Le Pack Territorial, rencontre majeure des services déconcentrées du pôle ministériel Aménagement du territoire et Transition écologique en Nouvelle-Aquitaine, s’est tenu à Poitiers le 17 juin 2025.

La soixantaine de participants a pu échanger ses points de vue sur la thématique « sols vivants, territoires en mouvement – croisons nos regards pour comprendre, préserver, agir ».

Deux illustrateurs, Véronique Hermouet et Luc Turlan ont croqué la journée.

CONFÉRENCES

Encore méconnu du grand public, le rôle des sols dans le « réseau du vivant » est primordial, fournissant nutriments et eau aux organismes vivants, et assurant leur décomposition une fois morts. Malgré leurs bienfaits indispensables pour la biodiversité, ces milieux n’échappent pas à la crise environnementale causée par les activités humaines.

En cinquante ans, les sols agricoles français ont perdu 30 % à 50 % de leur matière organique.

La journée a commencé par une conférence rythmée de Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et vulgarisateur passionné.

Le chercheur a posé des mots sur le défi immense que constitue la préservation des sols, expliquant aux participants le fonctionnement du « réseau du vivant » et rappelant le rôle primordial des sols pour la sauvegarde de la biodiversité, d’une agriculture nourricière, et pour la lutte contre le changement climatique.

60 % de la biodiversité mondiale se trouve dans les sols.

Connaissez-vous le pétrichor ?

Cette odeur caractéristique du sol mouillée est due à la vaporisation sous forme d’aérosols d’huiles végétales naturellement produites par les plantes, mais également de géosmine, une molécule produite par les bactéries présentes dans le sol.

Ici, le dessinateur Luc Turlan a eu du nez, car le pétrichor est utilisé depuis des siècles en Inde, pour créer le parfum « mitti attar ». Certaines maisons de parfumerie ont ainsi décidé d’en faire un composé de leurs produits, à l’instar de Guerlain, avec son eau de toilette « Après l’ondée ».

La France a le triste palmarès d’être championne d’Europe de la pollution au cadmium, un métal lourd, au même titre que le plomb ou le mercure.

Cet élément, présent dans les cigarettes, mais aussi et surtout dans des engrais chimiques, est classé comme « cancérigène hautement probable » par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer). Il est responsable de nombreux cas d’ostéoporose, d’infertilité, mais aussi de cancers (notamment du pancréas, la France étant le deuxième pays le plus concerné par cette maladie).

Le cadmium des engrais termine dans les plantes qui se retrouvent dans nos assiettes. Au cours de son intervention, Marc-André Selosse a pointé du doigt la nécessité de privilégier les aliments bio, et de réduire les doses maximales autorisées dans les aliments.

Lors de sa conférence, Jérôme Barrière du Bureau de Recherches Géologiques et Minières, nous a rappelé que les sols ne parviennent que difficilement à décomposer nos pollutions anthropiques. Lorsque finalement celles-ci s’évanouissent, c’est en polluant durablement l’environnement, à cause des microparticules et des sous-composés chimiques qu’elles contiennent.

Une cannette en aluminium met 200 à 500 ans à se décomposer, quand certaines bouteilles en plastique mettent près d’un millénaire pour ce faire.

L’expert a également partagé des clichés du photographe Dillon Marsh, qui met en perspective des photos de mines à ciel ouvert, dans lesquelles le sol a été arraché et toute forme de vie annihilée, avec le concentré de leur production en métaux, souvent bien dérisoire au vu des destructions engendrées.

Elodie Moulin du Cerema, a présenté aux participants le projet de recherche MUSE. Celui-ci a pour objectif d'intégrer les fonctions des sols dans les documents d'urbanisme. Il propose une méthodologie permettant d’estimer et de cartographier 4 fonctionnalités exercées par les sols et un indicateur de multifonctionnalité basées sur les données issues des référentiels régionaux pédologiques à l’échelle du 250 000e.

Les quatre fonctionnalités sont la régulation du cycle de l’eau, la production de biomasse, le réservoir de carbone et le réservoir de biodiversité.

François Trignol, ingénieur agronome devenu exploitant agricole passé par la chambre d’agriculture de la Corrèze, a lancé son exploitation sur les dépendances d’un château de son département. Engagé dans une démarche en agriculture biologique, il a partagé son parcours et ses progrès quotidiens vers une exploitation des sols exempte de produits phytosanitaires et son questionnement sur le labour.

Son témoignage précieux s’inscrit dans une démarche des services de l’État visant à associer de manière transversale des acteurs afin d’apporter des réponses cohérentes aux enjeux de préservation et d’exploitation des sols.

Agent de l’ADEME spécialiste des questions de dépollution des sols, Nicolas Blanchard aime dire à sa fille qu’il est « docteur de la terre ». Filant la métaphore de l’étudiant confronté à sa montagne de linge sale, il a expliqué aux participants les différentes méthodes pour dépolluer un site.

L’expert a notamment pointé du doigt la technique de dépollution majoritaire : excaver les sols pollués pour les entreposer en décharge. Si cette méthode présente l’avantage de la simplicité technique, elle ne permet pas une décontamination effective, et est de plus très coûteuse en transports. D’autres procédés existent, notamment le lavage du sol (à l’eau et grâce à des tensioactifs) et sa remise en place, ou mieux encore le traitement in situ, qui nécessite la mise en place d’installations de décontamination temporaires, mais qui permet de dépolluer le sol sans avoir à le transporter, le plus souvent grâce à des infiltrations de gaz ou à des impulsions électriques.

Si la fragilité de notre environnement naturel mérite toute notre attention, il ne faut pas oublier les extraordinaires capacités de résilience de Mère Nature. L’usage de nos technologies modernes ne peut être pertinent que s’il est conjugué avec l’action de nos alliés végétaux.

L’asperge ou le potiron sont de véritables champions de la dépollution. Les racines profondes de ce dernier captent des polluants enfouis depuis parfois des décennies.

François Trignol nous a ainsi raconté en avoir fait les frais, lui qui a dû jeter plusieurs tonnes de cette cucurbitacée, polluées par des produits phytosanitaires interdits… depuis les années 1980. Il importe alors d’avoir une vigilance toute particulière à l’endroit de ce type de plantes, si l’on veut éviter que leur pouvoir de dépollution se retourne contre la santé humaine.

Les travaux de dépollution se heurtent parfois au principe de propriété privée.

Si l’arbitrage entre respect de ce droit et protection de l’environnement relève de la délibération démocratique, il appartient aux administrations publiques de convaincre, pour que ces deux impératifs entrent le moins possible en conflit. À terme, la question posée est celle de l’internalisation des externalités négatives des activités humaines.

ATELIERS

Introduit par la loi climat et résilience, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050 est en partie remis en cause par les dernières évolutions légales et réglementaires.

On assiste en effet à un foisonnement de textes créant des exceptions, supprimant des points d’étapes ou repoussant les dates limites de mise en conformité des documents d’urbanisme.

Dans ce contexte, en tant qu’administrations spécialisées, les DREAL ont la lourde mission de convaincre des atouts de la sobriété foncière, nécessaire pour la préservation des sols. C’était l’objet du premier atelier de l’après-midi.

La perspective du zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050 impose de ne plus considérer les sols comme une donnée, mais comme une ressource, que l’on consomme lorsqu’on l’artificialise.

En conséquence, nous devons repenser notre manière d’aménager le territoire et de construire la ville, en privilégiant la densification urbaine et la réhabilitation des friches industrielles ou commerciales sur l’extension irraisonnée des centres urbains. Les participants au second atelier de l’après-midi avaient la lourde tâche de réfléchir aux modalités de concrétisation de ces perspectives.

Les sols jouent un rôle essentiel dans la préservation de la ressource en eau. Artificialisés, ils ne permettent pas au précieux liquide de s’infiltrer et d’y être stocké.

Au contraire, l’imperméabilisation qui en découle génère des inondations et l’accélération du cycle de l’eau, accentuant sa rareté à l’étiage. Préservés, ils rendent des services précieux, en filtrant l’eau de pluie de ses polluants atmosphériques (à condition que les sols ne soient pas eux-mêmes pollués) et en stockant la ressource pour les périodes de sécheresse. Cette fois encore, le vivant s’acquitte d’une tâche essentielle : plus un sol est riche en matière organique, plus il retient d’eau – de 50 à 400 litres par mètre carré ! La préservation des sols, la lutte contre leur imperméabilisation ou encore la limitation du labour (qui limite le stockage de l’eau) constituent donc des objectifs capitaux pour faire face au stress hydrique croissant qui frappe la Nouvelle-Aquitaine, notamment en période estivale. Sans eau, pas de vie, pas de ville ; les participants du troisième atelier de l’après-midi ont donc réfléchi aux meilleures manières de préserver notre ressource la plus précieuse.

Le Pack Territorial rassemble des participants issus de tous les services d’un pôle ministériel vaste, qui portent chacun un regard singulier sur les sols.

L’un des enjeux primordiaux des années à venir va donc être la formalisation d’une culture commune au sein des équipes, pour favoriser une compréhension et une protection globale des sols. Les participants du quatrième atelier de l’après-midi ont eu pour mission d’imaginer les bases de cette culture plurielle, à la hauteur de la multifonctionnalité des sols !

CRÉÉ PAR
DREAL Nouvelle-Aquitaine