Les ponts et viaducs au Pays des Grands Causses

Ouvrages d’art, les ponts livrent des traces de périodes différentes, de styles variés et de savoir-faire technologiques toujours en évolution. S’ils marquent le territoire, ils sont aussi le lieu de perception de péages ou de contrôle des trafics.

Sur les Grands Causses, les ponts s'élèvent sur des itinéraires très anciens, héritages des pistes de transhumance. Se substitue à cette voie millénaire, la voie romaine, support de diffusion des céramiques de la Graufesenque aux 1er et 2e siècles de notre ère, puis les voies du Moyen Âge et d'Ancien Régime, qui se démultiplient entre villes et villages, favorisant l' échange de milliers de biens ou d'idées. Par la suite, ce sont les voies ferrées qui diffusent la production gantière et aujourd'hui l'autoroute A75 qui longe, sur le Larzac, l'ancienne voie romaine, le Viaduc s'élevant en parallèle au Pont Vieux de Millau et au Pont Lerouge.

Quatre générations de pont qui se succèdent : le Pont du Larzac, la passerelle du Saoutadou, le Pont Lerouge et le Viaduc de Millau.

En bois, en pierre, en métal, en béton ou en acier, les ponts sont construits pour relier deux points séparés par un cours d'eau ou un ravin. Avec la multiplication des voies de communication, des matériaux et des savoirs faire, leur nombre augmente au point qu'il est difficile aujourd'hui d'en connaître leur nombre exact. Le 18e siècle marque une période de renouveau, avec en 1747, la création de l'École des Ponts et Chaussées.

La révolution industrielle et l'usage du métal, aux 19e-20e siècles, permet leur démultiplication, avant l'apparition des ponts en béton armé à hauban, illustrés par le Viaduc de Millau, qui figure comme une performance internationale, aboutissement d'une longue progression des savoirs faire.

La construction et l’entretien des ponts a toujours été un investissement pour les communes et font l’objet de l’attention des édiles du territoire. Les crues du Tarn, de la Dourbie et de la Jointe, comme de leurs affluents, sont très fréquentes. Elles émaillent les registres d’archives qui relatent leur effondrement, partiel ou non et qui sont alors l’occasion de processions ou de demande de baisse d’impositions, des bacs palliant leur absence.

Les ponts en pierre

Des ponts de bois du Moyen Âge ou de l’Antiquité ne demeure aucune trace, bien que le tracé de la voie romaine indique qu’il devait y en avoir un. Du Moyen Âge au 19e siècle, la pierre figure comme le matériau de prédilection des constructeurs, pour sa solidité. Comptant plusieurs arches, en plein cintre ou segmentaires, élevés sur les rivières principales comme sur leurs affluents, ils illustrent les modes de construction et les tâtonnements des Hommes au fil des siècles.

L'Aveyron médiéval s'avère une période riche en construction de ponts. Millau, Camboulas, Bonnecombe en possèdent depuis le 12e siècle, puis Espalion, Entraygues aux 13e-14e siècles, Rodez et Estaing au 14e siècle.

1 : Le Pont d'Espalion ; 2 : Le Pont d'Estaing.

Au pied des causses, le premier semble celui du Pont-Vieux à Millau, dès 1156. Élevé par le comte de Barcelone, il enjambe le Tarn et relie le Languedoc et le Massif Central, sur un axe de communication d'origine antique. Le Pont Vieux de Millau compte parmi les principaux points de péage. En 1271, Alphonse de Poitiers constatant leur multiplicité, décide de ne conserver que ce dernier.

Le Pont Neuf de Millau lui fait suite vers 1288. Commandé par les consuls et financé grâce aux ressources de la ville, il dessert le Causse Noir.

Le pont Neuf de Millau dit pont de Cureplat, construit au 13e siècle.

Durant la guerre de Cent Ans, les troubles entrainent la fortification de Millau, Creissels, Compregnac, Compeyre ou encore Peyreleau. Le Pont Vieux de Millau est alors défendu par trois tours fortifiées. Aux 16e et 17e siècles, les guerres de Religion incitent à contrôler le passage des troupes. Mais la lutte contre la dissémination des épidémies de peste pour les hommes ou de « picotte » pour les brebis, pousse également les consuls à y organisateur des gardes.

Le 16e siècle voit surtout l’entretien des constructions et des routes. Vers 1754, l’intendant de la Généralité de Montauban, Charles Lescalopier fait aménager la route royale entre Rodez et Montpellier afin de désenclaver le territoire et favoriser les échanges. Les fortifications sont alors abattues mais deux arches du Pont Vieux s’effondrent à la suite d'une crue, signant son abandon définitif.

Au premier plan les arches restantes du Pont Vieux de Millau effondré en 1758 et au second plan le Pont Lerouge ouvert en 1821.

Faute de ponts, la traversée des rivières s’effectue par bacs à la Cresse, au Rozier ou à Millau. Mais, dangereux, ils occasionnent de nombreuses noyades.

De nombreux moulins occupent également les berges. A Millau, l'un d'eux est adossé à la deuxième pile du Pont Vieux depuis 1371. Cet édifice industriel a été fonctionnel jusqu'au début du 20e siècle.

En 1821 est construit le pont de Corp. Bâti par le propriétaire du moulin connu depuis le 14e siècle, il surplombe la Dourbie et dessert le Larzac. Sa construction est alors placée sous le contrôle de l'ingénieur ordinaire du Corps Royal des ponts et chaussées de Millau.
Pont métallique de Paulhe construit en 1882.

Les ponts en métal, béton et acier

La fissuration des arcs est un problème bien connu des constructeurs de ponts en maçonnerie. Si aux 19e et 20e siècles, la construction en pierre perdure, elle se voit progressivement remplacée par l'utilisation de matériaux innovants, la fonte, le fer puis l'acier. Le développement de la métallurgie et la production industrielle de différents types de métaux font ressortir les innovations technologiques dans la construction des ponts. A partir des années 1870, l'usage de l'acier prédomine.

1 et 2 : La passerelle de Massebiau, vallée de la Dourbie ; 3 : Détail du Pont métallique de la Cresse ; 4 : Pont métallique de la Cresse ; 5 : Le pont Neuf du Rozier, vallée de la Jonte construit au début du 20e siècle.

Au 19e siècle, la Compagnie ferroviaire du Midi participe au développement économique régional. L'ouverture de la ligne Béziers-Neussargues, ou « ligne des Causses », s'échelonne sur une trentaine d'années, entre 1858 et 1888. Sur près de 300 km de longueur, elle traverse l'Hérault, l'Aveyron, la Lozère et le Cantal. La ligne de chemin de fer de Béziers à Millau ouvre en 1874, celle de Rodez à Millau en 1880. Franchissant des plateaux et des vallées, elles sont l'occasion de construire de nombreux ponts et viaducs.

Le viaduc d'Aguessac, d'une longueur totale de 240 mètres, présente une hauteur maximale au-dessus du terrain naturel de 30 mètres. Il est construit en moellons de grès et de pierre de taille. Ouvert en 1879, il était initialement prévu pour deux voies.

L’apparition du béton à la fin du 19e siècle permet la création de nouveaux ouvrages. L’art de construire les ponts connaît ensuite des changements importants au cours du 20e siècle, avec la généralisation du béton armé, puis l’invention du béton précontraint, le développement de la soudure ou encore le perfectionnement de l’acier.

Le Pont du Larzac.

La croissance de la circulation, le transport ferroviaire, le transport routier avec la démultiplication des convois exceptionnels ont rendu nécessaire ces innovations et notamment la réflexion sur leur résistance.

Situé sur le tracé de l’autoroute A 75 qui relie la France à l’Espagne, Paris à Barcelone, le viaduc permet de franchir la vallée du Tarn entre les deux plateaux du Causse Rouge et du Causse du Larzac. Dessiné par l’architecte anglais Norman Foster et l’ingénieur des Ponts et Chaussées, Michel Virlogeux, il a été élevé entre 2001 et 2004 par le groupe Eiffage.

Le viaduc compte sept pieux de béton créant huit travées et un tablier d'acier. De 2 460 m de long, ce tablier de 36 000 tonnes qui mesure 32 m de large présente une ligne élancée et dessine une légère courbe orientée vers l'est. Les sept pieux de béton, d'une surface de 200 m² à leur base et de 30 m² au sommet, évoluent jusqu'à se dédoubler en fourches fines portant les pylônes d'acier de 87 m de hauteur comprenant s'arriment les haubans. C'est à leur jonction que le tablier vient se fixer, à 270 m de hauteur, au-dessus du Tarn, l'altitude du plus grand pylône atteignant 343 m, soit 19 m de plus que la tour Eiffel. Par la légèreté de sa structure aux reflets gris-bleu et son intégration dans le paysage, cet ouvrage figure au rang des plus belles œuvres du génie civil dans le monde.

Carte des ponts mentionnés dans l'article (points jaunes).

Crédits :

Textes : Françoise Galès, Direction du patrimoine et des archives municipales, Ville de Millau

Photographies : David Maugendre, Philippe Poitou (c) Inventaire général Région Occitanie.

Conception : Christelle Parville, Direction de la Culture et du Patrimoine, Région Occitanie