C’est lorsque la ville s’endort que débute le travail des agents du Centre d’Études des Tunnels (CETU) : examiner les tunnels pour s'assurer que leur structure, autant que leurs équipements, soient en bon état d'usage et de fonctionnement. Nous les avons suivis pour une mission d’inspection du tunnel de Saint-Cloud, géré par la direction des routes d'Île-de-France (DiRIF) qui assure au quotidien sa supervision et sa maintenance. Une plongée fascinante au cœur d’un métier aussi atypique que technique, au service de la sécurité des usagers de la route.
Le CETU est un service technique central du ministère chargé des Transports. Son rôle : apporter une expertise technique neutre et indépendante et accompagner l’ensemble des acteurs du souterrain, en France et au-delà.
Construit entre 1930 et 1945, en même temps que la première autoroute de France, le tunnel de Saint-Cloud est fréquenté par 130 000 véhicules chaque jour. Ce soir, l’objectif est double : vérifier l’intégrité de la structure et le bon fonctionnement des équipements.
Responsable de la partie « génie civil » de l’inspection, François s’intéresse à la vie du tunnel dans sa globalité. Sur la robustesse de l’ouvrage, il se veut d’emblée rassurant.
« Les tunnels sont des prouesses architecturales : ils défient le temps grâce à leur conception, à la qualité de leurs matériaux mais aussi grâce aux actions régulières d'entretien et de maintenance. »
En dehors des inspections, François et son équipe accompagnent aussi les maîtres d'ouvrage et exploitants dans le choix de méthodes et matériaux de réparation afin d'optimiser la durabilité des tunnels.
À quelques kilomètres de là, au poste de contrôle, un opérateur de la direction des routes d'Île-de-France (DiRIF) supervise la sécurité du trafic 24 heures sur 24 sur les routes de l’ouest parisien.
Cette nuit, c’est Auréline qui garde un œil attentif sur les écrans, prête à détecter tout incident sur le réseau qui l’amènerait à envoyer sur place une équipe d’intervention, en parallèle de l’arrivée des secours.
Ce soir, dans le cadre de l'inspection du tunnel, elle partage exceptionnellement son bureau avec Thomas du CETU. Ce dernier reste en contact permanent avec ses collègues sur le terrain, pour vérifier le bon fonctionnement des systèmes de détection d'incident et des équipements dans le tunnel.
« Les fermetures de tunnels peuvent agacer, mais elles sont essentielles pour garantir votre sécurité. »
Armé de son luminancemètre, Benjamin, quant à lui, évalue avec précision les niveaux d’éclairage : un réglage indispensable pour la bonne visibilité des conducteurs et pour éviter l’effet « trou noir » à l’entrée des tunnels.
« J’apprécie le calme de la nuit. Intervenir sur ces infrastructures habituellement très empruntées, c’est particulier. »
L’éclairage étant le premier poste de dépense des tunnels, Benjamin propose aussi des optimisations pour allier sécurité et efficacité énergétique.
De son côté, Mathias s'intéresse à la qualité de l'air à l'intérieur et à l'extérieur du tunnel. Il est attentif aux moyens mis en œuvre pour contrôler la pollution, tout en maintenant à un niveau raisonnable les coûts de consommation électrique de la ventilation sanitaire.
Dans la galerie parallèle au tunnel, les capteurs de pollution analysent la présence de particules au niveau de l'espace circulé. Les inspecteurs injectent du monoxyde de carbone et du dioxyde d’azote pour vérifier la performance des capteurs.
« Lorsqu’on traverse un tunnel, on ne soupçonne pas l’envers du décor. Il y a derrière chaque tunnel des couloirs et des recoins, dans lesquels se cachent des équipements essentiels à leur bon fonctionnement. »
À l’aide d’un anémomètre, les inspecteurs vérifient à présent le fonctionnement des ventilateurs et la bonne circulation de l’air dans le tunnel. En cas d’incendie ou d'explosion, le système de ventilation a aussi pour rôle de mettre les usagers à l’abri des fumées.
En injectant de la fumée semblable à celle qui peut envahir l’ouvrage lors d'un incident, les inspecteurs s'assurent que les fumées soient bien détectées, s’évacuent au mieux et ne viennent pas s’engouffrer dans les issues de secours.
Qu'il s'agisse de l'éclairage, de la ventilation ou de la qualité de l'air, les agents du CETU ont développé une forte activité de recherche et une expertise reconnue. Les documents de doctrine produits font ainsi référence dans le monde de l'exploitation des tunnels.
En cas de panne survenant au milieu d'un tunnel, les postes d’appel d’urgence, tous les 200 mètres, doivent rester accessibles et fiables.
Après 30 années à travailler dans l’ingénierie et la crise routière, Christophe D. a souhaité rejoindre le Centre d'Études des Tunnels pour pouvoir contribuer à un travail visible et concret.
« Depuis que je travaille ici, je ne traverse plus les tunnels comment avant. J’étais loin de me douter de leur complexité ! »
En cas d’incident majeur, l'ordre d’évacuer le tunnel est donné depuis le poste d’Auréline. Les chevrons s’allument alors, indiquant l’emplacement des issues de secours, accompagnés d’une sirène sonore.
À près de 8 mètres de hauteur, Christophe C. examine les éléments suspendus du tunnel.
« Le défi technique et la diversité des ouvrages que nous inspectons rendent ce métier passionnant. »
Jérémy apprécie la polyvalence de ses missions et la diversité des ouvrages qu'il inspecte. Ce soir, il assure la conduite et la manipulation du camion-nacelle du CETU, rôle indispensable pour les différentes missions d’inspection.
« J'aime le terrain, la technicité et la variété de mon travail. Le CETU inspecte une centaine de tunnels en France. On ne dirait pas, mais ils sont tous différents ! »
À la fois centre de ressources, d’expertise et de recherche, le Centre d'Études des Tunnels accompagne tous les professionnels des tunnels et de l’espace souterrain : maîtres d’ouvrage, exploitants, ingénieries, entreprises et universités.
Pluridisciplinaires, les agents du CETU interviennent à toutes les phases des projets, depuis la conception jusqu’à la réalisation, l’exploitation et la gestion du patrimoine. Outre son activité technique et de conseil, le CETU anime les échanges au sein de la communauté professionnelle et joue un rôle majeur, en France et à l’étranger, dans l’élaboration de la doctrine et des règles de l’art, la diffusion du savoir et des bonnes pratiques.
Le Centre d'Études des Tunnels est basé à Bron, près de Lyon. Notre reportage vous a donné envie de rejoindre le CETU ? Consultez sur son site internet les offres de stage et les offres d'emploi.
Alors que la nuit touche à sa fin, l’équipe du CETU se prépare à un repos mérité avant la prochaine mission. Celle-ci portera peut-être sur un tunnel ferroviaire, fluvial ou réservé aux modes doux.
Crédits:
Ministères de l'Aménagement du territoire et de la Transition écologique - SG/DICOM [ Texte : Mathilde Christiaens ] - [ Photos : Arnaud Bouissou / TERRA ]