Le droit à la protection fonctionnelle, reconnu comme principe général du droit par le Conseil d’État dès 1963, est réaffirmé par la loi de 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et confirmé dans le Code général de la Fonction publique - CGFP.
Du fait, entre autres, de politiques publiques et gouvernementales subies conduisant à une précarité grandissante des usagères ou usagers du service public, de la précarité du service public lui-même par le manque criant de moyens humains et matériels qui lui sont alloués, de la banalisation du RN et de la parole discriminante ou violente qui l’accompagne mais aussi de la remise en cause du principe d’égalité devant le service public, il est constaté une augmentation significative de situations rencontrées par les agent·es les conduisant à demander le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Il convient ainsi de rappeler les conditions et situations dans lesquelles l’administration ou la collectivité publique se doit d’apporter sa protection aux agent·es ou à leurs proches (partie I), en quoi consiste cette protection comme ce qu’elle recouvre et comment l’obtenir selon que l’agent·e est victime ou mis en cause (partie II à paraître dans le journal de novembre).
L’agent·e pouvant bénéficier du droit à la protection fonctionnelle
L’article L. 134-1 du CGFP prévoit que tout·e agent·e public·que ou, le cas échéant, l’ancien·ne agent·e, a droit à la protection fonctionnelle de la collectivité publique qui l’emploie lorsque celui ou celle-ci est victime dans l’exercice ou en raison de ses fonctions ou lorsque sa responsabilité civile ou pénale est engagée en lien avec l’exercice de ses fonctions (ou de sa qualité d’agent·e public·que).
Dans la mesure où, dans un cas comme dans l’autre, ce sont bien en raison des fonctions ou de la qualité d’agent·e public·que qu’est due cette protection, elle est dénommée protection fonctionnelle (ou pour certain·es, protection statutaire). Cela recouvre donc toutes les fois où les faits surviennent lorsque l’agent exécute ses missions mais aussi lorsque c’est en raison de sa qualité d’agent·e public·que ou des fonctions qu’il/elle exerce qu’il ou elle a à subir des atteintes. Ainsi, des faits peuvent survenir en dehors du lieu de travail et concerner des dégradations matérielles.
Dans certains cas, les proches de l’agent·e peuvent également bénéficier de la protection accordée par l’employeur. L’article L. 134-7 du CGFP prévoit que la protection fonctionnelle peut être accordée, sur leur demande, aux ayants droit « dans l’hypothèse où ils sont eux-mêmes victimes d’une atteinte à leur intégrité physique » et au conjoint.
L’appellation « agent·e public·que » bénéficiaire de la protection fonctionnelle recouvrira dans l’ensemble de la fiche la qualité d’agent·e public·que, d’ancien.ne agent·e (retraité ou ayant quitté la Fonction publique), peu importe le statut et la position administrative (en détachement ou en disponibilité etc.) :
Fonctionnaire titulaire, élève ou stagiaire, magistrat, militaire ;
Contractuel de droit public, agent vacataire, ouvrier d’État, agent non titulaire recruté à l’étranger par un contrat de droit local ;
Collaborateurs occasionnels du service public, salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d’une personne morale de droit public ;
Les apprentis, bien que ne relevant pas du régime de la protection fonctionnelle, peuvent bénéficier d’une protection équivalente prévue par le Code du travail.
Lorsque l’agent·e est victime dans l’exercice de ses fonctions ou en raison de sa qualité d’agent·e public·que
L’article L 134-5 du CGFP prévoit que la protection fonctionnelle est due aux agent·es qui sont victimes d’atteinte à leur intégrité physique, de violences, de harcèlement, de menaces, d’injures, de diffamation ou d’outrages.
La distinction entre atteinte à l’intégrité physique et violences s’explique d’une part par l’inclusion des violences verbales ou morales et d’autre part du fait que les violences peuvent aussi être commises contre les biens de l’agent·e ou à l’encontre de ses proches. Cela n’est pas sans conséquence, comme cela sera indiqué après, sur ce que la protection fonctionnelle recouvrera alors.
Si la liste paraît restrictive, elle n’est pas pour autant limitative. Ainsi tout fait subi par un agent·e en raison de sa qualité d’agent·e public·que ou en raison des fonctions qu’il occupe peut donner lieu à l’octroi de la protection fonctionnelle.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’indique parfois l’administration, le dépôt d’une plainte n’est pas obligatoire pour solliciter et obtenir la protection fonctionnelle. Seule le compte rendu des faits subis par l’agent·e suffit.
Lorsque l’agent·e est exposé à un risque manifeste d’atteinte grave à son intégrité physique dans l’exercice de ses fonctions ou en raison de sa qualité d’agent·e public·que
Si l’agent·e ou l’administration qui l’emploie a connaissance d’un risque dit manifeste, c’est-à-dire réel ou sérieux, d’atteinte grave à l’intégrité physique d’un·e agent·e, elle se doit d’apporter sa protection immédiate à celui ou celle-ci.
Cette protection s’accompagne de toute mesure prise par l’Administration visant à empêcher cette atteinte et ce, sans même recueillir l’avis de l’agent·e sur les suites à donner.
Il peut s’agir d’un entretien avec l’agent·e concerné·e, d’une orientation vers un suivi psychologique ou médical, de l’information aux forces de police ou gendarmerie et du procureur (article 40 du Code de Procédure Pénale) mais aussi de la saisine de la plateforme PHAROS (dépendant du Ministère de l’Intérieur) ou d’un hébergeur internet si des menaces ou contenus illicites sont mis en ligne sur internet. Ce dernier cas (menaces ou appel à la haine ou à attenter à l’intégrité d’une personne sur internet ou sur les réseaux sociaux) est hélas de plus en plus courant, plus encore avec la montée de l’extrême droite et d’une parole raciste ou discriminante décomplexée. Il convient dès connaissance de tels faits, d’en aviser l’employeur afin de déclencher ces mesures de protection.
L’employeur met en jeu sa responsabilité s’il ne prend pas toute mesure utile à la protection de l’agent·e visé·e.
Les situations où la protection fonctionnelle est accordée aux proches de l’agent·e
Si l’agent·e ou ancien.ne agent·e a droit à la protection de son administration en raison de ses fonctions ou de sa qualité d’agent·e public·que, il peut en être de même de ses proches dans deux situations.
Lorsque le conjoint, le concubin ou le/la partenaire de PACS de l’agent·e engage une action, que ce soit au civil (réparation financière) ou au pénal contre le ou les auteurs d’une atteinte volontaire à la vie de l’agent·e pubic·que si celui-ci bénéficie ou aurait pu lui-même bénéficier de la protection fonctionnelle (ainsi il convient que ce soit une atteinte volontaire à la vie de l’agent·e en lien avec ses fonctions ou à raison de celles-ci ou de sa qualité). Si le ou la conjoint·e, concubin·e ou partenaire de PACS ne met pas en œuvre l’action civile ou pénale, les enfants de celui ou celle-ci, ou à défaut, ses ascendants peuvent alors bénéficier de la protection fonctionnelle.
Lorsque le ou la conjoint·e, concubin·e ou partenaire de PACS, ses enfants, ses ascendants sont iels-mêmes victimes d’atteintes à leur intégrité physique du fait des fonctions ou de la qualité d’agent·e public·que de celui-ci, iels peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle dans le cadre de leur action civile ou pénale.
Les situations où la protection est due à l’agent·e dont la responsabilité est mise en cause à l’occasion de l’exercice de ses fonctions
Si l’administration doit protection à ses agent ·es lorsqu’ils ou elles sont victimes, elle se doit de leur apporter une protection lorsque leur responsabilité est engagée, que ce soit au niveau civil ou pénal. Elle ne peut s’en exonérer qu’en cas de faute personnelle détachable du service.
Différence entre faute de service et faute personnelle détachable ou non du service
Si la responsabilité de l’agent·e est engagée en raison d’une faute de service, l’administration est tenue de lui apporter sa protection fonctionnelle. Si en revanche, la faute de l’agent·e est considérée comme personnelle et détachable du service, alors l’agent verra sa responsabilité personnelle engagée et ne bénéficiera pas de la protection fonctionnelle.
Afin de différencier la faute de service de la faute personnelle détachable ou non du service, il convient de se rapporter à la jurisprudence en la matière.
Est ainsi considérée comme :
• Une faute de service, la faute de l’agent·e commise pendant son service, avec les moyens du service et qui présente un caractère impersonnel (non pour son compte).
• Une faute personnelle non détachable du service, la faute commise en dehors du service mais usant notamment des moyens du service. Lorsqu’elle revêt les caractéristiques décrites ci-dessous, cette faute devient détachable du service
En revanche est considérée comme faute personnelle détachable du service la faute commise par l’agent·e :
• En dehors de son service et dépourvue de tout lien avec le service ;
• Commise pendant le service mais qui :
— Relève de préoccupations d’ordre privé, comme une volonté d’enrichissement personnel, une animosité particulière à l’encontre d’un usager ou d’une usagère ou enfin la poursuite d’un intérêt personnel ;
— Résulte d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent aux agent·es public·ques (exemple : violences physiques ou verbales ou conduite en état d’ébriété) ;
— Revêt une particulière gravité du fait de la nature de la faute et des conditions dans lesquelles elle a été commise. (Exemple : crime commis sur le lieu de travail ou avec les moyens du service) ;
— Caractérise un manquement de l’agent·e au regard des obligations déontologiques de sa profession (violation du secret professionnel par exemple).
L’engagement de la responsabilité civile ou pénale de l’agent·e
Si dans l’imaginaire, la protection était accordée à l’agent·e uniquement lorsque sa responsabilité pénale était mise en cause du fait d’une faute dans l’exercice de ses fonctions, il n’en est rien. Ainsi l’administration apporte sa protection à l’agent·e lorsque sa responsabilité est engagée sur le seul plan civil et sans faute. Par exemple pour ce qui concerne l’éducation nationale, si un élève venait à se blesser avec du matériel mis à disposition durant un cours d’arts plastiques ou de sciences. Cette protection consistera alors à ce que l’administration prenne également en charge les éventuelles condamnations civiles.
Les cas les plus usuels restent néanmoins la mise en cause de la responsabilité pénale de l’agent·e qui aurait commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire une faute de service (voir ci-avant). La protection de l’employeur sera alors apportée à l’agent·e en cas de plainte contre lui ou elle mais elle pourra aussi lui être apportée dès son audition libre même sans qu’une faute de service soit établie.
Jusqu’au 4 juillet 2024, la protection était apportée à partir du placement en garde à vue de l’agent·e ou lorsque celui ou celle-ci avait le statut de témoin assisté. Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la constitution et a donc étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle dès sa mise en cause ou sa convocation pour être entendu y compris en audition libre. ◆
– TEXTES DE RÉFÉRENCE —
>> Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
>> Code général de la Fonction publique : articles L 134-1 à L 134-12
>> Circulaire B8 n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’Etat
>> Circulaire MEFI-020-09086 du 2 novembre 2020 visant à renforcer la protection des agents publics face aux attaques dont ils font l’objet dans le cadre de leurs fonctions
>> Décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par l’agent public ou ses ayants droit
>> Guide de la DGAFP de mars 2024