Enquêtes et réflexions sous le soleil de Mombasa Dépêche du terrain

Tous les stagiaires affirment que le travail de terrain est le point fort de leur stage.

Ils publient des photos de grands sourires et de paysages à couper le souffle dans leurs comptes Instagram. Ils partagent des histoires déchirantes sur l’état des routes ou les contrôles de visas, et rentrent chez eux plus avertis, plus réfléchis et plus fatigués. J’étais prête à aller sur le terrain. Je voulais faire partie des stagiaires qui quittent leur bureau confortable de Nairobi. Je voulais rentrer au Canada plus avertie, plus réfléchie et fatiguée.

En un mot, mon expérience de terrain fut passionnante. Contrairement à mes collègues stagiaires en Afrique de l’Est qui ont pris l’habitude de vivre dans des conditions un peu humides, je vis à Nairobi, une ville de brises et de soleil où il faut porter une veste le soir. Quand je suis descendue de l’avion à Mombasa, la ville brûlante swahilie sur l’océan Indien, c’était la nuit et il faisait presque 30°C. J’ai enlevé ma veste.

Lever de soleil depuis mon Airbnb à Nyali, un quartier tranquille de Mombasa.

Je travaille sur un projet appelé WHEELER, qui signifie « Les femmes dans le domaine de la santé et leur statut économique, d’équité et de subsistance relativement à la préparation et à l’intervention en cas d’urgence ». WHEELER se concentre sur les expériences des travailleuses de la santé pendant la pandémie de COVID-19. Nous examinons la façon dont la pandémie a affecté le travail, les moyens de subsistance et la dynamique de genre dans deux comtés le long de la côte du Kenya, Kilifi et Mombasa. À l’échelle mondiale, près de 70 % des travailleurs de la santé sont des femmes, qui sont concentrées en première ligne, ont un statut inférieur et occupent des postes moins bien rémunérés que les hommes. Avec WHEELER, nous explorons les défis spécifiques de ces femmes.

En outre, le système kenyan s’appuie sur le travail de promoteurs et promotrices de la santé communautaire (PSC), des bénévoles qui fournissent des services de prévention et de promotion de la santé de première ligne à des centaines de ménages, reliant les communautés aux établissements de santé primaires. Ce n’est qu’en octobre dernier que le président Ruto a annoncé que le gouvernement allait verser des allocations et une assurance maladie à plus de 100 000 PSC partout au Kenya. Reconnaissant la diversité des expériences des travailleurs de la santé, notre recherche se concentre également sur l’exploration des différences entre les travailleuses de la santé rémunérées et non rémunérées et les travailleuses de la santé rurales et urbaines.

Il pleuvait à Mombasa, et j’étais prête à me joindre à notre solide équipe d’assistants de recherche pour passer en revue les deux dernières semaines de notre collecte de données. Nos enquêtes à Kilifi étaient terminées, et il en restait quelques centaines à faire. Je connaissais très bien les 112 questions (oui, 112!), ayant terminé une analyse préliminaire des 800 premières réponses, et j’étais prête.

Le premier jour, nous avons visité un bureau de sous-comté à côté d’une petite école. Nous nous sommes tous les cinq introduits dans le bureau, avons expliqué les documents de consentement et avons distribué les tablettes. Il n’y avait pas assez de place pour attendre à l’intérieur, alors nous avons trouvé des chaises en plastique à l’extérieur, et avons regardé les enfants jouer jusqu’à ce que le premier groupe de participants ait terminé. Ensuite, nous avons passé les tablettes au groupe suivant et ainsi de suite jusqu’à ce que nous ayons atteint notre objectif pour la journée. À un moment donné, ils nous ont donné du gâteau. C’était une journée calme.

Le lendemain, nous avons esquivé matatus et tuktuks à travers la vieille ville de Mombasa pour arriver à un centre de santé de niveau trois (le système de santé kenyan compte six niveaux qui catégorisent la complexité des services de santé). Nous avons fait le tour de ce lieu animé, à la recherche de personnes disponibles pour des entrevues. J’ai fini à la pharmacie. La pharmacienne et moi avons développé une méthode : elle se concentrait sur les questions, et je l’avisais si quelqu’un se présentait. À mi-chemin, une PSC lui a jeté un coup d’œil dans le bureau et m’a demandé si je voulais un dessin de mehndi. La conversation s’est poursuivie pendant qu’elle peignait des spirales sur mon poignet. Après avoir terminé mes enquêtes pour la journée, l’équipe de collecte de données et moi avons mangé du viazi dans la voiture, à l’abri du soleil.

La semaine suivante, nous sommes arrivés trempés à un hôtel pour assister à une réunion d’agents de vulgarisation sanitaire. Ils étaient habituellement dispersés dans tous les comtés, et c’était l’une de nos seules occasions de les rencontrer. J’ai pu trouver une participante tôt le matin, mais le processus semblait l’agacer. Mal à l’aise, j’ai accéléré et nous avons terminé rapidement. Elle n’a pas souri quand elle est partie. Ce jour-là, nous n’avons pas atteint notre objectif.

L’hôtel sous la pluie.

Au cours des deux semaines, je me suis habituée aux rythmes irréguliers des journées. Il était plus rapide de poser les questions directement, et je me suis entraînée à poser chaque question de différentes façons. J’ai appris à être compréhensive lorsque l’enquête traînait un peu trop longtemps. Je sais, je sais, mais nous avons fait plus de la moitié déjà! J’ai appris qu’il y avait beaucoup plus de façons de comprendre une question que je ne l’avais imaginé, et on m’a rappelé que les questions à choix multiples ne pouvaient pas représenter la totalité de l’expérience humaine. J’ai commencé à examiner les questions du sondage non pas du point de vue de la chercheuse, mais du point de vue des répondantes. J’ai appris à communiquer l’importance du travail. Je sais que vous êtes occupée, je sais que le sondage est long, je sais que les choses sont différentes maintenant, mais nous essayons d’améliorer les choses.

Mais malgré les nombreuses limites de l’enquête, les questions ont suscité des discussions. Les travailleuses de la santé ont partagé leurs expériences de la pandémie. Certaines rentraient à la maison et prenaient immédiatement une douche, mais les membres de leur famille les évitaient quand même. Elles ont perdu revenu et soutien. Il leur était difficile d’équilibrer travail et responsabilités à la maison. C’était un travail lourd, incertain et épuisant. J’ai été impressionnée par la facilité et la confiance que l’équipe avait développées au cours des quatre mois, et j’ai fait de mon mieux pour suivre le rythme.

Quand je suis rentrée chez moi, je ne me sentais pas vraiment plus avertie, mais je me sentais plus réfléchie et fatiguée. Mes pensées et mes expériences n’ont pas été faciles ou claires, et j’étais simplement heureuse d’être chez moi.

Notre atelier de réflexion à Mombasa.

J’ai beaucoup réfléchi à mes deux semaines quand je suis retournée à Mombasa le mois dernier pour participer à notre atelier de réflexion. Le travail acharné de l’équipe de collecte de données avait abouti à une feuille de calcul de 2 500 réponses de fournisseurs de soins de santé, et notre analyste avait effectué une analyse de base. Fondés sur l’approche véritablement participative de WHEELER, ces ateliers ont rassemblé des représentants du gouvernement du comté, des prestataires de soins de santé et des PSC pour passer au crible les données. Ensemble, nous avons plongé dans les données pour voir ce qui en émergeait, et, surtout, pourquoi. Nos discussions ont également permis d’approfondir le contexte et de soulever de nouvelles questions intéressantes qui seront explorées au cours des entrevues et des discussions de groupe.

En regardant toutes ces données, je me demandais où dans ces tableaux se situaient les cinquante personnes que j’avais interrogées. Je pensais à toutes les conversations qui manquaient dans les données. Et je réfléchissais à la façon dont ces enquêtes contribueraient à l’objectif final du travail. Tous ces récits d’expériences de la pandémie nous donnaient des idées par rapport à ce qui pourrait être amélioré. Et pour cela, je suis reconnaissante.

Lauren Chang est actuellement stagiaire en genre au Centre d’excellence sur la santé des femmes et des enfants en Afrique de l’Est, à l’Université Aga Khan.

La Programme de stages pour jeunes en développement international est l’une des nombreuses possibilités offertes par la Fondation Aga Khan Canada pour permettre aux Canadiens et Canadiennes d’exercer et d’exprimer leur citoyenneté mondiale.