Sur les traces de nos contrôleurs à l'aéroport de zaventem

Le chaton Ely nous fixe avec de grands yeux emplis de tristesse. Ely est un Scottish Fold, une race de chats bien caractéristique avec leurs oreilles repliées vers l’avant. En Flandre et en Région deBruxelles-Capitale, il est interdit d’élever et de commercialiser cette race de chats. Certes, ils sont très craquants avec les petites oreilles aplaties, mais ils présentent des problèmes de développement ducartilage et souffrent donc souvent des articulations, une douleur comparable à de l’arthrite.

Si nos contrôleurs tombent sur un tel chat, ils font preuve d’une vigilance accrue. Il s’avère en outre qu’Ely n’a pas été vacciné correctement contre la rage. « Nous nous montrons stricts sur ce point », nous explique Stefan, vétérinaire. « Si notre pays devait perdre son statut indemne de la rage, cela aurait des conséquences majeures pour la santé de nos animaux et même notre propre santé, car nous pouvons nous aussi être infectés par cette maladie mortelle. Nos chevaux ne pourraient plus participer à des concours internationaux, nos porcs ne pourraient plus être exportés,... Des conséquences potentielles énormes pour la santé et l’économie. »

Stefan est l’un des quelque 600 vétérinaires indépendants qui travaillent avec l’Agence alimentaire. Trois jours par semaine, il se rend à Zaventem pour contrôler les animaux vivants, les produits animaux et les denrées alimentaires d’origine animale qui entrent par avion sur notre territoire. « C’est mon travail de veiller à ce que toutes les importations respectent bien la réglementation. C’est la seule manière de nous assurer qu’aucune nouvelle maladie ne soit introduite dans notre pays et que les denrées alimentaires importées répondent aux exigences de qualité, de manière à éviter que des personnes ne tombent malades. » Un job qui réclame une bonne dose de créativité. «Nous essayons toujours de trouver une solution qui soit bonne pour l’animal lui-même.» Sa collègue Laura passe quelques coups de fil pour trouver une solution pour le chaton Ely.

« Les animaux vivants sont bien souvent victimes de l’ignorance de leurs propriétaires, qui tentent de les introduire en Europe sans respecter les modalités prévues et qui contribuent ainsi, souvent involontairement, à ce que des maladies potentielles s’infiltrent dans le pays. »

Mais de la créativité, il y en a aussi chez les personnes malhonnêtes qui essaient d’introduire clandestinement des animaux interdits. Pensez par exemple aux animaux protégés par la convention CITES. Il s’agit d’animaux dont la survie est menacée et qu’il est par conséquent interdit de commercialiser, par exemple les faucons pèlerins, les hippocampes, certaines espèces de perroquets… « Il y a quelque temps, nous sommes tombés sur une caisse renfermant des serpents venimeux importés légalement en Europe mais, sous undouble-fond, nous avons découvert des reptiles protégés par la législation CITES. Les serpents venimeux avaient pour but de nous effrayer pour que nous libérions l’envoi au plus vite. Je mesure toujours l’intérieur des caisses pour vérifier la présence éventuelled’un double-fond. »

Ce n’est pas un job avec des horaires classiques. Les vétérinaires adaptent leurs horaires de travail en fonction des vols entrants. Ils travaillent parfois le soir ou le week-end. Ce n’est pas non plus un job pour les âmes sensibles. « Récemment, nous avons suivi une formation sur la manière de s’y prendre avec les animaux sauvages. J’y ai notamment appris qu’il est toujours préférable d’être à deux personnes pour contrôler les serpents venimeux, de manière à pouvoir donner l’alerte si l’un de nous était mordu. »

Pramit, contrôleur à l’AFSCA, passe au crible les fruits, légumes, plantes et produits d’origine végétale qui entrent dans notre pays par avion. « Il y a certaines catégories que nous contrôlons systématiquement car elles présentent un risque bien réel d’introduction d’organismes nuisibles. Nous contrôlons ainsi toujours les aubergines, mangues et plantes ornementales importées en Belgique depuis des pays extérieurs à l’Union européenne. »

Il est important de faire cette distinction. Au sein de l'Union européenne s’applique une libre circulation des marchandises. Les animaux, plantes, fruits et légumes,... sont toujours contrôlés au niveau de leur premier point d’entrée dans l’UE (first point of entry), ce afin de préserver la zone européenne de certaines maladies. Une fois ce contrôle passé, ils peuvent circuler librement au sein de l’UE. Cela signifie également que ces contrôles sont étroitement planifiés et surveillés par l’Europe. L' Agence alimentaire établit des plans de contrôle en tenant compte des obligations de notre pays vis-à-vis de l’Europe dans le cadre du système Traces et des objectifs que notre pays s’est lui-même fixé. Ce sont des objectifs dynamiques qui laissent la possibilité aux États membres de réagir rapidement si un problème inattendu devait tout à coup survenir quelque part.

Pramit quitte son bureau et se rend à l’entrepôt où sont stockées les marchandises. Une importante cargaison de feuilles de Bissap (hibiscus) en provenance du Togo est arrivée aujourd’hui et Pramit tient à vérifier qu’elle n’abrite pas d’organismes indésirables. Dans son bureau, il a d’abord vérifié si les documents et certificats nécessaires étaient en règle. Une fois dans le centre de contrôle, il vérifie que les informations déclarées sur les documents concordent bien avec les marchandises réellement importées. Il ouvre ensuite l’une des boîtes en jonc et examine scrupuleusement les feuilles deBissap avec sa loupe.

Pramit suspecte que les feuilles soient infectées par la Bemisia, une espèce de mouche blanche susceptible de transmettre toute une série de phytovirus et de causer ainsi des dommages considérables aux récoltes. C’est l’une des espèces les plus invasives au monde, qui a développé une résistance à l’encontre de toutes les classes importantes de pesticides. Il place un échantillon dans un petit tube en plastique qu’il enverra au labo pour faire confirmer sa suspicion. En attendant, il scelle le conteneur contrôlé avec du ruban adhésif rouge pour indiquer qu’il doit rester immobilisé (« No Go »). Si le labo confirme les suspicions de Pramit, l’importateur aura alors le choix entre détruire sa cargaison de feuilles, la réexpédier au Togo ou lui faire subir un traitement qui éliminera tout risque.

« Nous faisons parfois de sacrées découvertes ! Un jour, en ouvrant un paquet, j’ai aperçu des petites pattes noires qui tentaient de s’extirper de la boîte. La boîte renfermait en fait 500 tarentules, simplement emballées et expédiées comme de vulgaires marchandises. » C’est ce que nous raconte Ellis, responsable du contrôle des envois de l’e-commerce. « Dans un tel cas, nous dressons un procès-verbal et le transmettons au parquet, qui pourra décider d’une sanction. »

Ellis effectue des contrôles des colis postaux auprès des firmes de transport présentes à l’aéroport et, deux fois par mois, elle contrôle avec ses collègues les bagages des passagers. « Nous travaillons en étroite collaboration avec les douanes et les transporteurs », explique Ellis. « De cette manière, nous apprenons à connaître le travail de l’autre et nous nous aidons mutuellement pour progresser dans notre travail. Nous nous réunissons régulièrement et signalons quels envois doivent être particulièrement tenus à l’oeil et lesquels devraient nous être présentés pour contrôle. »

Chez le transporteur, les envois sont prêts pour le contrôle. Ellis ouvre soigneusement les emballages et vérifie qu’ils ne contiennent pas de marchandises dont l’importation en Europe est interdite. Mais les choses ne sont pas toujours évidentes. En particulier avec les compléments alimentaires ou les marchandises dépourvues d’étiquetage. « Les envois contiennent parfois des produits que nous ne pouvons pas identifier. Nous ne prenons aucun risque. Si nécessaire, nous envoyons un échantillon au laboratoire pour connaître la composition exacte du produit. Nous ne prenons pas de raccourcis lorsque la sécurité des personnes est concernée. » En attendant de connaître les résultats, l’envoi est immobilisé avec un gros ruban adhésif rouge.

Ellis est en contact permanent avec ses collègues du bureau central. Via Whatsapp, elle leur envoie des photos des produits immobilisés pour qu’ils puissent être immédiatement enregistrés dans le système. Cela permet de réduire au maximum le retard éventuellement occasionné. Paquet après paquet, c’est la même routine : ouvrir le colis, contrôler, valider, libérer ou bloquer.

« Rien de spécial à signaler aujourd’hui », s’exclame Ellis. « Je suis un jour tombée sur des galettes de bouse de vache (Holy Cow Dung) enouvrant un paquet... Vous pensez bien qu’introduire des excréments dans notre pays, c’est interdit ! ».