Communes nouvelles : comment faire territoire ? L’exemple de Longuenée-en-Anjou (49)

De 2016 à 2019, 756 communes nouvelles ont été créées en France. Parmi elles, Longuenée-en-Anjou (Maine-et-Loire) qu'Annabelle Morel-Brochet et son équipe ont étudiée dans le cadre de POPSU Territoires. L’objectif de leur recherche ? Questionner le territoire créé par la fusion et son devenir.

Qu’est-ce qu’une commune nouvelle ?

Après une première tentative peu concluante en 1971, les communes ont la possibilité, depuis la loi du 16 décembre 2010, de fusionner pour donner naissance à une commune nouvelle. Elles y sont incitées financièrement depuis la loi du 16 mars 2015, dite loi Pélissard. Ces lois ont pour objectif de rationaliser le tissu communal. En effet, 90% des communes françaises ont moins de 2 000 habitants et de plus en plus de services nécessitent une taille minimale pour être opérationnels, supposant des regroupements.

Du point de vue juridique, une commune nouvelle est issue de la fusion de plusieurs communes : c’est une collectivité territoriale. Elle est dite nouvelle au regard de son processus de création. Une fois créée, c’est une commune comme les autres, à l’exception d’une particularité : le possible maintien de communes déléguées et, de ce fait, de maires délégués. »

Annabelle Morel-Brochet est maîtresse de conférences en géographie à l’université d’Angers, au sein de l’UMR CNRS espaces et sociétés (ESO). Elle a coordonné l’équipe de recherche composée :

  • d’enseignants-chercheurs de l’université d’Angers, géographes mais aussi juristes, dont Emmanuel Bioteau et Martine Long ;
  • de l’Agence d’urbanisme de la région angevine (AURA), dont la directrice Alexandra Le Provost.

Leur enquête s'est déroulée entre 2020 et 2022.

Notre souhait était d’échanger avec toutes celles et tous ceux qui pouvaient être concernés par la création de la commune nouvelle : élus, habitants (adultes comme enfants), agents territoriaux, associations, agriculteurs, services publics non municipaux (Éducation nationale, service départemental d’incendie et de secours, gendarmerie nationale, La Poste...). »

Annabelle Morel-Brochet

Agents municipaux de Longuenée-en-Anjou, premiers concernés par la fusion communale.

Pourquoi Longuenée-en-Anjou ? Cette commune nouvelle constitue un exemple pertinent pour observer les effets des fusions communales, en raison de :

  • sa taille intermédiaire, ni trop petite, ni trop grande, comparée à certaines communes voisines de grande taille.
  • son échelle à taille humaine, avec un maintien de l’identité locale des communes déléguées ;
  • son absence de pôle dominant évident ce qui a permis d’interroger le « faire territoire » dans cette situation ;
  • sa configuration spatiale, car les communes sont disposées en chapelet le long d’un axe routier pour trois d’entre elles, ce qui rend possible un questionnement sur l’organisation de l’accès aux services et les choix d’aménagement.

Longuenée-en-Anjou est née le 1er janvier 2016 de la fusion de 4 communes :

  • La Meignanne (2 235 habitants)
  • La Membrolle-sur-Longuenée (2 027 habitants)
  • Le Plessis-Macé (1 230 habitants)
  • Pruillé (719 habitants).

La création de commune nouvelle est loin d’être anecdotique dans le département du Maine-et-Loire, qui a divisé par deux son nombre de communes. On retrouve, en effet, d’importantes disparités géographiques : le nord-ouest de la France représente un tiers des fusions alors que cette pratique est quasi inexistante le long de la Méditerranée.

Cette commune nouvelle est née à la fois d’un contexte national très favorable aux fusions, avec les incitations financières associées à la loi Pélissard de 2015 et d’un terreau local où la coopération intercommunale date des années 1960. De même, les précautions prises pour ménager la représentation des différentes communes fondatrices ont facilité le processus. »
Panneaux d'entrée dans les quatre agglomérations de Longuenée-en-Anjou

La fusion n’a pas conduit à un bouleversement significatif des pratiques territoriales. La réorganisation des services municipaux en pôles a nécessité un court temps d’adaptation, mais le maintien d’un accueil polyvalent dans les mairies déléguées a permis aux administrés de garder leurs habitudes.

Tout cela a été fait pour qu’il n’y ait pas de sentiment d’éloignement des services et des interlocuteurs. Globalement, la création de la commune nouvelle a permis une amélioration de l'offre de services à la population. »
Services publics.

Annabelle Morel-Brochet et son équipe notent que la commune nouvelle de Longuenée-en-Anjou est un objet territorial hybride, présentant à la fois les attributs d'une petite ville et des caractéristiques relevant de la ruralité périurbaine. Cependant, les projets de construction se multiplient, en raison notamment des nouvelles obligations de la commune en matière de logements sociaux depuis la fusion.

Un certain nombre d’enquêtés ont conscience que dans les années à venir la commune nouvelle pourrait atteindre les 10 000 habitants. Cette barre symbolique inquiète les habitants, mais elle fait émerger une demande pour des services nouveaux, notamment la desserte en transports en commun. Avec sa population plus importante, la commune nouvelle a fait naître des aspirations nouvelles. Il y a donc là un équilibre à trouver entre renforcement des aménités urbaines (offre de logements, services et équipements) et préservation des aménités rurales. »

L’enjeu pour la commune nouvelle est de construire un projet de territoire pour faire lieu et communauté dans le futur. Pour cela, la commune nouvelle a aménagé, dès la fusion, des pistes cyclables reliant chaque commune historique. D’autres services sont attendus comme des animations culturelles et de loisirs ainsi qu’un marché hebdomadaire afin de se rassembler.

Créer une commune nouvelle c’est un acte politique et administratif. Mais pour autant, il faut faire vivre le territoire avec des habitants qui ont une représentation de ce territoire élargi ainsi qu’un sentiment d’appartenance à celui-ci. Ce n’est pas évident. Le nom de Longuenée-en-Anjou est connu de tous, adultes comme enfants. Mais ce n’est pas un espace vécu : les populations se référent encore beaucoup à leur commune déléguée. »

Cette recherche, qui a débuté quatre ans après la fusion, montre que la commune nouvelle n’a pas encore fait totalement territoire.

Il reste aux élus à négocier un projet de territoire en veillant à ne pas susciter d’inquiétudes ou de crispations liées à une communication et une concertation insuffisantes. En effet, toutes les initiatives en ce sens, bien que ponctuelles, ont globalement reçu un écho très favorable auprès de la population. À l’inverse, le manque d’information des populations concernées apparaît délétère. »

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’impact que la création de la commune nouvelle de Longuenée-en-Anjou a eu sur le territoire et ses habitants, nous vous invitons à lire le carnet de territoires La commune nouvelle fait-elle territoire ? De la fusion communale à la fabrique d’un territoire : Longuenée-en-Anjou (Maine-et-Loire). Les résultats de travaux de recherches ont été réalisés entre 2020 et 2022 par Annabelle Morel-Brochet, maitresse de conférences en géographie à l’université d’Angers.

POPSU Territoires est un programme de recherche-action qui réunit des chercheurs, praticiens et élus afin d’enrichir les connaissances sur les petites villes et les ruralités. Le programme compte aujourd'hui 51 petites villes et autant de thématiques de recherches abordées sur l'ensemble du territoire. Au cœur d'un système partenarial diversifié, le programme POPSU Territoires est piloté par l'Europe des projets architecturaux et urbains. Il est porté par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le ministère de la Culture, le Plan urbanisme construction architecture et l'Agence nationale de la cohésion des territoires à travers le programme Petites Villes de demain notamment.