Les stéréotypes ont la vie dure
Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les emplois sont très majoritairement occupés par des femmes. C’est le résultat d’une division historique et genrée du travail qui les confine dans des rôles traditionnels, notamment celui de s’occuper des autres. On attend d’elles qu’elles « prennent soin ».
C’est notamment la raison qui fait que les emplois dits du « care » sont sous-évalués (professionnellement et financièrement), gracieuseté du mythe de la vocation féminine, du dévouement et du don de soi socialement attendus des femmes. Résultat : on leur demande toujours plus, tout en leur refusant une rétribution et une reconnaissance conséquentes.
Cette dimension fortement genrée du travail du « care » et la non-reconnaissance des qualifications qui lui sont associées sont largement démontrées. Ces qualifications n’en sont pas moins attendues des femmes et, ce faisant, elles ajoutent significativement à leur charge (de travail) vécue.
Deux « surcharges » à temps plein
Ce qu’on attend d’elles au travail, on l’attend aussi des femmes à la maison, bien que les tâches domestiques soient de plus en plus partagées au sein des couples. Ce sont elles qui sacrifient davantage leur temps personnel, prenant souvent congé afin de s’occuper de leurs proches, par exemple.
La surcharge mentale présente professionnellement l’est donc aussi personnellement. Sans compter les attentes conflictuelles entre travail et famille, qui engendrent un sentiment constant de culpabilité, alimenté par une socialisation genrée qui rend plus difficile pour elles de poser des limites ou de dire non. Cette dynamique est parfois exacerbée par certaines pressions indues des gestionnaires.
On ne s'étonne guère alors que les femmes du réseau perdent 44 % plus de journées de travail que les hommes et qu’elles travaillent davantage à temps partiel que ces derniers, ce qui a une incidence sur leurs futurs revenus de retraite. Elles sont également moins enclines à accepter les promotions ou à réorienter leur carrière que les hommes.
Une prise de conscience nécessaire
Si la charge de travail dans le réseau de la santé et des services sociaux est un enjeu pour toutes et tous, il ne peut être saisi dans toute sa complexité en l’absence d’une réflexion spécifique sur le rôle des femmes dans le réseau, et dans la société dans son ensemble.
La lutte pour une répartition équitable de la charge de travail et une reconnaissance juste du travail du « care » est un enjeu féministe fondamental et un problème complexe fortement ancré dans d’autres problèmes de société qui touchent plus fortement les femmes.
Il est crucial de prendre conscience de cette dimension particulière de la surcharge de travail. C’est le premier pas de la mobilisation individuelle et collective qui est essentielle pour faire reconnaître et valoriser le travail du « care » pour ce qu’il est : un travail complexe et indispensable à la société.