Ce portail revient sur l’Atelier in situ qui s’est déroulé le 7 et 8 novembre 2023 à Joinville dans le département de la Haute-Marne. Pendant deux jours, les participants se sont penchés sur la question de l’adaptation du secteur du logement face aux transitions, d’abord environnementale, mais aussi démographique avec le vieillissement de la population, et numérique à travers son impact sur les usages et les nouvelles formes d’habiter.
Le troisième Atelier in situ, organisé pour les élus PVD dans le cadre du Club des Petites villes de demain, en partenariat avec POPSU territoires et avec le soutien de l’Association des Petites Villes de France (APVF) s’est tenu dans la commune de Joinville en Haute-Marne. Particulièrement exemplaire sur le plan de la reconquête des logements dégradés, Joinville déploie de nombreuses actions en faveur du logement pour ses habitants. Une cinquantaine d’élus, chefs de projet et techniciens, venus de six régions métropolitaines s’est déplacée en Haute-Marne pour travailler, débattre et construire une scène de débat nationale sur la question essentielle du logement.
Les fortes transformations que connaît ce secteur face à la fois aux évolutions socio-démographiques et aux nouveaux enjeux climatiques ont été abordées. La commune de Joinville au sein de laquelle sont menés plusieurs projets de réhabilitation dans le cadre de la démarche de revitalisation du centre-bourg à travers l’emploi d’une variété d’outils, a permis d’illustrer pleinement les contraintes à la fois réglementaire, économique et stratégique qui pèsent sur cette thématique.
En faisant la preuve que la dégradation du logement et sa vacance peuvent être résorbées, ce déplacement à Joinville a permis de présenter des solutions pour agir aux participants. Au programme : l’attractivité du territoire par le logement, l’importance de l’ingénierie territoriale à travers son rôle de proximité et d’accélération face à des outils existants, mais nombreux et complexes.
Joinville, Haute-Marne, Grand Est
C’est dans cette cité millénaire d’un peu plus de 3000 habitants, entre Saint-Dizier et Chaumont, que s’est déroulé le troisième Atelier in situ du Club des Petites villes de demain.
Venus des Côtes d’Armor, du Nord ou encore d’Auvergne, des élus, chefs de projets et responsables de service se sont retrouvés dans la salle des fêtes de la commune pour le lancement de l’Atelier, en présence notamment de Monsieur le maire de Joinville, Bertrand Ollivier, de Madame Dominique Consille, directrice des programmes Petites villes de demain et Action cœur de ville et de monsieur Laurent Guillemot, sous-préfet de Saint-Dizier. Ont été introduites les diverses problématiques liées au logement, que ce soit la vacance et la rénovation thermique autant que l’adaptation au vieillissement et l’enjeu patrimonial.
Ouverture thématique par Gilbert Emont
Logement et Villes de demain : la nouvelle donne
« Au début du XXe siècle, 80% de la population était rurale. Aujourd’hui le rapport s’est inversé : 80% des Français habitent en zones urbaines »
À la fois économiste, chercheur à l’Institut de l’Épargne Immobilière et Foncière (IEIF), et directeur de l’Institut Palladio des Hautes Études sur l’Immobilier et la Cité, Gilbert Emont a assuré l’ouverture thématique de cet atelier. Après un rappel historique sur l’évolution du domaine du logement depuis le siècle dernier, montrant le passage de l’enjeu du quantitatif, à l’enjeu du qualitatif, l’auteur de l’ouvrage Habiter la France Urbaine – du Grand Paris aux Territoires, a exposé les défis auxquels est confronté le domaine du logement actuellement. On citera notamment les phénomènes cumulatifs liés à l’attractivité des pôles métropolitains pour les jeunes et le vieillissement de la population dans les territoires ruraux, qui obligent à repenser la production du marché immobilier. Outre le fait que, depuis 2020, 50% des départements français perdent des habitants, les territoires doivent faire face à de nouveaux phénomènes comme la décohabitation et la multirésidentialité. Toutefois, Gilbert Emont a aussi mis en avant les atouts que les petites centralités peuvent réactiver pour favoriser leur attractivité et le maintien de la population. En accentuant leur identité, et en améliorant leur connectivité, qu’elle soit matérielle, via les transports, ou immatérielle, par le numérique, les Petites villes de demain affirment leur potentiel.
Un jeu sérieux pour se mettre dans la peau d’un élu d’une petite intercommunalité
La matinée s’est poursuivi autour d’un jeu collaboratif, développé et animé par la Compagnie des rêves urbains, association œuvrant dans le champ de la concertation et de la médiation pour des projets d’aménagement. Dans City Zan, les participants ont incarné les élus d’une petite intercommunalité rurale devant proposer un plan d’aménagement sobre afin d’enrayer le déclin démographique et de maintenir l’école.
A travers une mise en situation précise et imagée, ce jeu sérieux plonge les participants dans la réalité de l’action publique et les difficultés de la confrontation entre planification et mise en opération des projets.
Ce jeu a été jugé d’après les élus et chefs de projets PVD « très représentatif de leur quotidien » : réhabilitation de centre ancien, équipements, accessibilité et mobilité, mais aussi contexte socio-économique sont autant de facteurs avec lequel l’objectif de sobriété foncière doit composer, à travers des actions sur le maintien des commerces et de l’emploi, la densification douce ou encore l’action des promoteurs immobiliers. Ce jeu transversal s’inscrit dans l’actualité des petites villes, il questionne plus généralement l’efficacité des espaces et la priorisation des enjeux, tout en insistant sur la complexité de la situation dans laquelle se trouvent les élus et chefs de projets aujourd’hui.
Joinville, anatomie d’une PVD engagée sur la réhabilitation de son patrimoine et de ses logements anciens
Le maire Bertrand Ollivier est revenu en début d’après-midi sur l’histoire de la commune, ses caractéristiques socio-économiques et les détails de sa stratégie de revitalisation.
En effet, la commune a d’abord été lauréate de « l’appel à manifestation d’intérêt centres-bourgs » porté par le CGET (2015-2021) pour ensuite matérialiser son projet de territoire au sein d’une opération de revitalisation du territoire (ORT). Depuis 2020, elle bénéficie du programme « Petites villes de demain » (2021-2026), ce qui souligne son engagement opérationnel en faveur du développement de son territoire : « Sites & Cités remarquables de France », « Village étape », « Ville Fleurie 3 fleurs ». Plusieurs rénovations ont par ailleurs bénéficié du label de la « Fondation du patrimoine ».
Le maire souligne le temps long ainsi que l’importance d’un travail de proximité mené avec tous les acteurs politiques, financiers et techniques comme l’un facteur-clé du succès de ce projet (État, Anah, Département de la Haute-Marne, Région Grand Est, Banque des territoires, bailleurs sociaux, GIP Haute-Marne, architecte des bâtiments de France, etc.).
Le cas de Joinville : un projet de revitalisation centré sur le logement
A travers un arpentage exploratoire permettant une expérience sensible de l’environnement, guidé par Monsieur le Maire, les acteurs de Joinville ont mis en lumière diverses opérations immobilières réalisées en matière de réhabilitation de logements (OPAH-RU, ORI, « permis de louer » en centre ancien), que ce soit pour la réhabilitation de l’axe principal, d’une bâtisse seigneuriale, d’une maison inscrite monument historique ou encore de l’aménagement d’un espace public à la suite d’un incendie et d’une démolition.
Joinville expérimente de nombreux outils et procédés, tant en matière de restauration du patrimoine qu’en termes de revitalisation du centre-bourg, avec l’accompagnement de l’État et de la région pour cette politique en faveur de la réhabilitation de centre-ville, que ce soit d’un point de vue urbanistique, patrimonial, mais aussi commercial.
Le Maire de Joinville nous parle de son permis de louer : Celui-ci permet de n’autoriser à la location que des appartements ayant été visité par la mairie et ayant reçu un agrément sur la base de critères de confort, d’hygiène et de qualité.
Au matin du mercredi 8 novembre, toujours guidé par Monsieur le Maire de Joinville, le groupe a pû visiter une opération de chantier d’Amélioration acquisition d’un immeuble en centre-bourg, s’inscrivant dans la continuité des projets que mène l’OPH Hamaris en partenariat avec la ville depuis plusieurs années. Cette opération consiste en la réalisation de 3 logements et les entreprises en charge des travaux proviennent toutes du département de la Haute-Marne ou du Sud meusien. La dynamique se poursuit avec la création de 7 logements, ainsi que la réhabilitation d’un immeuble dans deux autres rues du centre historique.
Paroles de participants
Table ronde « Quels leviers pour l’adaptation des logements dans les petites villes ?
Pour clore ce troisième Atelier in situ, une table ronde participative fut animée par Emmanuelle Le Bris, directrice adjointe du programme Petites villes de demain et Hélène Milet, directrice du programme POPSU Territoires. Elle vise à prendre de la hauteur en mobilisant des acteurs nationaux œuvrant dans le domaine du logement, mais à des étapes différentes.
Côté collectivité, le maire de Ligny-en-Barrois (Petite ville de demain du département de la Meuse), Monsieur Jean-Michel Guyot est revenu sur le rôle de l’élu local, ensemblier des politiques publiques d’aménagement, il porte la stratégie sur son territoire où le vieillissement de la population et la vacance des rez-de-chaussée commerciaux nécessitent une action coordonnée.
À leurs côtés, Jean-Pierre Choel représente les organismes de logements sociaux, en tant que président de l’Union Régionale Hauts de France des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH). Aux côtés des collectivités, les bailleurs sociaux sont des outils importants pour contribuer à la production de logements par leur expertise technique de maîtrises d’ouvrage et leur capacité de gestion des biens.
Niveau Etat, l’Anah est représentée par Oriane Raulet, adjointe à la directrice de l'expertise et des politiques publiques. L’Anah met en œuvre la politique nationale d’amélioration du parc de logements privés existants, définie dans le cadre de grands plans gouvernementaux. Elle accorde des aides financières aux propriétaires et accompagne les collectivités dans la mise en œuvre de leur politique de l'habitat privé.
Côtés acteurs associatifs, le Mouvement SOLIHA est représenté par Odran Maury, chargé de mission « parc locatif et privé, et lutte contre l’habitat indigne ». Agréé par l’Anah, SOLIHA est un interlocuteur en région pour accompagner les particuliers dans la rénovation de leurs logements et œuvre pour favoriser l’accès et le maintien dans l’habitat des personnes défavorisées, fragiles et vulnérables.
Enfin, la question du logement ne saurait être traitée sans donner la parole à des concepteurs. Mathilde Luguet et Florian Camani sont architectes urbanistes et fondateurs de FCML Architectes (PJU2020), ils contribuent sur cette table ronde à éclairer le débat sur le volet des usages, des nouveaux modes de production du logement et la question de l’habitabilité des centres anciens.
Dans les Petites villes de demain, la question du logement se pose avec une acuité particulière et des enjeux spécifiques. En effet, le gisement de logements existants en cœur de commune présente souvent des défauts structurels, pouvant entraîner leur vacance : manque de luminosité, absence d’espace extérieur, petitesse des appartements, importante mitoyenneté… Ces constats ont longtemps pu favoriser la création de lotissements périphériques et le mitage des espaces non urbanisés, rendus incompatibles avec la réglementation en matière de sobriété foncière. En effet, pour répondre à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la piste à privilégier est la transformation du patrimoine existant.
Après avoir rappelé le constat que l’attractivité des territoires était étroitement liée à la question du logement et à sa qualité, les participants ont pu débattre autour de la nécessité d’adopter une focale plus large, que ce soit pour la réhabilitation de logements ou de commerces, afin d’amener la réflexion à l’échelle de l’îlot ou du quartier, et permettre l’apport de solutions plus transversales. Enfin, de nombreuses aides à la réhabilitation existent, il s’agit désormais de répondre à l’enjeu de la mise en réseau, et d’un apport suffisant en ingénierie pour pouvoir s’approprier ces outils nombreux et complexes.