Image de couverture : Illustration de Dakota – Ojibwa Productions et Womynly Way Productions. Affiche du « Festival des femmes autochtones, une célébration de la force et du pouvoir des femmes autochtones : à travers la musique, le théâtre, l'histoire et la danse ». Originaire de la collection du Women's Information Centre à Toronto, le 4 août 1985, collection CWMA (10-001), archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
Dès leur conférence inaugurale à Winnipeg en 1975, les femmes de l’ANFD s’étaient engagées à protéger les droits des femmes autochtones. Lors de cette conférence, dont le thème était « Les femmes et le travail », l’ANFD a organisé un atelier sur « Le rôle des femmes métisses », animé par Rita Cuiboche, alors présidente de l’Association des femmes métisses du Manitoba. L’atelier a commencé par un aperçu de l’histoire des femmes métisses et de leur statut d’assujetties. Cuiboche a fait valoir que « la Fédération des Métis du Manitoba (une organisation dirigée par des hommes) s’efforce de faire progresser les hommes » alors que « les femmes ont été littéralement laissées pour compte ». [1]
Cette année, en partenariat avec l’ANFD, les Archives et collections spéciales de l’Université d’Ottawa célèbrent le 50e anniversaire de l’ANFD en se plongeant dans l’histoire de l’organisation, y compris ses réalisations marquantes, ses interventions juridiques, ses défis organisationnels et son impact indéniable sur la société canadienne. Cette section de l'exposition se concentrera sur l'égalité du mariage; et l'avenir de l'ANFD. Vous pouvez cliquer sur les liens suivants pour en savoir plus sur la fondation de l'ANFD et sur leurs importantes contributions à la législation entourant les femmes et le travail, la violence contre les femmes et la justice reproductive.
Cuiboche a expliqué que les femmes métisses avaient commencé à s’organiser, mais que le problème résidait en partie dans le manque de financement : « Les organisations d’hommes qui prétendent représenter à la fois les hommes et les femmes (mais qui ne le font pas) bénéficient d’une priorité élevée en matière de financement, et le secrétaire d’État n’accorde pas de fonds pour le financement de base. » Malgré ces difficultés, Cuiboche a noté que l’Association des femmes métisses du Manitoba a mis en place des centres de planification familiale et des services de counseling dans plusieurs communautés métisses, dont le personnel est composé de femmes métisses. [1]
Les discussions de cet atelier ont porté sur l’amélioration des conditions de vie des femmes métisses et sur la fin de la discrimination à leur égard. Les femmes qui ont participé à cet atelier ont également souligné le fait que bien qu’elles soient souvent assimilées aux peuples autochtones, il existe « de grandes différences de caractéristiques ainsi que des problèmes et des objectifs différents » entre les « Indiens visés par un traité », les « Indiens non inscrits » et les « Métis ». Il est important de noter que cette discussion a eu lieu à une époque où les femmes autochtones étaient désavantagées par la discrimination fondée sur le sexe contenue dans la Loi sur les Indiens :
Jusqu’en 1985, les femmes ayant le statut d’Indien qui épousaient une personne sans statut perdaient leurs droits. Les hommes, en revanche, ne perdaient pas leur statut d’Indien de la même manière. Même après que le projet de loi C-31 ait rétabli les droits liés au statut d’Indien de nombreuses femmes en 1985, la loi continuait d’être discriminatoire à l’égard des femmes en privilégiant les lignées de descendance masculine." [2]
Image de gauche : Holly Penner, couverture du « Document d'information sur le projet de loi C-31 : Loi modifiant la Loi sur les Indiens de 1988 », boîte 22, dossier 20, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
L’accent mis par la Loi sur les Indiens sur les lignées de descendance masculine en tant que caractéristique de l’autochtonie a désavantagé les femmes autochtones en leur interdisant de participer au système des bandes, qui a remplacé les modèles autochtones de gouvernance qui avaient été plus inclusifs pour les femmes.
L’atelier de l’ANFD sur les femmes métisses a donné lieu à plusieurs résolutions, qui ont toutes été ratifiées lors de la session plénière :
1. ATTENDU que la Déclaration canadienne des droits reconnaît l’égalité des femmes dans la société canadienne ;
ET ATTENDU que les préoccupations particulières des femmes métisses et des femmes indiennes non inscrites ne sont pas actuellement reconnues par le secrétaire d’État comme étant indépendantes ;
Il EST DÈS LORS RÉSOLU que cette conférence demande instamment au secrétaire d’État de soutenir les demandes indépendantes des femmes métisses et des femmes indiennes non inscrites pour un financement de base.
2. ATTENDU que les Métis luttent pour leur reconnaissance en tant que culture indépendante ; IL EST RÉSOLU que le recensement canadien inclue la catégorie des Métis.
3. IL EST RÉSOLU que l’Association Femmes et Droit appuie et aide activement les organisations de femmes métisses, indiennes non inscrites et indiennes inscrites du Canada, par le biais de caucus locaux.
4. IL EST RÉSOLU que cette conférence appuie la participation active des femmes métisses, des femmes indiennes non inscrites et des femmes indiennes inscrites à la réécriture de la Loi sur les Indiens. [1]
En 1982, grâce aux efforts de lobbying menés par la représentante du Québec, Monique Charlebois, l’ANFD a soumis au Comité permanent des affaires indiennes et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes une déclaration sur la « discrimination à l’égard des femmes autochtones en vertu de la Loi sur les Indiens ». Cette déclaration commence par noter qu’« il est difficile d’imaginer une loi dont le langage est plus manifestement discriminatoire » que la Loi sur les Indiens, un fait qui avait été reconnu par la Commission des droits de l’homme des Nations unies l’année précédente. L’ANFD a également fait valoir que « l’aliénation forcée et la misère humaine générale causées par ces dispositions ont été bien documentées par les groupes de femmes autochtones » et que « malgré les arguments contraires du gouvernement dans les années 1970, ces études démontrent clairement que la Loi sur les Indiens ne reflétait pas les coutumes familiales et tribales en matière d’identité raciale, mais qu’elle avait été imposée par une culture blanche, paternaliste et dominée par les hommes au XIXe siècle ».
L’ANFD a accusé le gouvernement canadien de s’opposer à l’élimination de « cette tache honteuse dans notre histoire » et a condamné son « refus constant d’inclure les femmes autochtones dans le processus de négociation sur le statut et l’appartenance [...] alors qu’elles sont les plus touchées par le système actuel ». [3]
Image de gauche : Monique Charlebois, Introduction à « Discrimination Against Native Women Under the Indian Act », 1982, boîte 14, dossier 10, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
L’ANFD a ensuite présenté une liste de demandes qu’elle considère comme essentielles pour remédier aux effets néfastes de ces lois qui suscitent des divisions :
1) Que le Parlement fasse de l’abrogation des articles 10, 11(1)(f), 12(1)(b), 14 et 109 une priorité absolue de la prochaine session parlementaire ;
2) Que ces articles soient remplacés par des dispositions jugées acceptables par les associations de femmes autochtones, après consultation de leurs représentantes, afin de permettre une détermination humanitaire et non discriminatoire du statut d’Indien ;
3) Que les femmes indiennes ayant perdu leur statut à la suite d’un mariage avec un non-Indien soient réintégrées. [3]
L’ANFD a ainsi soutenu les efforts et les revendications des principales militantes autochtones, notamment Mary Two-Axe Early, Yvonne Bédard, Jeannette Corbiere Lavell et Sandra Lovelace Nicholas.
Ce n’est qu’en 1985 que ces demandes ont finalement été satisfaites, grâce à la présentation du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les Indiens, qui a rétabli le statut de nombreuses femmes autochtones. Cependant, un document de référence sur le projet de loi rédigé par Holly Penner de l’ANFD en 1988 décrit la législation comme « un compromis entre les droits collectifs des Indiens à l’autonomie gouvernementale et les droits individuels et collectifs des femmes indiennes à l’égalité de traitement, au statut d’Indien et à l’appartenance à une bande. Bien que ces intérêts ne soient pas nécessairement contradictoires », poursuivait-elle, « la structure du projet de loi C-31 (combinée aux effets des premières lois sur les Indiens) crée une concurrence entre divers Indiens et groupes d’Indiens, ce qui a pour effet de diviser les Indiens entre eux ». [4]
Le projet de loi C-31 visait à harmoniser la Loi sur les Indiens avec les dispositions récemment adoptées dans la Charte canadienne des droits et libertés et à rectifier le fait que les femmes autochtones qui perdaient leur statut étaient coupées de leur culture, forcées de quitter les réserves et privées de la possibilité de participer aux traditions et à la culture de leur famille. Cependant, le projet de loi C-31 a rapidement causé de nouveaux problèmes en amenant un afflux de personnes dans les réserves autochtones, sans prévoir de financement spécifique pour cette nouvelle demande de ressources. De plus, en séparant les catégories de statut de bande et de l’appartenance à une bande indienne, de nombreuses femmes autochtones se sont vu refuser l’accès à leurs terres traditionnelles et ont été privées de la possibilité d’influer sur la gouvernance de leurs communautés. [2]
Image de droite : Louise Shaughnessy, correspondance avec le ministre de Développement des ressources humaines Canada en soutien à l'Association des femmes inuites Pauktuutit du Canada, boîte 66, dossier 37, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
En plus de soutenir la lutte des groupes de femmes autochtones pour réformer la Loi sur les Indiens, l’ANFD a écrit, à la fin des années 1990, à diverses écoles de droit et associations du barreau au sujet de la discrimination présente dans les examens du LSAT et du barreau. Ces lettres avaient pour but de permettre à l’ANFD de mieux comprendre les relations entre les femmes autochtones et les facultés de droit dans tout le pays, ainsi que de se familiariser avec les programmes mis en place pour aider les femmes autochtones à entrer dans la profession juridique. L’ANFD s’est également penchée sur les difficultés rencontrées par les femmes autochtones, noires et racisées pour trouver un emploi dans le secteur privé après leurs études de droit. [5]
Au début des années 2000, Sharon McIvor, militante autochtone de premier plan et membre de la bande de Lower Nicola, s’est jointe à l’ANFD. Après l’adoption du projet de loi C-31, McIvor a continué à lutter contre la discrimination présente dans la Loi sur les Indiens, qui privait encore ses enfants et petits-enfants des droits liés au statut d’Indien. En 2004, en partenariat avec l’Alliance féministe pour l’action internationale (AFAI), l’ANFD a contribué à envoyer McIvor à l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, à New York. Elle a pu y nouer des contacts avec d’autres militantes autochtones et entendre des femmes autochtones s’exprimer sur plusieurs questions essentielles, notamment « la violence raciale à l’encontre des femmes autochtones du Canada ».
Image de droite : Rapport de l'ANFD et de la FAFIA à la Fondation Nancy Ruth, 2004, boîte 58, dossier 8, fonds de l'ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
McIvor a également assisté à la présentation d’un mémoire de l’AFAC sur « le degré important de phobie et la discrimination subséquente auxquelles sont confrontées les femmes autochtones qui s’identifient comme lesbiennes, bispirituelles, trans et handicapées », illustrant le fait que de nombreux groupes de femmes avaient commencé à réfléchir aux questions intersectionnelles au cours de cette période. En participant à ce forum, McIvor a acquis « une connaissance plus approfondie des moyens par lesquels les femmes autochtones peuvent influer sur les processus de l’ONU ». [6]
Dans le cadre de ses autres campagnes en faveur des droits juridiques des femmes, telles que la réforme du droit pénal, l’ANFD a dû veiller à ce que les amendements proposés n’affectent pas de manière disproportionnée les femmes autochtones, noires et racisées. Depuis son inauguration, l’ANFD s’est efforcée de lutter contre la discrimination raciale au sein de la profession juridique et du système judiciaire, en réaffirmant souvent son opposition aux stéréotypes raciaux qui perpétuaient les mythes sur les violences faites aux femmes. Par exemple, dans ses écrits sur la législation en matière de protection des victimes d’agression sexuelle, l’ANFD a noté que les immigrantes, les femmes autochtones et les femmes bénéficiant de l’aide sociale seraient particulièrement vulnérables car elles font souvent l’objet d’une surveillance juridique et d’une tenue de dossiers très poussées.
De plus, l’ANFD a tenté de trouver un équilibre entre son désir d’obtenir des sanctions plus sévères dans les affaires de violence sexuelle et sa compréhension du fait que les hommes racisés étaient souvent condamnés aux peines les plus lourdes, les stéréotypes raciaux jouant un rôle dans les décisions relatives à la détermination de la peine pour les hommes accusés de violence. Avant que le gouvernement fédéral de Stephen Harper ne lui retire son financement en 2006, l’ANFD a également cherché à inclure les femmes lesbiennes dans ses analyses sur l’inégalité entre les genres et a commencé à se familiariser avec les types de législation qui touchent les femmes trans.
Tout au long des années 1990, l’ANFD s’est employée à faire pression en faveur de la reconnaissance juridique des mariages entre personnes du même sexe. Elle a également créé un groupe de travail sur les droits des lesbiennes chargé d’analyser les schémas historiques de répression des lesbiennes, les schémas actuels de discrimination à l’encontre des lesbiennes, la signification politique du lesbianisme dans une société patriarcale, l’oppression des lesbiennes en tant que discrimination sexuelle et la nécessité d’aborder spécifiquement la question de la subordination des lesbiennes. [7]
Image de gauche : Barbara Findlay, Notes du Groupe de travail lesbien et gay, 3 mars 1992, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
Déjà en 1990, l’ANFD avait adopté une position officielle selon laquelle l’orientation sexuelle devait devenir une catégorie protégée en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans un communiqué de presse publié en décembre 1990 et intitulé « Les droits de la personne au Canada sont déficients », l’ANFD déclarait qu’en plus du parti pris ironique à l’encontre des femmes dont témoignent les décisions du Tribunal canadien des droits de la personne, les groupes de gais et de lesbiennes ont été « expressément exclus » des discussions officielles sur la réforme de la Loi canadienne sur les droits de la personne. [8]
Image de droite : Communiqué de presse de l'ANFD, « Human Rights in Canada Deficient », 11 décembre 1990, fonds de l'ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
Au milieu des années 1990, l’ANFD a exprimé avec vigueur son soutien au projet de loi C-33, qui visait à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’inclure l’orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination interdits. Selon le document de l’ANFD intitulé « Projet de loi C-33 : Une loi sur les droits de la personne au Canada, une promesse enfin tenue », de tels amendements ont été promis « par une succession de gouvernements, y compris les libéraux, depuis la fin des années 1970 ». Depuis 1977, l’ANFD avait activement insisté auprès du gouvernement fédéral pour qu’il modifie la LCDP afin d’y inclure la protection des gais et des lesbiennes. En 1996, la directrice de la législation et de la réforme du droit de l’ANFD, Louise Shaughnessy, a écrit directement au premier ministre de l’époque, Jean Chrétien, en réponse à l’indication du gouvernement fédéral selon laquelle il envisagerait de permettre un vote libre sur la proposition d’amendement : « Nous sommes scandalisés que cela soit envisagé », a écrit Mme Shaughnessy :
Les droits de la personne sont une question de principe universel et non de conscience individuelle. Le peuple canadien attend du gouvernement qu’il fasse preuve de leadership moral. Permettre un vote libre sur cette question revient à abdiquer cette responsabilité. Les principes et l’esprit de la Charte canadienne des droits et libertés consacrent au sein de la société canadienne la reconnaissance fondamentale du soutien du gouvernement au droit de chacun à la dignité et au respect. Nous exhortons votre gouvernement à adopter une position de principe.” [10]
Il n’y a finalement pas eu de vote libre et le projet de loi C-33 a reçu la sanction royale en juin 1996.
En mars 2000, l’ANFD a comparu à nouveau devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en réponse à l’introduction par le Parti libéral du projet de loi C-23, la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations. Cette loi devait accorder aux couples de même sexe qui vivent ensemble depuis plus d’un an les mêmes avantages et obligations qu’aux couples en union libre. Cependant, en mars de la même année, la ministre de la Justice, Anne McLellan, a annoncé que le projet de loi inclurait également une définition du mariage comme « l’union légitime d’un homme et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne », afin de rassurer le public sur le fait que le projet de loi n’aurait pas d’incidence sur le mariage traditionnel. [11]
Selon un article d’opinion rédigé par Andrew Coyne et publié dans le National Post, la formulation du projet de loi aurait pour effet d’effacer les distinctions juridiques entre les couples mariés et les couples en union libre, tout en permettant aux libéraux de « couvrir leur flanc droit en réservant la forme symbolique du mariage aux unions hétérosexuelles – maintenant ainsi l’insulte faite aux gais et aux lesbiennes – tout en la vidant de tout contenu ». [11]
Dans sa présentation au Comité permanent, l’ANFD s’est dite en accord avec cette évaluation, déclarant que « le projet de loi C-23 vise a priori à reconnaître officiellement l’égalité des couples gais et lesbiens. Nous ne voulons pas minimiser la valeur de l’égalité formelle, mais ce projet de loi est incomplet et il ne tient pas ses promesses. En réalité, il maintient l’interdiction des mariages des couples de gais et de lesbiennes, bien que la Cour suprême ait déclaré que les gouvernements devaient respecter l’égalité des conjoints de même sexe. » [12]
De même, John Fisher, du groupe de défense des droits des gais et lesbiennes Egale, interrogé sur le projet de loi par le Ottawa Citizen en mars 2000, a déclaré que « la première chose que les gais et lesbiennes verront en ouvrant ce projet de loi est une déclaration expresse selon laquelle leurs relations ne sont pas considérées comme ayant la même valeur et que l’institution du mariage leur est interdite. Il s’agit clairement d’une capitulation devant les dinosaures du caucus ». Ces déclarations semblent faire écho aux critiques que l’ANFD avait adressées au gouvernement fédéral des années auparavant, lorsqu’elle avait déclaré que les lois vagues, imprécises et fragmentaires en matière de justice reproductive constituaient une tactique délibérée visant à satisfaire « les deux camps » concernés par un enjeu et, par conséquent, à éviter toute controverse morale.
En avril 2003, l’ANFD a également présenté un exposé sur le mariage et la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe à la Commission permanente de la justice et des droits de la personne à Sudbury, où elle a fait part de son inquiétude quant aux « effets de l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe sur les lesbiennes, les femmes bisexuelles et les femmes trans » et a vivement recommandé « d’abolir l’exclusivité du mariage pour les couples hétérosexuels et de donner à toutes les femmes le droit d’épouser la personne de leur choix ». [14]
Elle a également affirmé que la discrimination à l’encontre du mariage entre personnes de même sexe ne pouvait être justifiée dans une société libre et démocratique et que « l’objectif de favoriser les mariages hétérosexuels à l’exclusion des mariages entre personnes de même sexe est le reflet des valeurs hétérosexistes héritées des dogmes religieux et des lois patriarcales. Elle est l’expression de préjugés sociaux et de haine et n’a d’autre but que d’exclure les membres de la société qui sont considérés comme “déviants” par rapport au modèle hétérosexuel dominant. » [14]
Cependant, l’ANFD a été « profondément déçue » par la réponse du Comité et a fait savoir à ses membres que le Comité permanent avait refusé d’engager une discussion sur les principes de démocratie, de liberté et de non-discrimination. Au lieu de cela, les membres du Comité « ont eu recours à des mythes et des stéréotypes dégradants » et « se sont empressés de répondre par des questions et des affirmations mal informées, non pertinentes et manifestement homophobes qui n’avaient rien à voir avec les principes que nous leur demandions d’examiner et d’appliquer », y compris une question du député Chuck Cadman qui associait le mariage entre personnes du même sexe à la polygamie et à l’inceste. [15]
De plus, « l’ANFD a été amenée à participer aux côtés d’individus qui ont parlé de soi-disant “vérités” bibliques sur le péché de l’homosexualité » et, de ce fait, « les consultations se sont transformées en un cirque qui a mis en scène un concours entre les droits et intérêts conflictuels de l’égalité et les croyances religieuses, même si ces croyances n’ont rien à voir avec le mandat du Comité ». Dans cette circulation, l’ANFD a exprimé son manque de foi dans le comité et sa capacité à remplir son mandat relatif à la justice et aux droits de la personne. [15]
Image de gauche : « Exemples de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle », créateur inconnu, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
Grâce aux efforts combinés d’Egale, de l’ANFD et d’autres groupes de défense des droits de la personne, le mariage entre personnes de même sexe a été légalisé par l’adoption de la Loi sur le mariage civil en juillet 2005. Peu de temps après, en 2006, l’ANFD a été privée de son financement par le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, un adversaire virulent du droit au mariage pour les gais et les lesbiennes. Néanmoins, la conclusion de la présentation de l’ANFD au Comité permanent en 2005 offre au lecteur un beau résumé de ses réalisations depuis 1974, ainsi que de ses espoirs et de ses rêves d’une société libérée de la discrimination consacrée contre laquelle elle a lutté au cours des trois dernières décennies :
Depuis près de trente ans de travail en tant qu’organisation féministe à la recherche de l’égalité, l’ANFD a critiqué la mesure dans laquelle l’institution du mariage et sa réglementation ont été impliquées dans les structures d’inégalité entre les hommes et les femmes. Nous avons reconnu que, historiquement, le mariage a été utilisé pour renforcer la subordination sociale et économique des femmes aux hommes et leur dépendance vis-à-vis de ces derniers. Dans le passé, ses règles et réglementations ont facilité l’appropriation et la dévalorisation du travail des femmes, ainsi que le déni des droits des femmes à un revenu indépendant, à la propriété et à la garde de leurs enfants..."
... jusqu’en 1985, le mariage a été utilisé pour promouvoir les politiques colonialistes et racistes de l’État canadien, en privant de leurs droits les femmes indiennes qui épousaient des hommes blancs et en les excluant de leur héritage autochtone. La discrimination et l’inégalité engendrées par ces politiques ont de graves répercussions qui perdurent et causent encore aujourd’hui d’énormes souffrances aux femmes et à leurs enfants. Ces inégalités ont été reflétées et exacerbées par la division genrée du travail au sein de la famille, la discrimination sexuelle et raciale systémique sur le marché du travail, les coupes dans les programmes de sécurité sociale et la tendance accrue en faveur de la privatisation, qui se traduisent toujours par la « féminisation » de la pauvreté et l’inégalité persistante dont sont victimes les femmes."
Même si le mariage a été imprégné d’idéologies archaïques et de préjugés sociaux concernant les rôles et les comportements sexuels, nous avons assisté au fil des ans à des changements substantiels, tant devant les tribunaux que devant les assemblées législatives provinciales et fédérales, qui ont réformé le droit de la famille et qui ont progressivement introduit des principes égalitaires. L’ANFD applaudit ces développements qui sont conformes aux garanties constitutionnelles d’égalité et qui visent à prévenir l’imposition de désavantages et à promouvoir une société dans laquelle toutes les personnes jouissent d’une reconnaissance égale en droit en tant qu’êtres humains ou en tant que participantes à part entière à la société canadienne, dignes de considération et de respect au même titre que les autres."
À l’aube du XXe siècle, il est impératif que ce mouvement vers l’égalité des femmes dans la famille et dans la société ne soit pas bloqué par des lois et des politiques discriminatoires. Il est impératif que le gouvernement canadien reconnaisse les droits et la dignité des lesbiennes, des femmes bisexuelles et des femmes trans et qu’il élimine tous les obstacles juridiques à leur égalité. Une société juste, équitable et égalitaire est une société qui respecte la dignité et les droits de la personne des lesbiennes et qui reconnaît pleinement leur droit d’épouser la personne de leur choix. Rien de moins que cela ne sera suffisant. Nous comptons sur vous pour défendre la justice et les droits de la personne et pour recommander au gouvernement de protéger et de promouvoir efficacement le droit à l’égalité de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes." [16]
Comme beaucoup d’organisations féministes de la seconde vague qui se sont regroupées à la fin du XXe siècle, l’ANFD a dû faire face à ses propres politiques et préjugés et a commencé à travailler avec diligence à la pleine inclusion des femmes bisexuelles, des femmes trans et des femmes autochtones, noires et racisées dans ses efforts législatifs. Bien que ce travail ait donné lieu à des défis et à des débats animés entre les membres, de telles controverses sont fondamentales pour le développement et la maturation des mouvements sociaux et les archives de l’ANFD démontrent que les membres n’ont pas hésité à engager les conversations difficiles nécessaires au changement organisationnel. En 2017, l’ANFD a été à nouveau financée par le gouvernement fédéral et a immédiatement renouvelé ses efforts en faveur d’une réforme féministe du droit au Canada. Pour en savoir plus sur le travail actuel de l’ANFD, visitez son site Web à l’adresse https://nawl.ca/fr
Cette exposition a été créé par Meghan Tibbits-Lamirande, conteuse en résidence à l'ARCS
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OUVRAGES CITÉS
[1] Cuiboche, Rita. Atelier sur “The Role of Métis Women,” Association Nationale Femmes et Droit, Women and Work Conference Program. Winnipeg, MB, 30 janvier-2 février 1975, boîte 9, dossier 12, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[2] L'Encyclopedia Canadienne, “Loi sur les Indiens,” https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loi-sur-les-indiens
[3] Charlebois, Monique. “Discrimination Against Native Women Under the Indian Act,” NAWL’s submission to the House of Commons Standing Committee on Indian Affairs and Northern Development, 1982, boîte 14, dossier 10, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[4] Penner, Holly. "Background Paper on Bill C-31: An Act to Amend the Indian Act," 1988, boîte 22, dossier 20, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[5] Association nationale des femmes et du droit. Short description of Racism in the Legal Profession Working Group, c. 1992-1997, boîte 58, dossier 20, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[6] NAWL & FAFIA, “Report to Nancy Ruth Foundation,” 2004, boîte 58, dossier 20, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[7] Association nationale des femmes et du droit, Outline for brief on Bill C-23, 9 mars 2000, fonds de L'ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[8] Communiqué de presse de l'ANFD, "Human Rights in Canada Deficient," 11 decembre 1990, fonds de L'ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[9] Association nationale des femmes et du droit, "Bill C-33: An Act Respecting Human Rights in Canada, A Promise Finally Fulfilled," 1 mai 1996, boîte 72, dossier 6, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[10] Shaughnessy, Louise. Letter to Prime Minister Jean Chretien, 1996, boîte 48, dossier 16, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[11] Coyne, Andrew. "Destroying Marriage to Save It," The National Post, 24 mars 2000, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[12] Association nationale des femmes et du droit. The Importance of Respecting the Substantive Equality Rights of Lesbians NAWL’s presentation to the Standing Committee on Justice and Human Rights, Bill C-23 L'importance de respecter les droits des lesbiennes à l'égalité matérielle. 1 février 2000.
[13] O’Neill, Juliet. "Marriage definition 'just cosmetic," The Ottawa Citizen, 24 mars 2000, fonds ANFD (10-036), Archives et collections spéciales, Université d'Ottawa.
[14] National Association of Women and the Law, Sudbury, 9 April 2003, SubmissionofNAWLonMarriageandtheLegalRecognitionofSame-SexUnionstotheStandingCommitteeonJusticeandHumanRights.pdf
[15] Association nationale des femmes et du droit, Report to membership on Same-Sex Marriage Hearings, 14 juillet 2003. Same-Sex Hearings | National Association of Women and the Law (nawl.ca)