Cependant, son architecture originale et son accès facile de part et d'autre de la frontière ont parfait sa notoriété. Il est donc indispensable de prévoir un plan B si l'on tente de s'y rendre et d'y passer la nuit. Heureusement, les coins bivouac sont assez nombreux dans les environs.
L'appellation ''Hannibal'' de ce Bivacco n'est pas un hasard. En effet, le Col de Savine fait partie des diverses hypothèses de lieux, tout comme le Col du Mont Cenis un peu plus à l'Ouest, qui auraient permis au Général carthaginois Hannibal de traversée des Alpes en octobre 218 avant JC lors de la deuxième guerre punique : guerre confrontant Rome et Carthage. Cependant, l'absence de preuves archéologiques attestant du lieu de traversée ne permet pas d'établir avec certitude si Hannibal a bel et bien traversé les Alpes via le Col du Mont Cenis ou celui de Savine. Seuls quelques écrits expliquent cette traversée, notamment ses dangers avec le climat et le terrain escarpé. Rappelons tout de même qu'en plus des hommes, son armée est composée d'une importante cavalerie et de quelques dizaines éléphants de guerre. Selon les écrits, la traversée des Alpes coûtera la vie à des milliers de combattants et à la quasi totalité des éléphants de guerre d'Hannibal. Quoiqu'il en est, ce trajet est une véritable prouesse tactique pour le Général carthaginois puisqu'il accède directement à la plaine du Pô et donc à l'Italie.
Il ne nous reste plus qu'à dévaler le Vallon de Savine. Mais bien que les Glaciers de la Vanoise comblent le paysage et que les nuages gonflent de nouveau au-dessus du Massif du Mont Cenis, la chaleur devient de plus en plus écrasante au fur et à mesure de la descente. Les 6 petits degrés de la veille au Bivacco Walter Blais nous manquent déjà. C'est dégoulinant de sueur qui nous terminerons ces deux jours autour du Mont d'Ambin.
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ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :