Les premiers travaux de reconnaissance des gisements d'uranium débutent sur les communes du Puech, de Saint-Jean-de-la-Blaquière et du Bosc à la fin des années 1950. À la suite des recherches engagées, la concession du Lodévois est accordée au CEA, en 1966. Sous l'égide de la COGEMA créée en 1976, l'exploitation se développe au mas Lavayre en souterrain et au mas d'Alary à ciel ouvert. L'extraction se poursuit à partir de 1989 à Rabejac, puis en 1990 aux Mares et en 1991 à Puech Buissou.
Ci-contre : Sondage sur le gisement de Rabejac, avril-mai 1958. © Orano. Amélie Boyer (reproduction) © Inventaire général, Région Occitanie
Des bureaux, ateliers, magasins et vestiaires sont construits au mas Lavayre à partir de 1977, en lien avec l'exploitation du sous-sol. Une usine de traitement des minerais produit les premiers kilos de concentré marchand en 1981.
Malgré les investissements engagés, l'exploitation des gisements d'uranium du Lodévois, jugée non compétitive, ralentit dès la fin des années 1980. L'exploration prend fin en 1995. La production s'arrête au mas Lavayre en mai 1997. L' usine de traitement ferme, la même année, en juillet 1997. Les travaux de mise en sécurité des mines et le démantèlement des installations sont rapidement enclenchés. Ils ont lieu entre 1998 et 2002. C'est la fin de l'activité minière en Lodévois.
L'extraction du minerai
Deux méthodes permettent d'extraire du minerai : les travaux par galeries souterraines (dits TMS pour travaux miniers souterrains) et les travaux à ciel ouvert (dits MCO pour mines à ciel ouvert). Les deux techniques ont été employées en Lodévois.
Entre 1975 et 1997, les travaux miniers souterrains se sont concentrés aux chantiers de mas Lavayre, de Tréviels, du Capitoul et des Mares. Au mas Lavayre, principal gisement d'uranium de la concession, deux descenderies ont été creusées. La descenderie A, au sud, permettait aux mineurs et aux moteurs d'accéder à la mine. La descenderie B, plus au nord, servait à transporter le minerai, à l'aide d'un convoyeur à bande, depuis les recettes souterraines jusqu'au stockage situé à la surface, en tête de l'usine de traitement. Sous terre, les mineurs procédaient par étape : foration, abattage par tir de mine, purge et boulonnage pour sécuriser et renforcer les galeries, évacuation du minerai vers les concasseurs puis vers la surface. Les galeries étaient ensuite remblayées.
Les mines à ciel ouvert sont exploitées de 1978 à 1994, dans les zones des Failles Centrales, Failles Sud, mas d'Alary Village, La Plane, Tréviels Ouest, Rabejac Est. La méthode d'exploitation consiste à creuser progressivement par gradin et banquette. Après avoir décapé les terres végétales, les mineurs procédaient à la foration, au tir de mine, puis à l'évacuation des produits, minerais ou stériles, par camions tombereaux.
Au total, les travaux ont permis d'extraire 5 100 000 tonnes de minerais d'uranium, pour une production de 14 630 tonnes d'uranium, soit près de 18 % de la production des mines françaises.
Le carreau et l'usine
Le carreau minier regroupe les installations de surface servant à l'extraction et au traitement des minerais. Il est implanté au mas Lavayre entre les descenderies A et B. On y trouve les ateliers, les magasins, les vestiaires, la cantine, les bâtiments administratifs, les laboratoires et l'usine de traitement des minerais dite « SIMO » pour Société Industrielle des Minéraux de l'Ouest. Filiale de la COGEMA, la SIMO exploitait également les usines de trairement d'uranium d'Auvergne, de Vendée et du Limousin.
La faible teneur des gisements d'uranium a rendu sa concentration nécessaire sur place : un procédé complexe et adapté à la nature des minerais a été spécialement mis au point pour l'usine du Lodévois. Les méthodes perfectionnées permettaient de récupérer 90 à 92 % de l'uranium contenu dans les minerais.
À la « SIMO », les minerais étaient d'abord concassés, triés (triage radiométrique à partir de 1985), puis broyés par voie humide en présence de chaux. Ils subissent ensuite une attaque alcaline réalisée dans des autoclaves installés en plein air : préattaque en présence de soude et d'oxygène gazeux et attaque par une solution de carbonate de sodium avec addition de sidérose. Les liqueurs uranifères obtenues étaient concentrées et purifiées par prélèvement et filtrations, puis séchées. Le concentré marchand, appelé « yellow cake », était ensuite mis en conteneur et transporté à l'usine de Malvési (Narbonne).
L'architecture et l'intégration paysagère des bâtiments du carreau ont été particulièrement soignées. La société Krebs est sélectionnée pour la construction et l'ingénierie de l'usine de traitement qui est édifiée en 1980, mise en service en 1981 et exploitée jusqu'en 1997. Le cabinet AUA (Les Architectes et Urbanistes Associés) est choisi comme maître d'œuvre pour les bâtiments administratifs et les logements construits à Lodève et à Clermont-l'Hérault.
Les logements
Les logements constituent les indices visibles du passé minier du Lodévois. Ils ont été construits par les offices parapublics et la COGEMA dans les années 1970-1980 pour loger les mineurs et leur famille. À cette époque, ils sont près de 800 : environ 600 affectés à l'exploitation minière et 200 à l'usine de traitement. Ces programmes ont contribué au maintien des habitants et des activités sur le territoire. À Lodève, ils ont participé au développement du quartier du Pont-de-Celles.
Au Pont-de-Celles, le projet initial comportait 44 logements. Il est abandonné en 1979 au profit d’un ensemble de 52 logements. En août 1979, les architectes chargés du projet visitent les nouvelles constructions du quartier La Martelle à Montpellier, sur le « modèle intermédiaire G3 ». Le permis de construire pour les 52 logements de Lodève est déposé en septembre 1979. Le gros-œuvre est livré par la Société Génie Civil de Lens en février 1980. Le chantier est terminé en mars 1981.
Les logements « modèle G3 » sont présentés au concours de logements pour le Languedoc-Roussillon lancé par le Direction Régionale de l'Équipement en 1977. Ils sont dits « intermédiaires » car chaque habitation jouit d'un accès privatif et d'une terrasse représentant 25 % de la surface du logement. « Ils ont été conçus pour former des ensembles d'échelle humaine, de caractère local, pouvant s'intégrer facilement aux sites du Languedoc-Roussillon, aux urbanisations existantes, avec un caractère modeste, formant transition entre l'individuel et le collectif » (document de présentation du modèle G3).
Le cabinet AUA (Les Architectes et Urbanistes Associés) est chargé du projet du Pont-de-Celles. Conçus à partir du modèle intermédiaire G3, les 52 logements sont répartis entre deux immeubles pour éviter l'effet de « barre » de l'ensemble. « La volumétrie créée par l'imbrication des corps de bâtiment, amène une dynamique visuelle animée par le contraste des couvertures obliques en tuiles, et horizontales en terrasse ». Elle est renforcée par la polychromie des enduits, choisie suivant les « couleurs en place dans le site ocre, rose ocré et rose violacé » (étude d'impact, AUA, 1979).
Le site aujourd'hui
Peu de vestiges témoignent de l'exploitation des mines d'uranium en Lodévois. Les travaux de mise en sécurité et le démantèlement des installations ont largement remodelé le paysage minier.
Une partie des terrains de l'ancienne concession minière du Lodévois appartient toujours à ORANO (anciennement COGEMA, puis AREVA). Dans le cadre de ses missions après-mine, l'entreprise assure la surveillance du milieu aquatique, de l'eau de consommation et de la qualité radiologique de l'air. Une station pour le traitement des eaux d'exhaure et de ruissellement, aménagée au centre de la concession, fonctionne depuis 1999. Les produits issus de ce traitement (résines) sont envoyés à l'usine de Malvési (Narbonne) pour en extraire quelques tonnes d'uranium.
De nouvelles activités économiques se sont implantées dans le périmètre de l'ancienne concession. Une entreprise de tri et de traitement des déchets du BTP est installée au mas d'Alary depuis 2008. Deux centrales solaires photovoltaïques occupent les terrains au nord et au sud de la concession depuis les années 2010.
Un parc d'activités économiques a vu le jour sur la commune du Bosc. Son histoire débute en 2005 lorsqu'AREVA cède 120 ha à la Communauté de Communes du Lodévois-Larzac. Trois ans plus tard, en 2008, la Communauté de Communes et la Région Languedoc-Roussillon créent un syndicat mixte pour la gestion du PRAE Michel Chevalier (Parc Régional d'Activité Économique). Les travaux d'aménagement du parc d'activités débutent en 2013. Devenu l'OZE Michel Chevalier (Occitanie Zones Économiques), ce parc occupe aujourd'hui une superficie de 20 ha. Il accueille notamment l'entreprise d'emballage en carton Ondupack.
Ci-contre : L’entreprise Ondupack cartonnerie implantée sur l’OZE Michel Chevalier, avril 2010. © Antoine Darnaud - Région Occitanie
Crédits :
Textes : Lisa Caliste, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie
Conception et carte : Christelle Parville, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie
Sources :
- Cogema, Division minière de l’Hérault
- La lettre de Lodève, Bulletin trimestriel d’information de Cogema en Hérault, n°14, avril 1997
- Cogema, Branche uranium naturel - Division minière de l’Hérault
- Cogema, 1976-1986 ou 90 ans d’histoire, 1986
- Bavoux, Bernard et Guiollard, Pierre-Christian. L'uranium du Lodévois (Hérault). Saint-Pourcain : Pierre-Christian Guiollard, 1999
- Archives départementales de l’Hérault
- Marine Robillard, L'histoire de l'uranium dans le Lodévois, ancien site COGEMA-SIMO, dact., juin 2021.
En 2020 et 2021, la Direction de la Culture et du Patrimoine et la Direction de l'Aménagement et de l'Immobilier de la Région Occitanie, en partenariat avec la Communauté de Communes du Lodévois et Larzac, ont commandé et suivi une étude sur l'histoire des sites d'extraction d'uranium gérés par la COGEMA sur les communes du Lodévois, en particulier celle du Bosc (Hérault), entre la fin des années 1950 et celle des années 1990. La prestation a été réalisée par Marine Robillard, anthropologue (Anthropolinks), et Céline Beauquel, documentariste (Luna Blanca Films).
D'après une exposition conçue par Véronique Marill pour les Journées Européennes du Patrimoine 2024 pour le Pays d'art et d'histoire du Lodévois et Larzac.