Les Clarisses de Mazamet (Tarn) ont essentiellement brodé pour les autres ; cependant, pour le cinquantenaire du monastère, qui est en 1937, l’archevêque d’Albi leur ordonne d’œuvrer pour elles. Vingt-cinq pièces sont à créer, qui doivent former un ensemble cohérent pour célébrer des messes pontificales, c’est-à-dire en présence de l’évêque.
Depuis 1888, les religieuses ont dans leur chapelle une statuette de l’Enfant Jésus de Prague ; elles voient en cet Enfant une figure protectrice de leur monastère et le choisissent comme thème iconographique principal pour tous les textiles, ses parents, Joseph et Marie, étant uniquement figurés sur l’étole.
Ci-contre : statuette de l’Enfant Jésus en plâtre, avec sa robe en dentelle.
Mais comment assumer le coût important des étoffes ? Le cadeau de châles, brodés blanc sur blanc, - que l’on appelle châles de Chine - donne l’idée de demander aux très nombreux amis du monastère de fournir d’autres pièces du même style. Les cadeaux en retour sont très encourageants et permettent de commencer à couper et agencer ces carrés brodés pour constituer chasuble, chape, etc.
Pour donner de la richesse à l’ensemble les motifs brodés sont surlignés de filé or sur âme de soie jaune d’or. Le dos de la chasuble par exemple est fait de deux angles de châle montés en vis-à-vis. Sur les parties intégralement brodées par les Clarisses, les fonds sont constitués d’un tissu vert clair vif entièrement couvert de filés or ; l’espace laissé entre les filés permet de faire jouer les reflets du vert et de l’or ; c’est là un parti fort original. La teinte générale des figures est un « camaïeu havane » appelé aussi « pain brûlé » par les Clarisses.
Les artistes ont une prédilection pour les anges qu’elles représentent avec des minois de petits enfants aux attitudes variées, qui jouent, dansent autant qu’ils participent à la louange divine ; des anges décorateurs disposent des panneaux, placent les lettres, coupent des fleurs pour la fête ; certains présentent des plateaux couverts d’étoiles que d’autres envoient vers le ciel ; il faut aussi disposer parfaitement les plis de la robe de Jésus. Les plus grands, très souvent coiffés à la garçonne, ont des gestes amples et toujours élégants ; ils encensent, soufflent dans des trompettes, chantent, les yeux baissés vers un livre ouvert,… ils étaient plus de huit cents sur l’ornement complet.
Les péripéties finales de la vie du monastère ont malheureusement provoqué la dissociation des éléments de l’ensemble, partagés aujourd’hui entre Albi et Nages. Les éléments conservés sont l’étole et la chasuble du prêtre célébrant, deux dalmatiques pour les diacre et sous-diacre qui l’assistent, la chape principale, la mitre et les sandales liturgiques de l’évêque, la bourse de corporal qui sert à l’autel lors de la messe, des tours d’autel fixés par des épingles à la nappe d’autel, en décor, enfin le voile huméral qui enveloppe les épaules de celui qui transporte le Saint-Sacrement et qui lui permet de le tenir sans le toucher directement avec ses mains.
Deux chasubles exceptionnelles, dédiées l’une à saint François et l’autre à sainte Claire, ont été réalisées dans les dernières semaines avant les festivités.
L’ensemble est signé à la façon de Mazamet, par la représentation de la chapelle et des bâtiments du monastère, en partie inférieure de la chasuble. La grande fête du Jubilé se déroula du 9 au 12 août 1938, avec des dizaines d’hôtes qui demeurèrent au monastère les trois jours et des repas servis sur place à trois cents convives.
Crédits :
Textes : Josiane Pagnon, Service de l'Inventaire et de la Connaissance des Patrimoines, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie.
Photographies : Marc Kérignard, Service de l'Inventaire et de la Connaissance des Patrimoines, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie.
Conception : Christelle Parville, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie.