DÉCLOISONNEMENT 101

Le décloisonnement (ou EPP, pour «élargissement des pratiques professionnelles») est un des piliers du «Plan santé» du gouvernement Legault, déposé en 2022. Il y est présenté comme l’une des principales solutions pour pallier le manque de personnel. D’importants travaux sont déjà en cours, qui pourraient transformer de façon notable l’organisation du travail dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS), voire le Code des professions.

Un acronyme à retenir

Le gouvernement n’a pas présenté de définition officielle de l’EPP. On peut cependant comprendre le décloisonnement comme le passage - ou le partage - d’actes auparavant exercés par des titres d’emploi spécifiques vers - avec - d’autres titres d’emploi. Cela peut se faire par des changements réglementaires ou législatifs, des consignes de l'employeur ou de simples changements dans les habitudes de travail au niveau local. Il peut s’opérer des médecins vers les professionnel·le·s, entre professionnel·le·s, ou des professionnel·le·s vers les technicien·ne·s. Bref, cela touche l’ensemble du personnel des établissements.

Selon le Plan santé, l’EPP permettra d’augmenter l’autonomie, l’interdisciplinarité et l’accès aux soins. Ce n’est pas faux, mais cela soulève un grand nombre de préoccupations auxquelles il importe de réfléchir pour éviter les écueils et atteindre les objectifs.

À noter

L’élargissement des pratiques professionnelles (EPP) s’effectue parallèlement à un chantier de modernisation du système professionnel. Bien que des similarités existent, il ne s’agit pas de la même chose. Le premier vise spécifiquement le partage des responsabilités professionnelles dans le milieu de la santé et des services sociaux. Le second vise l’allègement et la mise à jour du cadre réglementaire entourant les professions, en santé et services sociaux comme ailleurs.

Où en est le gouvernement?

Le gouvernement Legault a mis l’EPP de l’avant dès le dépôt du Plan santé, en 2022. Toutefois, ce n’est que récemment que le dossier a commencé à se concrétiser, avec l’annonce par le gouvernement de dix-huit priorités. Celles-ci concernent plusieurs titres d’emploi représentés par l’APTS :

Certains changements proposés sont assez spécifiques, comme :

  • la reconnaissance de l’évaluation de nature diagnostique dans le secteur de la santé mentale;
  • l’autorisation de la prescription d’examens concernant la réadaptation physique pour les physiothérapeutes et les ergothérapeutes;
  • l’élimination de la condition d'ordonnance médicale pour les nutritionnistes;
  • la création du titre d’emploi de phlébotomiste;
  • l’autorisation d’ajustement ou de cessation de médicaments selon une ordonnance collective en radio-oncologie.

D’autres, aux contours larges et flous, nécessitent de toute évidence encore beaucoup de travail. C’est le cas par exemple de la proposition visant à «maximiser la contribution de certain·e·s intervenant·e·s dans des secteurs ciblés de la santé mentale».

Ces chantiers se dérouleront de 2023 à 2025 et devraient impliquer de près les ordres professionnels. L’APTS a quant à elle déjà entrepris de vastes travaux sur l’EPP.

Consultez les 18 propositions du MSSS

Ce que l’on espère… et ce que l’on surveille

Si l’on se fie au sondage auquel ont répondu plus de 4 000 membres de l’APTS à travers la province, l’EPP suscite de grands espoirs, mais aussi de nombreuses appréhensions. Manœuvre sensible et complexe, l’EPP peut avoir des répercussions très différentes d'un milieu de travail et d'un titre d'emploi à l’autre. Il nous faut donc rester aux aguets pour nous assurer de réduire les risques et de maximiser les bénéfices.

La position de l’APTS

La consultation menée nous a non seulement permis de mieux saisir les situations vécues sur le terrain, mais aussi d'adopter une position politique officielle qui respecte les expériences et les opinions de nos membres. Vous pouvez la consulter dans son intégralité ici.

La position convenue est que l’APTS est ouverte à un processus d’élargissement des pratiques professionnelles, mais sous certaines conditions, notamment

  • L’implication des travailleur·euse·s : C’est vous qui disposez des compétences, de l’expertise et de l’expérience terrain qui doivent guider l’action ministérielle. Il importe donc que votre voix, portée par l’APTS, soit entendue, et ce, dès l’amorce des travaux.
  • Une attention toute particulière à vos conditions de pratique : Selon le chemin emprunté, le décloisonnement peut être bénéfique pour l’accès aux services, l’autonomie professionnelle et la collaboration interdisciplinaire, comme il peut empirer la charge de travail, miner la qualité des services et dévaloriser les professions touchées. La compréhension des différentes expertises doit donc être au rendez-vous et l’amélioration de vos conditions de pratique, une préoccupation de tous les instants.
  • Un exercice sérieux de planification de la main-d’oeuvre : Décloisonner ça peut être bien, mais il s’agit de savoir pourquoi. Les besoins de la population, leur évolution, le nombre de personnes disponibles et requises pour y répondre, ça ne s’invente pas. Réformer à l’aveuglette sera vain, voire dangereux.
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  • Vous êtes témoin de modification de pratiques ou de directives favorisant l’élargissement des pratiques professionnelles?
  • Vous êtes interpellé·e par votre employeur à cet égard?
  • Vous constatez sur le terrain des pratiques qui s’apparentent à l’EPP et semblent en voie d’être implantées de manière officielle?

Contactez-nous en remplissant le formulaire prévu à cet effet