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Depuis 2015, période de référence du SCOT, les sujets de mobilité ont connu deux périodes très différentes, avant et après 2020, marquées par les effets de la crise sanitaire mondiale.
Accessibilité de la métropole aux échelles (inter)nationales et euro-régionale
La position stratégique du territoire métropolitain sur les principaux réseaux de transports européens entre Paris et l’Europe du nord-ouest lui confère une excellente accessibilité régionale et (inter)nationale par la plupart des modes de déplacements.
À travers le hub «Euraflandres» (Gares Lille-Flandres et Lille-Europe) et ses services à grande vitesse, mais aussi le développement d’offres de cars nationaux et internationaux, l’accessibilité à moyenne et longue distances depuis et vers la métropole est très bonne. Elle permet notamment d’atteindre 4 grandes capitales européennes en moins de 2 heures et 30 minutes (Amsterdam, Bruxelles, Londres et Paris), et cette offre est complétée vers le sud par la plateforme aéroportuaire de Lille Lesquin.
En connexion avec les réseaux urbains, les services ferroviaires sont denses sur le territoire avec 41 gares et points d’arrêt qui permettent notamment d’atteindre rapidement le cœur d’agglomération avec 500 TER convergeant quotidiennement vers les gares lilloises. À long terme, le projet de Service Express Métropolitain (ou RER métropolitain) devrait engendrer un véritable «choc» d’offre ferroviaire. Il se traduirait notamment par un doublement des trains offerts aux heures de pointe, la réouverture potentielle de la ceinture ferroviaire lilloise ouest, l’installation d’une nouvelle halte à la Porte des Postes, ou bien encore la création d'une nouvelle gare souterraine en dessous de celle de Lille-Flandres.
Avec une métropolisation qui se poursuit, l'accès à la métropole pour les voitures et les poids-lourds connait encore une croissance sensible, en lien avec les emplois présents sur le territoire métropolitain.
Concernant le transport de marchandises, celui-ci est toujours très polarisé par les modes routiers à l’échelle nationale. Des réseaux alternatifs existent et sont présents sur le territoire (voie ferrée, voie d’eau) et en accès à celui-ci, même s’ils restent peu utilisés.
se déplacer au sein du territoire métropolitain en mode motorisé
Dans la première période avant crise sanitaire, les résultats de l’enquête «ménages déplacements» réalisée en 2016 par la Métropole Européenne de Lille indiquent notamment que les parts modales des déplacements réalisés par les habitants du territoire n’évoluent pas assez vite vers les objectifs du SCOT. Si les transports collectifs voient leur fréquentation nettement progresser entre 2015 et 2019 de l’ordre de 15%, celle-ci reste inférieure aux objectifs exprimés dans le SCOT.
De leur côté, les modes routiers ont tendance à repartir légèrement à la hausse alors qu’ils avaient fléchi dans la décennie précédant 2016. Il est notamment constaté un effet générationnel fort expliquant ce phénomène, mais les conséquences en sont une augmentation du trafic routier qui génère des nuisances. Cependant, même si celles-ci sont en partie compensées par les évolutions technologiques (baisse des consommations, voitures hybrides ou électriques), les objectifs environnementaux ne sont pas atteints.
En parallèle aux trafics urbains de voyageurs, des initiatives locales se multiplient sur le territoire pour développer des solutions innovantes et plus vertueuses pour livrer les marchandises sur le «dernier kilomètre». Mêmes si celles-ci restent encore modestes en volume aujourd’hui, on peut citer comme exemples le centre multimodal de distribution urbaine implanté au Port de Lille et les véhicules adaptés aux livraisons urbaines.
modes actifs au sein du territoire et stationnement
Les modes doux semblent se développer positivement depuis 2015, en particulier le vélo dont la dynamique positive récente est intéressante. La marche à pieds doit quant à elle faire l’objet d’attention, car même si elle reste de loin le deuxième mode de déplacement le plus utilisé du territoire, sa légère baisse entre 2006 et 2016 invite à la vigilance.
Enfin, l’optimisation de l'offre de stationnement (près de 1,2 million de places au total réparties entre places privées et publiques) et de son utilisation est un enjeu déterminant en matière de report modal. C'est également un sujet à investiguer plus finement en matière de consommation foncière, où le stationnement privé représente près de 1.400 hectares sur le territoire du SCOT. Ceci devra être reconsidéré au regard des objectifs conformés avec le «Zéro artificialisation nette», qui invite les territoires à réduire fortement leur artificialisation et leur consommation des sols dès aujourd’hui.
Crise sanitaire et nouveaux défis
Depuis 2020 et la crise sanitaire, la mobilité a connu des perturbations majeures sans précédent pendant les confinements/déconfinements. L’intérêt de cette période est qu’elle ouvre à la fois des perspectives et des chantiers sur la mobilité de demain : d'une part, le vélo a bénéficié d’une progression de 40% de son usage entre 2019 et 2021, mais a contrario, les réseaux de transports collectifs n’ont pas encore retrouvé leurs niveaux de fréquentation d’avant crise alors que la mobilité automobile a retrouvé ses congestions. D’autre part, un potentiel visible en matière de télétravail, accompagné ou non de décalage des horaires de déplacements (déshorage) existe et a été confirmé alors qu’il n’était qu’envisagé avant crise...
En lien étroit avec l’économie, la logistique et le transport de marchandises sont des sujets à investiguer avec attention dans les années qui viennent. En premier lieu, un sujet de connaissance se pose : qualification et fonctionnement du tissu logistique, jeu d’acteurs complexe imbriquant acteurs privés et publics... Cet écosystème doit continuer sa mue et faire évoluer ses modèles et son organisation pour orienter ses flux massivement vers des solutions plus vertueuses dès aujourd’hui. Il faudra anticiper l’arrivée du projet de Canal Seine Nord Europe (CSNE), projet d’aménagement économique de très grande envergure. Il créera des liaisons entre le Bassin de l’Escaut et le Bassin parisien via les Hauts-de-France, renforçant d’autant les possibilités de report modal par la voie d’eau.
En matière de perspective, il est enfin à souligner les très fortes dynamiques de développement des politiques de transports alternatifs à la voiture utilisée «seule». Celles-ci ont été portées et délibérées ces dernières années aussi bien par la Métropole Européenne de Lille que par la Communauté de communes Pévèle Carembault, comme le Schéma directeur des infrastructures de transports métropolitain (SDIT) à horizon 2035. Ce schéma propose près d’une trentaine de liaisons dont 5 nouvelles lignes de tramway ou encore des politiques vélo et intermodalité... En parallèle, le développement de l’accès à de nouvelles technologies, moins émissives sur l’environnement, est de plus en plus présent. Il permet notamment d’envisager de nouvelles opportunités pour les déplacements routiers non transférables. Ces politiques s’orientent au-delà du SCOT en agissant aussi bien sur les infrastructures et services que sur les changements de comportement.
Enfin, en lien avec ces nouveaux projets de grande envergure, le territoire devra se positionner dans les années à venir sur la maîtrise de son développement urbain ainsi que les potentiels de gisement urbain (stationnement) en lien avec ses réseaux de transports (transports collectifs existants et à venir), en particulier au regard des objectifs de Zéro artificialisation nette qui se dessinent en 2050.
à retenir
Au vu de son positionnement stratégique sur les principaux corridors de mobilité européens, le territoire du SCOT bénéficie d’une excellente accessibilité aussi bien à l’échelle régionale qu’(inter)nationale.
Jusqu'à fin 2019, le phénomène de métropolisation s’est poursuivi, avec notamment une hausse de 20% des déplacements professionnels vers la métropole en 10 ans. Même si l’utilisation des transports collectifs urbains a augmenté de 15% entre 2015 et 2019, elle reste inférieure aux objectifs du SCOT, alors qu’entre-temps les trafics automobiles ont continué à progresser, légèrement en interne du territoire, et plus significativement en échange avec les territoires voisins (entre 2010 et 2018, + 4,8% en voiture et + 18,9% en poids lourds).
Depuis 2015, les autorités organisatrices de la mobilité ont pris des engagements forts en matière de mobilité pour accélérer la transition vers les modes alternatifs à la voiture utilisée «seule» avec notamment le Schéma directeur des infrastructures de transports métropolitain (SDIT) qui vise des nouvelles lignes de tramway, des politiques cyclables revisitées ou encore le Service Express Métropolitain (ou RER métropolitain) à l'échelle régionale.
Le transport de marchandises reste encore très majoritairement tourné vers les modes routiers pour plus de 85% des flux, à l’instar des parts modales constatées à l’échelle nationale, même si les ambitions sur les modes alternatifs sont de plus en plus fortes, en particulier en vue de l’arrivée du projet de Canal Seine Nord Europe. Les initiatives locales se multiplient également pour améliorer la performances environnementale du « dernier kilomètre » et des livraisons dans les zones les plus urbaines.
Concernant les modes doux, la part de la marche à pieds doit rester une priorité au vu de sa légère baisse de 2% entre 2006 et 2016. En revanche l’usage du vélo est de plus en plus dynamique avec une augmentation de son usage de 80% depuis 2015.
Enfin, la période « post » crise sanitaire ouvre à la fois des perspectives intéressantes et des chantiers complexes sur la mobilité de demain. Si les transports collectifs n'ont pas encore retrouvé leurs niveaux de fréquentation (fin 2022, ils se situent encore 10 à 15% en-dessous de leur niveau de 2019), la pratique du vélo a largement augmenté et des potentiels sont apparus. Ils deviennent de véritables outils opérationnels pour accompagner les changements de comportement : télétravail, déshorage...
CONTACT
Alexis MARCOT : amarcot1@adu-lille-metropole.org - Directeur d'études - Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole
Photos : Transports en commun, Armentières © Alexandre Traisnel/MEL; TER en gare, Templeuve © ADULM; CMDU Urby, Lille© MEL; Aménagements pistes cyclable, Lille © Lucas Dumortier-Light Motiv; Porte de Lille, Lille © Gabriela Tellez-Light Motiv