Le saviez-vous ?
Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) est créé en novembre 1944 pour reconstruire un pays dévasté par la guerre et profondément divisé. On dénombre sur l’ensemble du territoire 2,5 millions de bâtiments détruits et 5 millions de personnes sinistrées. Au-delà de l’urgence, l’action du MRU embrasse aussi un objectif de long terme : l’entrée du pays dans la modernité (rationalisation du territoire, adaptation à l’automobile, amélioration des logements et des services urbains…). L’administration chargée des territoires, de l’écologie et du logement, regroupée en pôle ministériel, veille encore aujourd’hui à l’aménagement, l’urbanisme, en lien avec les collectivités, et à l’accès au logement, à la rénovation énergétique et à la politique de la ville.
À la Libération, les pouvoirs publics reprennent au sein du MRU une grande partie des structures administratives et réglementaires, des agents et des doctrines mis en place par le régime de Vichy, qui se caractérisait par sa volonté de renforcer sensiblement le pouvoir de l’État en matière de planification et de gestion des villes. L’action du MRU se poursuit ensuite de manière relativement continue, malgré les instabilités politiques de la IVe République. Elle revêt de nombreux aspects : déminage, identification des sinistres, construction de baraques provisoires, planification urbaine, industrialisation de la production de logements… Les ministres Raoul Dautry (1944- 1946) et Eugène Claudius-Petit (1948-1953) en fixent quelques-uns des grands principes : une intervention relativement autoritaire et centralisée de l’État ainsi qu’un contrôle strict des plans de reconstruction et d’aménagement, confiés à des urbanistes de toutes tendances, qui doivent néanmoins respecter les principes d’aménagement à long terme et de modernité. En 1958, les ruines ont quasiment disparu et les pénuries de la guerre semblent s’effacer. Le mot Reconstruction disparait de l’intitulé du ministère, renommé ministère de la Construction et du Logement, qui se concentre désormais sur la réalisation des grands ensembles et la lutte contre les taudis.
Créé dès 1945, le service photographique du MRU documente l’état du bâti et l’ampleur de la tragédie humaine. Il a aussi vocation à illustrer et légitimer l’action du ministère. Plus de 36 000 images sont produites entre 1945 et 1958, dont la majorité est encore conservée par la médiathèque Terra. Du document de travail à destination des ingénieurs et architectes à l’image de propagande promouvant l’action de l’État modernisateur, ces clichés nous donnent à voir le regard d’une administration dite technique sur une époque charnière. Ils mettent en avant des villes et des projets qui furent en leur temps considérés comme les modèles d’une nouvelle manière de produire la ville.
Cette exposition propose ainsi un bref aperçu d’une période essentielle de notre histoire urbaine, politique et sociale, dont les effets et les héritages continuent aujourd’hui encore de structurer les territoires.
Sur l’ensemble du territoire, le gouvernement doit mesurer précisément les destructions, identifier les sinistrés et chiffrer les dommages à indemniser. Il faut non seulement compter chaque dégât, (comme ici à Maizières lès-Metz, détruite à 90 % par les combats de 1944 opposant l’armée américaine aux divisions allemandes), identifier chaque propriétaire, mais aussi spécifier l’origine et la responsabilité du sinistre, notamment pour avoir accès aux différents fonds internationaux. Les photographes du MRU participent à cet inventaire : les images post-apocalyptiques rendent visibles les destructions et incarnent la tragédie humaine.
Grande rue, îlot détruit à Maizières-lès-Metz, Grand Est. Date : mai 1945 | Photographe : André-Louis Guillaume
Étape majeure des alliés après le débarquement, la ville de Caen est libérée en septembre 1944 dans un état catastrophique. Seule la moitié des habitants d’avant-guerre demeure sur place. On estime jusqu’à 10 % la part de la population morte sous les bombes alliées. Un tiers des bâtiments sont détruits et un autre tiers endommagé.
Le MRU s’engage dès sa création dans l’élaboration de plans de reconstruction et d’aménagement (PRA), qui répondent à quelques grands principes : remembrement des parcelles, remodelage des voiries par expropriation, séparation des grandes fonctions urbaines par zonage. Confiés dans chaque ville à un urbaniste-architecte en chef, les PRA font parfois l’objet d’âpres discussions avec le conseil municipal et les associations de sinistrés. Caen figure parmi les quelques cités dont la reconstruction fut relativement consensuelle et appréciée des habitants. Dix ans après l’adoption du PRA en 1946, la ville est profondément transformée.
Édifice religieux en ruines à Caen, Normandie. Date : mars 1945 | Photographe : André-Louis Guillaume
Les gravats, estimés à cent millions de m3 à l’échelle nationale, constituent un chantier majeur pour le MRU, qui se poursuit parfois jusque dans les années 1950. Ils participent à la transformation profonde du paysage : recyclage en matériau de construction, comblement de zones humides, réalisation de boulevards de ceinture, rehaussement de certains quartiers jusqu’à plusieurs mètres au dessus du niveau d’avant-guerre…
Le centre de Brest est reconstruit sur les gravats remblayés. Le relief originel, très escarpé et vallonné, est profondément remodelé et adoucit. Certains escaliers disparaissent du fait du nivellement et d'autres sont créés, comme celui-ci qui est aujourd'hui à l'angle des rues de l'Aiguillon et de Denver.
Escalier, Brest, Bretagne. Date : octobre 1949 | Photographe : Pierre Dalloz
Avant de reconstruire, il faut aussi déminer. Au lendemain de la guerre, le gouvernement provisoire estime à 13 millions le nombre de mines et engins non explosés qui truffent encore le territoire, répartis sur près de 500 000 hectares. Contrairement à la guerre de 1914-1918, où le déminage avait été laissé à l’initiative privée, le MRU met progressivement en place une véritable politique publique, sous l’impulsion de l’ingénieur et résistant Raymond Aubrac : service dédié, achat de matériel technique et aussi politique de formation, comme le montre cette photo d’élèves en formation pour devenir démineurs. On déplorera néanmoins 500 morts et 700 blessés parmi les 3 000 volontaires français.
La France fera aussi appel aux prisonniers de guerre, malgré l’interdiction stipulée dans la Convention de Genève. Plus de 48 000 prisonniers allemands seront ainsi mobilisés sur les 175 000 affectés aux travaux de reconstruction. 2 000 furent tués et 3 000 blessés.
Élèves durant le cours à Lège-Cap-Ferret, Nouvelle-Aquitaine. Date : mars 1946 | Photographe : André-Louis Guillaume
Commencés dès 1940, les chantiers de constructions provisoires ont vocation à répondre dans l’urgence à une situation humaine et sociale dramatique.
Les baraquements, souvent en bois ou en plâtre, constituent parfois des quartiers entiers, voire des petites villes. Ils s’implantent massivement dans le paysage après la Libération, non sans controverses, car certains y voient une perte de moyens pour la reconstruction pérenne (coût, utilisation du foncier…). Conçues comme des éléments temporaires, certaines baraques sont habitées aujourd’hui encore par les descendants des relogés.
Constructions provisoires terminées et habitées à Saint Maximin, Hauts-de-France. Date : mars 1945 | Photographe : André-Louis Guillaume
Dès 1944, au milieu des ruines et des baraques, le MRU de Raoul Dautry développe un projet d’industrialisation du secteur du bâtiment, encore trop artisanal pour faire face à des besoins colossaux. La politique des chantiers d’expérience apporte dans ce but un soutien financier et technique à des regroupements d’ingénieurs, entreprises et architectes pour expérimenter, dans quelques villes pilotes, des méthodes visant à tester l’industrialisation des techniques constructives. Le premier de ces chantiers se situe dans le centre d’Orléans, partiellement détruit par les bombardements allemands de 1940. Malgré des difficultés techniques, l’îlot 4 de Pol Abraham (1945- 1949, 62 logements) constitue pour les modernisateurs une véritable vitrine, illustrée de plus de 2000 clichés, emblématique du style MRU.
Les premières années du MRU voient aussi naître des expériences concernant la politique du logement via l’invention des immeubles sans affectation individuelle (ISAI). Il s’agit de logements financés et construits par l’État puis échangés aux propriétaires sinistrés contre leurs dommages de guerre. Le dispositif, expérimenté notamment à Orléans, se généralise rapidement. Il se trouve derrière nombre des réalisations célèbres de la période, par exemple au Havre (immeubles Perret) et à Marseille (Cité radieuse).
« Dans ce coin de banlieue parisienne, écrasée par la plus atroce des convulsions de l’humanité, la France a repris sans se lasser son rôle traditionnel : montrer et ouvrir la voie qui conduira l’homme vers le bonheur et la douceur de vivre » ( Extrait du film Noisy-le-Sec : le laboratoire de la reconstruction, produit par le MRU, 1948)
La cité expérimentale de Noisy-le-Sec (1945-1952), commune la plus détruite de la région parisienne, figure parmi les principaux succès mis en avant par le ministère. C’est ici, selon le MRU, que s’invente la ville de demain, la ville de la paix et du confort moderne.
Ce chantier d’expérience s’appuie sur différents types d’habitations (maisons individuelles et petits immeubles collectifs) à partir de modèles préfabriqués, souvent achetés à l’international (Suède, Suisse, Canada, États-Unis, Grande- Bretagne…), transportés puis montés sur place selon des procédés innovants. Les fabricants étrangers apportent ainsi leur savoir-faire et leurs matériaux, mais aussi leur design intérieur et leur ameublement.
Vue panoramique de la cité expérimentale de Noisy-le-Sec, Île-de-France. Date : octobre 1951 | Photographe : Anonyme
Modèle urbain, l’expérience de Noisy-le-Sec permet aussi de mettre en scène une France à l’ouvrage, une mobilisation générale en faveur de jours meilleurs, animée par le MRU.
La ville de Marseille représente pour le régime de Vichy un laboratoire du redressement moral et politique du pays. À ses yeux, mafieux, immigrés agitateurs et résistants s’y mélangeraient dans des quartiers étroits et insalubres. De grands projets d’autoroutes, d’aéroport et d’aménagement doivent ainsi "assainir" la ville. Des obsessions partagées par les Nazis, en particulier autour du nord du Vieux-Port, considéré comme un quartier criminel. À la demande d’Himmler, la police française et les allemands organisent en janvier 1943 une vaste rafle, évacuent près de 20 000 habitants et en déportent plus de 1 600, avant de dynamiter le quartier. En quelques jours, 14 hectares de la ville partent en fumée. Priorité du MRU, supervisée par l’inspecteur général Georges Meyer-Heine, la reconstruction du centre-ville est confiée notamment à Auguste Perret et Fernand Pouillon. Elle constitue, avec la Cité radieuse de Le Corbusier, un élément marquant de la transformation de Marseille.
Vue aérienne du Vieux Port, quartiers de la Tourette et Joliette, Marseille, Provence-Alpes-Côte d'Azur. Date : novembre 1956 | Photographe : Henri Salesse
Si le MRU dispose de ses propres photographes en interne, il passe aussi des commandes à des professionnels venus de l’extérieur. Ce sont parfois des grands noms du milieu, comme ici Willy Ronis. Venus de l’art ou du journalisme, ils apportent leur touche et leur regard sur la reconstruction ».
Chantier Vieux-Port et Tourette, Marseille, juillet 1952 | Photographe : Willy Ronis
Le célèbre architecte Le Corbusier représente dans les années 1940 et 1950 l’emblème du mouvement moderne en architecture. Son influence est palpable sur l’ensemble des professionnels et des décideurs, en particulier le ministre Eugène Claudius-Petit. Pendant la reconstruction, il signe quelques bâtiments restés célèbres, comme la cité radieuse de Marseille.
Il ne sera en revanche désigné architecte en chef d’aucune ville. A Saint-Dié-Des-Vosges par exemple, il souhaitait proposer un plan en rupture totale avec la structure historique de la petite cité, avec l’insertion de plusieurs tours et « gratte-ciels » en centre-ville. Un plan finalement abandonné face aux oppositions locales.
Si la modernité reste le mot d’ordre de la reconstruction, elle prend des visages différents selon les contextes locaux, mais aussi selon les modèles utilisés. Conçue d’abord dans un esprit classique et régionaliste, la reconstruction de la cité balnéaire de Royan se tourne vers des formes modernes lorsque ses architectes découvrent l’avant-garde brésilienne, notamment Oscar Niemeyer, dont les références s’invitent massivement dans les milieux professionnels français.
Promenade du front de mer à Royan, Nouvelle-Aquitaine (architecte : Louis Simon). Date : août 1955| Photographe : Pierre Mourier
La modernité ne s’impose pas d’une seule et même voix. Les débats sont souvent houleux entre l’administration, les professionnels, les communes et les habitants, parfois réticents face aux nouvelles formes urbaines proposées. Certains partisans du régionalisme préfèrent une reconstruction plus proche des formes originelles, comme à Saint-Malo ou à Gien, dont le pont ancien et les vieux quartiers avaient été partiellement détruits. La reconstitution à l’identique s’appuie cependant sur des matériaux et procédés modernes. Certaines piles du pont sont reconstruites en béton selon des procédés industriels. De même, les architectes ajoutent aux maisons reconstruites des éléments des années 1950, comme l’oeil-de-boeuf, et insèrent de fausses cheminées. Parmi les professionnels, jusqu’au sein du MRU, nombreux sont ceux qui dénoncent un pastiche passéiste et une occasion manquée.
« Nous allons enfin montrer aux américains ce qu’est une ville moderne »
C’est en ces termes que réagissait le ministre Raoul Dautry, en septembre 1945, au projet radical présenté par Auguste Perret pour la reconstruction du Havre. Pour le MRU, la ville portuaire, dévastée par les bombardements alliés, doit pouvoir rivaliser avec New York ou Chicago. L’urbanisme et l’architecture américains figurent à l’époque parmi les principales sources d’inspiration des professionnels français. Le centre reconstruit, inscrit depuis 2005 au patrimoine mondial de l’Unesco, constitue aujourd’hui avec son architecte un emblème de la modernité architecturale et un symbole de résilience. Mais cette vitrine mondiale restera longtemps malaimée de ses habitants, qui jugeaient les nouvelles formes trop froides et monotones. La reconstruction soulève de nombreux conflits. La trame choisie par Perret impose notamment de détruire certaines constructions antérieures, au grand dam des sinistrés.
ISAI construits en béton armé, Le Havre, Normandie (architecte : Auguste Perret) . Date : mars 1951 | Photographe : Henri Salesse
Pour promouvoir ses grands investissements et ses innovations architecturales, le MRU doit convaincre la population des gains de qualité de vie qui les attendent dans les nouvelles habitations. Il faut sensibiliser et "éduquer" au confort moderne, alors que cuisines équipées et salles de bain font leur entrée dans les logements. Le MRU en propose des démonstrations, comme ici au salon des arts ménagers. Avec un million de visiteurs annuels, celui-ci constitue, dans les années 1950, la vitrine de la société de consommation émergente.
Étude d’une salle d’eau à Paris. Date : janvier 1951 | Photographe : Henri Salesse
Au-delà des villes, les espaces ruraux sont eux-aussi fortement touchés par le conflit. Par exemple, le village emblématique de la résistance, Vassieux-en-Vercors, est détruit par les allemands et ses habitants massacrés en 1944 lors de la répression féroce du maquis. La commune fait partie des cinq collectivités élevées au rang de Compagnon de la Libération. Le plateau du Vercors et ses paysages constituent aujourd'hui des éléments essentiels de la mémoire de la résistance.
Cette photo a été prise par l'ancien résistant Pierre Dalloz, directeur de l'architecture au MRU (1948-1960). Ingénieur, architecte, alpiniste, inspecteur régional des sites sous Vichy, il avait utilisé ses fonctions pour imaginer et préfigurer le maquis du Vercors, dont il était originaire, avant de rejoindre la France Libre à Alger, et d'assister, impuissant, à son écrasement.
Habitations construites en moellon, abords de l'église Notre-Dame-de-l’Assomption à Vassieux-en-Vercors, Auvergne-Rhône-Alpes (architecte : Jean-Paul Sabatou). Date : mai 1950 | Photographe : Pierre Dalloz.
La guerre approfondit une crise du logement désormais aggravée par l’explosion démographique. Initié en 1950, le projet de la Cité Rotterdam constitue le premier grand ensemble d’habitations industrialisées (800 logements construits en 14 mois). Il marque le passage du MRU d’une politique d’expérimentation à une véritable industrialisation de la production de logements à grande échelle. Cette dynamique est animée en particulier par le directeur de la construction, l’ingénieur Adrien Spinetta, qui lance le programme du "secteur industrialisé", avec pour ambition de généraliser ces formes à l’ensemble du territoire.
Cité Rotterdam de Strasbourg Grand Est (architecte : Beaudouin). Date : juillet 1956 | Photographe : Pierre Mourier
Bien que la construction s’industrialise, il existe encore en France de très nombreux logements insalubres. Le centre d’études du MRU, dirigé par l’urbaniste Robert Auzelle, développe dans les années 1950 des enquêtes-témoins afin de préfigurer la suppression des taudis. Elles croisent urbanisme, architecture, sociologie et photographie. Il s’agit d’identifier les causes de l’insalubrité et de convaincre les familles d’abandonner leurs logements et leurs quartiers pour des conditions plus modernes.
Enquête sociologique au Chambon-Feugerolles, Auvergne-Rhône-Alpes. Mars 1953 | Photographe : Henri Salesse
Les grands ensembles, comme on les appelle alors, commencent à se multiplier sur tout le territoire, particulièrement en Île-de-France. Ils contribuent à l’amélioration des conditions de logement et concrétisent, selon leurs promoteurs, l’utopie d’une France moderne et apaisée. Avec les premiers grands ensembles apparaissent aussi les premières critiques : espaces industriels, déshumanisés et isolés du reste de la ville. Face à la persistance et à l’ampleur de la crise du logement, ces quartiers sont souvent construits dans l’urgence, sans véritable réflexion urbanistique.
Le MRU tente d’y remédier, en variant les formes, en montrant la présence d’espaces publics de qualité et d’équipements collectifs. Mais la foi dans le progrès technique s’estompe. Dès 1959, le désormais ministre de la Construction, l’ancien résistant Pierre Sudreau, dénonce lui-même l’inhumanité de ces espaces… dont la production ne sera interrompue qu’en 1973.
Immeubles en construction dans la cité Les Courtillières à Pantin, Île-de-France (architecte : Émile Aillaud). Date : juillet 1958 | Photographe : Henri Salesse
Le grand ensemble se développe de manière privilégiée aux abords des grandes métropoles (région parisienne, Lyon, Lille…). Mais il s’invite aussi dans les paysages ruraux, comme ici à Bagnols-sur-Cèze. Le nouveau quartier des Escanaux devait ainsi absorber l’arrivée massive de nouveaux habitants suite à l’implantation du site nucléaire de Marcoule, en 1954.
Ce projet, qualifié d’exemplaire, recevra le tout premier Grand prix d’urbanisme, créé par le ministère en 1959. Le prix récompense l’efficacité des méthodes de construction mais aussi l’articulation du quartier moderne à la ville historique.
HLM dans le quartier des Escanaux de Bagnols-sur-Cèze, Occitanie (architecte: Georges Candilis). Date : avril 1961 | Photographe : Anonyme
La guerre fut mondiale. La reconstruction l’est tout autant. Les ruines s’étendent d’une grande partie de l’Europe jusqu’au Japon, en passant par l’URSS et l’Afrique. Leur redressement suscite d’intenses coopérations internationales : échanges techniques, financements bilatéraux et multilatéraux, achats de matériaux à l’étranger, transferts de savoir-faire... Dans un contexte de guerre froide et de construction européenne, les experts et les photographes du MRU sillonnent l’Europe mais aussi les États-Unis et jusqu’à la Nouvelle- Zélande afin d’échanger des idées et des techniques, de documenter les innovations étrangères (comme ici en République fédérale d’Allemagne), et de négocier des prêts.
La politique de reconstruction a profondément marqué le paysage français, léguant un héritage encore visible et vivant. Certains de ces territoires sont aujourd’hui des laboratoires de transformation de l’action publique urbaine, désormais confrontée à de nouvelles crises écologiques, climatiques et sociales. À Dunkerque par exemple, ville ravagée par la guerre, le quartier des Glacis est d’abord recouvert de baraques provisoires avant de voir arriver les premiers ensembles HLM. Les autorités locales et leurs partenaires, engagés dans la démarche ÉcoQuartier, y mènent actuellement un vaste projet urbain avec pour ambition de faire de ce quartier un nouveau modèle de ville nature. On aperçoit ici un cliché de ce quartier pris par le MRU en 1958 (à gauche), reconduit à l’identique en 2016 (à droite).
Pour aller plus loin
- Jean-Louis Cohen (dir.), Architecture et urbanisme dans la France de Vichy, Éditions du Collège de France, 2020
- Amandine Diener, Patrick Dieudonné, Hans-Georg Lippert, Sonia de Puineuf, Kerstin Zaschke, Helena Zemankova (dir.), Res Urbanae. A look at cities under reconstruction, Thelem, 2024
- Robert Hérin (dir.), De la ville perdue à la ville retrouvée, la ville en devenir, Presses universitaires de Caen, 2008
- Didier Mouchel, Danièle Voldman, Photographies à l’œuvre. Enquêtes et chantiers de la reconstruction. 1945-1958, Le Point du Jour / Jeu de Paume, 2011
- Marie-Clothilde Meillerand, Les membres de l’inspection générale du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Pour Mémoire, n° 14, 2014, pp. 72-87
- Danièle Voldman, La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954. Histoire d’une politique, L’Harmattan, 1997
Toutes ces images sont issues de la médiathèque Terra. Envie de voir d'autres ressources, anciennes ou actuelles, sur les thématiques de nos ministères ? Inscrivez-vous sur Terra ! Vous aurez accès à de nombreuses photos et vidéos et même une infothèque.